III.3. L'insuffisance de
l'acquisition des savoirs par les élèves
Quand on se réfère aux nombreuses
évaluations internationales qui se sont intéressées au
niveau des acquis scolaires dans l'enseignement, elles indiquent globalement
que les apprenants n'ont aucune maîtrise des compétences de base
(UNESCO, 2004 ; OCDE, 2007). Cette insuffisance semble affecter plus les pays
en voie de développement dont le Tchad. Dans la Kabbia où nous
menons nos études, la situation n'est pas du reste. Selon le rapport de
rencontre des chefs d'établissements (2011), initié par
l'Inspection Départementale de l'Éducation Nationale de la
Kabbia, les participants se sont accordés pour évaluer le niveau
d'acquisition des élèves.
À cet effet, un échantillon de 100 copies
du concours d'entrée en 6ème en dictée, calcul
et connaissances usuelles au CEPT ont été prélevées
ainsi que 100 copies de BEPC des matières littéraires et
scientifiques. De ce qui ressortait, en dictée à l'entrée
en 6ème et CEPT, les notes ont varié de 00 à
03 /20 pour 38 copies vérifiées de dictée et
calcul et de 00-12/20 pour 38 copies en connaissances usuelles. En
mathématique par contre, elles ont varié de 00 à 13/20 sur
30 copies vérifiées. Après les travaux de l'atelier, les
différents groupes ont restitué ce qui suit :
-Aucune connaissance nécessaire en vocabulaire
disponible chez les élèves et que toutes les fautes sont
commises en grammaire, orthographe et conjugaison ;
-Les élèves ne maitrisent pas la langue
d'apprentissage en l'occurrence le français ;
- Il y'a une incapacité notoire des
élèves à apprendre leurs leçons ou de
décrire avec exactitude les phénomènes biologiques et les
formules données pendant les cours ;
-Il y a également la non maitrise par les
élèves, de la conversion en système métrique et
arithmétique et le manque de raisonnement dans la
résolution des problèmes dans les disciplines scientifiques.
Les participants ont aussi apprécié de
justesse les notes accordées par les correcteurs et ont souligné
que les notes sont fictives dans la plupart des cas tout en reconnaissant le
mauvais comptage des points par les enseignants. Ce rapport d'évaluation
des examens et concours a prouvé que le niveau d'acquisition des
élèves dans le département de la Kabbia est très
faible. Ce faible taux d'acquisition des connaissances est aussi reconnues par
nos enquêtés.
C'est ainsi que certains chefs
d'établissement nous ont avoué que les élèves de
manière générale et ceux de la 6ème en
particulier ne savent lire et cela les obligent à insérer comme
initiative un cours de lecture surtout pendant les heures de français
pour permettre à ces élèves d'apprendre à lire.
Ici, il se pose un problème de qualité de l'éducation
prônée par le cadre d'action de Dakar 2000. Pour le document, le
progrès essentiellement quantitatif ne suffit pas et qu'il faut
améliorer les conditions d'accès à l'éducation en
ce sens que cela s'accompagne de progrès concernant la nature et la
qualité de l'enseignement. Ainsi l'un des objectifs de l'UNESCO (2000)
est d'améliorer sous tous ses aspects la qualité de
l'éducation dans un souci d'excellence, de façon à obtenir
pour tous des résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables
notamment en ce qui concerne la lecture, l'écriture, le calcul et les
compétences indispensables dans la vie courante.
À ce propos Charbit et Kébé
(2006) pensent qu'il ne faut pas seulement être à mesure de
créer des écoles, de construire des classes ; le défi
majeur consiste à garantir la qualité de l'enseignement
dispensé à travers des acquis réels des apprenants. Selon
eux, la faiblesse des niveaux de performance serait liée au fait que
pendant plusieurs années, les systèmes éducatifs ont mis
l'accent sur l'accès à l'éducation en multipliant la
capacité d'accueil ou l'éducation de masse.
Ainsi le niveau d'acquisition des connaissances très
faible des élèves entraine au cours de l'année le
redoublement et l'abandon.
III.4. Le redoublement et l'abandon scolaire
liés à l'insuffisance intellectuelle des
élèves
Le redoublement est la décision de faire
reprendre l'année scolaire qu'un élève vient de terminer
compte tenu de sa réussite générale qui se relève
insuffisante au regard de l'apprentissage de base jugé essentiel pour
poursuivre sa formation scolaire avec des meilleures chances de succès.
Quant à l'abandon, c'est le fait pour un élève ou une
élève, de quitter l'école avant la fin de la
période de l'obligation scolaire. Le phénomène de
l'échec scolaire, qu'il prenne la forme d'abandon, de redoublement
fréquent ou des résultats scolaires médiocres, s'observe
à tous les niveaux du système éducatif en
général et dans l'enseignement secondaire en particulier.
Dans le Département de la Kabbia,
l'échec est observable à tous les niveaux. La baisse de la
qualité de l'enseignement se traduit par le taux élevé de
redoublement et d'abandon scolaire. Le taux de redoublement est un bon
indicateur de l'efficacité du système éducatif. Lorsque le
taux est élevé, cela signifie que beaucoup d'élèves
n'ont pas atteint le niveau attendu d'eux. Le redoublement, un
élément qui intervient dans la déperdition scolaire fait
qu'un élève reste dans la même classe et accomplit le
même travail que l'année précédente.
Le redoublement est considéré comme une
déperdition car il empêche d'autres enfants de
bénéficier dans l'immédiat de l'enseignement. C'est donc
un handicap pour les élèves car ceux-ci restent dans la
même classe et accomplissent le même travail que l'année
précédente. En plus des années perdues, le redoublement
provoque des dépenses supplémentaires tant pour l'Etat que pour
les familles. Cette situation lamentable laisse entendre que la plupart des
ressources utilisées dans la Kabbia sont gaspillées.
Cependant, on note un nombre considérable des
redoublants dans le Département de la Kabbia traduisant le
`` gaspillage'' des ressources. Au Lycée Maldom bada Abbas de
Gounou-Gaya, pour l'année 2012-2013, sur un effectif de 1600
élèves, l'on compte 750 redoublants soit un pourcentage de
46,87%. De même au lycée de Pont Carol, dans la même
année, sur un effectif de 1440 élèves, on dénombre
297 redoublants soit un pourcentage de 30,63%. Ce taux de redoublement
très important reflète l'image de la baisse de niveau des
élèves. Ainsi, note le Proviseur du lycée Maldom Bada
Abbas de Gounou-Gaya ce qui suit : « le taux
élevé de redoublement d'une année scolaire est la
conséquence du manque de niveau des élèves qui, ayant pris
goût à la facilité sont incapables de travailler dur et ne
peuvent supporter et rester dans la course pour l'excellence
prônée par le gouvernement dans les écoles, lycées
et universités ». Selon ce répondant, les
élèves optent plus à la facilité en mettant en jeu
les moyens financiers pour leur passage en classe supérieure.
Et comme le faible niveau des élèves ne leur
permet pas de rester dans la course pour l'excellence, d'autres abandonnent les
cours en milieu de l'année. Pourtant, le but d'un élève
inscrit dans un cycle déterminé est d'arrivée dans un
délai prescrit au bout du cycle. Dans ces conditions, tout abandon est
une déperdition, car l'élève a interrompu le mouvement de
la population scolaire. L'intéressé revient et reprend ces
études au bout d'un certain temps dans la même classe où il
devient redoublant.
Ce phénomène, bien observé dans le
Département de la Kabbia se présente selon l'enquête que
le taux d'abandon varie de 0,23% au collège de Fegué I à
20,81% au lycée de Domo Dambali. Comme le redoublement, l'abandon est
une véritable perte économique pour le système scolaire
car l'enfant désapprend facilement et devient analphabète.
L'abandon des élèves dans le Département de la Kabbia est
de deux sortes : il y a l'abandon volontaire et involontaire qui
intervient avant la fin du cycle et l'exclusion définitive par le
conseil d'orientation ou conseil de discipline pour insuffisance de travail et
le décès qui interrompe la vie et les études.
En effet, au terme d'une année scolaire, il est
fréquent de lire sur les bulletins des élèves des
appréciations comme : admis en classe supérieure,
redoublement, exclusion pour insuffisance de travail ou abandon. Si le
redoublement est fréquent dans les établissements de la Kabbia,
les exclusions pour insuffisance de travail ne sont pas du reste. Il varie de
00% au collège privé fille de Gounou-Gaya à 21,64% au
lycée de Pont Carol où 187 élèves ont
été exclus. Le tableau ci-après nous permet de faire une
lecture détaillée sur le redoublement et l'abandon des
élèves dans le département de la Kabbia.
Tableau
no18 : Effectifs d'abandons et de redoublement des
élèves
Etablissements
|
Effectifs
|
Abandons
|
%
|
Redoublants
|
%
|
|
|
Collèges
|
10074
|
756
|
7,50%
|
3321
|
32,96%
|
Lycées
|
9248
|
644
|
6,94%
|
3410
|
36,82%
|
Total
|
19322
|
1400
|
7,24%
|
6731
|
34,83%
|
Source de tableau :
Données des enquêtes
Ce tableau nous présente les statistiques de
redoublants et des abandons dans le Département la Kabbia. Concernant
les abandons, on note que sur un effectif de 19322 élèves, il
y'a 1400 élèves qui ont abandonné et 6731 ont
redoublé. Ce qui nous donne effectif total de 8131 élèves,
soit 42,08%. Ceci nous permet de confirmer que le rendement interne des
établissements secondaires du Département de la Kabbia est
faible.
En définitif, les activités scolaires dans le
Département de la kabbia font face à des nombreuses
difficultés. Au regard de développement ci-dessus, les
données de l'analyse permettent de confirmer l'hypothèse une (1)
de notre étude sur la gestion de temps matériel des
activités scolaires. Selon l'enquête, les activités
économiques accès sur la recherche des moyens financiers, le
maintien des élèves par les parents pour le besoin des
récoltes et l'inondation des écoles sont des facteurs qui
influencent négativement le rendement interne faible des
établissements secondaires de la kabbia. Ces facteurs agissent
directement sur les activités scolaires entrainant l'insuffisance de
nombre d'heure d'enseignement et la non couverture de programme scolaire qui
ont pour conséquences la faible acquisition des connaissances par les
élèves débouchent au redoublement et l'abandon scolaire.
Ainsi, les obstacles d'ordre économique, naturel et agricole qui
empêchent le bon déroulement des activités scolaires dans
le Département de la Kabbia sont la cause de rendement interne faible
des établissements secondaires.
CHAPITRE IV : LA
GESTION DE CHOIX AU POSTE DE CHEF d'ÉTABLISSEMENT
SCOLAIRE
Dans l'établissement d'enseignement secondaire, le
chef d'établissement est le premier maillon de la hiérarchie qui
représente l'État dans l'institution scolaire. Il assure et
veille scrupuleusement à l'application de la discipline et au respect de
la législation scolaire. Dans ce chapitre, nous abordons la
manière dont les responsables sont nommés au poste
d'établissement, leur professionnalisme, leur ancienneté et leurs
implications dans les établissements.
I. LES CONDITIONS A LA
NOMINATION DE CHEF D'ÉTABLISSEMENT
On observe à travers le monde, une grande
diversité dans la promotion des chefs d'établissement. Les
conditions préalables à la nomination peuvent être des
conditions de qualification ou d'expérience professionnelle en tant
qu'enseignant ou administrateur. Pour l'UNESCO (2006), la promotion
s'accompagne généralement d'une formation spécifique qui
peut être préalable ou intervenir lors de la prise de fonctions et
durant les premières années d'exercice des chefs
d'établissement.
Dans la plupart des pays du monde, les chefs
d'établissement doivent être qualifiés comme enseignants et
posséder une ancienneté dans les fonctions allant de 2 à
10 ans. UNESCO (2006) souligne qu'en Europe, seule la Finlande, exige des
enseignants qui veulent devenir chef d'établissement qu'ils
aient obtenu un diplôme supérieur d'administration scolaire. Les
autres Etats, n'imposent pas de conditions d'ancienneté de fonction. Aux
Etats-Unis, on exige pour accéder à la direction, une
qualification professionnelle spécifique (licensure)
conférée par une formation universitaire en gestion de
l'éducation. Cette qualification peut parfois être acquise
après la prise de fonction. Il arrive que cette licence soit
accordée en deux étapes, l'une précédent la
nomination et l'autre après quelques années. Si les
administrateurs de l'éducation ont généralement
débuté leur vie professionnelle comme enseignants, ce n'est pas
une exigence et l'accès au métier est assez diversifié.
Au Tchad, il n'existe pas une loi qui régit la
nomination de chef d'établissement scolaire. Néanmoins, la loi
no 16/PR du 13 mars 2006, en son article 103 indique que les
directeurs et les chefs d'établissement sont choisis parmi les
enseignants à partir d'une liste d'aptitude et que les modalités
sont déterminées par voie réglementaire. Ce qui nous
laisse comprendre que le responsable nommé à la tête d'un
établissement doit être au préalable un enseignant de
carrière qui doit jouer à la fois le rôle administratif et
pédagogique. Aussi, on note par là que les chefs
d'établissement sont nommés d'après leur
compétence, leur mérite et leur ancienneté.
Le Décret no 900/PR/PM/MFPTE/2006 Fixant le
statut particulier des corps de fonctionnaires du Secteur de
l'Éducation, précise en son article 15 les emplois normaux
correspondant aux différents corps du cadre de l'enseignement
secondaire. Ainsi, un professeur certifié de lycées
d'enseignement général a pour emploi normal l'enseignement dans
les lycées d'enseignement secondaire général. Il peut
cependant occuper les fonctions de Directeur Général, du
Délégué Régionale de l'Éducation Nationale,
de l'Inspecteur de l'enseignement général secondaire, du
Directeur de l'École Normale, de Proviseur de lycée et de censeur
de lycée.
Un Professeur de lycée d'enseignement secondaire
général a pour emploi normal l'enseignement dans un lycée
d'enseignement général. Mais, il peut occuper des fonctions qui
peuvent faire de lui un Directeur, un Délégué
Régional de l'Éducation Nationale, un Inspecteur de
l'enseignement général secondaire, un Directeur de l'École
Normale, un proviseur de lycée et un censeur.
Un professeur de collège d'enseignement
général a pour emploi l'enseignement au collège. Il peut
à cet effet occuper le poste de Directeur de CEG, de Directeur des
Études et de chef de services.
Tout contre fait, la loi no 17/PR/2001du 31
décembre 2001 en son article 53 souligne qu'il est formellement interdit
de faire assumer par un stagiaire les responsabilités afférentes
aux fonctions de direction ou de contrôle.
À cet effet, ils sont nommés soit par un
arrêté du Ministre en charge de l'Éducation Nationale soit
par une décision du délégué régional de
l'éducation nationale ou encore par une décision de l'Inspecteur
Départemental de l'Éducation Nationale pour
nécessité de service.
En effet, être à la tête d'un
établissement d'enseignement secondaire requiert un certain nombre de
compétences, d'habilités et de savoir-être. Tout
responsable nommé à la tête d'un secteur donné de
l'enseignement doit être au préalable un enseignant de
carrière car il a deux rôles à jouer : le rôle
administratif et le rôle pédagogique. Le chef
d'établissement est celui la qui remplit ces deux fonctions. En France,
le statut défini par le décret 81-487 du 8 mai 1981 fixe les
conditions de nomination dans certains emplois de direction
d'établissement d'enseignement relevant du Ministère de
l'Éducation Nationale. Au terme de l'article 5 de la loi
française, pour devenir proviseur principal, il faut remplir trois
conditions :
-Avoir au moins trente ans ;
-Avoir accompli au moins cinq années comme titulaire
dans un corps d'enseignant, d'éducation ou d'inspection de
l'éducation nationale ;
-Avoir été inscrit sur une liste d'aptitude.
Outre ces conditions, il faut que le proviseur soit marié.
Le manque de texte portant promotion au poste de chef
d'établissement aboutit à la nomination arbitraire des chefs
d'établissement.
I.1. La promotion au poste
des chefs d'établissement
La nomination est la
désignation d'une personne à un emploi ou à un poste de
travail. On observe à travers le monde une grande diversité dans
les conditions de nomination des chefs d'établissement.
Au Tchad, le chef d'établissement est
nommé soit par un arrêté du Ministre en charge de
l'Éducation Nationale, soit par une décision du
Délégué Régional de l'Éducation Nationale
ou encore par une décision de l'Inspecteur Départemental de
l'Éducation Nationale pour nécessité de service. En effet,
être à la tête d'un établissement d'enseignement
secondaire requiert un certain nombre de compétences, d'habilités
et de savoir être. Tout responsable nommé à la tête
d'un secteur donné de l'enseignement doit-être au préalable
un enseignant de carrière car il a deux rôles à
jouer : le rôle administratif et le rôle pédagogique.
Le chef d'établissement est celui-là qui remplit ces deux
fonctions. La loi no 16/PR du 13 mars 2006, en son article 103
stipule que les directeurs et les chefs d'établissement sont choisis
parmi les enseignants à partir d'une liste d'aptitude. Les
modalités de cette liste sont déterminées par voie
réglementaire. Par là, nous comprenons que tout responsable
nommé à la tête d'un établissement doit être
au préalable un enseignant de carrière qui doit jouer normalement
le rôle administratif et pédagogique à la fois. Cela nous
fait comprendre que les chefs d'établissement sont nommés
d'après leur compétence, leur mérite et leur
ancienneté.
Eu égard à ces conditions de
nomination des chefs d'établissement, nous avons interrogé nos
enquêtés sur le sujet. Ainssi, plusieurs tendances se sont
dégagées pour une négation. Sur 51 enquêtés
43 soit 84,31% chefs d'établissement ont affirmé que les
nominations sont arbitraires et ne respectent pas les textes en vigueur. Ce
pourcentage se repartit de la manière suivante : 24 soit 47,05% des
répondants des collèges publics, 9 soit 17,64% des
répondants des collèges communautaires, 4 soit 7,84% aux
collèges privés et 6 soit 11,76% des répondants aux
lycées. Nos répondants nous expliquent cela par la corruption,
l'affinité et l'appartenance politique ou ethnique.
Ainsi, au collège de Djodo Gassa, notre
répondant note que les nominations ne tiennent pas en compte les
facteurs techniques mais prennent plus d'ampleur
politique : « va manger ». Il continue en disant
que les techniciens sont abandonnés au profit de non techniciens et que
parmi ceux-là, il y a des responsables qui ne savent comment tenir le
cachet. On comprend de cet auteur que les nominations sont politisées
dans le but de récompenser certaines personnes et non d'arranger une
situation scolaire. Cela existe non seulement dans les écoles publiques
mais aussi dans les écoles communautaires et même privées.
Une telle situation a été relevée par le secrétaire
du SET qui reconnait que l'école tchadienne souffre aujourd'hui à
cause d'un bon nombre des dirigeants qui sont des novices voire des
parachutistes dans le système. Ils sont imposés au
Ministère de l'Éducation Nationale au nom d'une solidarité
gouvernementale, des hommes politiques qui cherchent à asseoir leur
politique. Comme exemple, il note qu'un homme politique et non de moindre
est intervenu pour exiger que tous les responsables scolaires de son terroir
soient des militants de son parti. Ce qui veut dire que l'accession au poste de
responsabilité d'un chef d'établissement ne dépend non de
la compétence mais de la possession d'une couleur ou d'une carte d'un
parti.
A ce sujet, notre répondant du collège
communautaire de Goye note que même les parents préfèrent
qu'il y ait toujours à la tête de leur collège un des leurs
enfants car disent-ils selon l'auteur : « si un homme
achète une vache, le lait revient à ses
enfants ». Pour cet intéressé, les parents
considèrent le poste de direction comme une vache à lait dont il
faut profiter les enfants de la localité et cela tout en oubliant
l'intérêt suprême des enfants qui est celui de la
réussite.
Toujours à ce sujet, le directeur de
collège Dougaye de Gounou n'est pas du reste et note ce qui suit :
« le système éducatif est dans un chaos total dans la
mesure où l'État est absent dans les établissements et
d'ajouter que la gestion catastrophique du personnel est
caractérisée par la mauvaise répartition au niveau de la
Kabbia ». Pour ce répondant, comme les techniciens n'ont pas
la parole devant les politiciens, la carte scolaire n'est pas respectée
et on assiste au clientélisme. Ce qui fait que les établissements
privés sont bourrés par les agents de l'État au
détriment des établissements publics.
Ce clientélisme ne laisse pas indifférent le
directeur du collège de Bagaye qui soutient que la nomination des
responsables scolaires est caractérisée par un
phénomène de corruption. Comme il y a une mauvaise
répartition qui se fait au niveau national, cela entraine au niveau
départemental et sous-préfectoral une mauvaise
répartition. Ainsi, pour avoir un enseignant ou un directeur
à la tête de son établissement, il faut dépenser des
moyens financiers. L'intéressé conclut que les chefs
d'établissement nommés par affinité et pour des raisons
politiques ne s'occupent pas normalement des établissements et se
cachent derrière la politique. Ce qui amène le directeur de
Djarao Baidou I à dire que : « Par manque de suivi de la
hiérarchie, les responsables nommés politiquement sont souvent
absents de leur poste car ceux-ci suivent plus le chemin de la politique dont
ils dépendent ». Autrement dit pour ce répondant, il y
a un laisser aller dans ce que font les responsables dans les
établissements scolaires.
Ce qui fait dire le directeur du collège Maldom
Bada-Abbas de Gounou-Gaya : « Qu'il y a un laisser aller de
l'état politique dans l'éducation et cela fait que chacun fait ce
qui lui semble bon ». Pour lui, à cause de manque des
enseignants qualifiés, on nomme les stagiaires. Le répondant
conclut que tout cela est l'oeuvre des hommes politiques locaux qui ont
lavé le cerveau des parents par des promesses et que la solution pour ce
problème est l'intervention de l'État.
Toujours au sujet de la responsabilité, le
directeur du collège de Domo Dambali n'est pas du reste. Pour lui :
« la nomination des responsables est illogique en ce sens que les
choses ne marchent pas. À partir du vécu, il met l'accent sur
l'appartenance régionale des natifs qui refusent les affectations en
dehors de leur localité ». Pour lui, ceux-ci tournent aux
alentours de la localité pour créer de problème aux non
natifs nommés à leur place. Mettant l'accent sur le
clientélisme, il confirme que le poste se négocie avec
l'équipe départementale qui affirme que de nos jours le poste
s'achète et tant que vous ne négociez pas vous allez demeurer
comme ça. Cette réalité se vie non seulement dans la
Kabbia mais aussi au niveau national. Comme exemple, l'ex Directeur du
collège de Djargaye qui deux ans durant est reconnu au niveau national
comme chef d'établissement de ce collège et au niveau
départemental est chargé des cours au lycée Maldom Bada
Abbas de Gounou-Gaya. Une situation contradictoire créée par les
parents d'élèves et l'Inspecteur Départemental. En 2012,
lors d'une rencontre avec l'Inspecteur Départemental, celui-ci se
pleignait en ce termes : « Quelque enseignants ont
été envoyés dans le Département de la Kabbia et que
certains étaient envoyés avec consigne de les mettre à
Pont Carol. Nous comprenons qu'il se passe beaucoup des choses inadmissibles
dans la Kabbia surtout en matière de responsabilité et que les
conséquences retombe sur les élèves. La question touche
aussi le directeur de Bellé Vangza qui s'exprime en ces
termes : « si les dirigeants ne changent pas dans leur
façon de faire, l'école évoluera toujours en
régression. Les nominations aux postes de direction sont juste une
manière de se procurer de l'argent de Comité de Gestion des
Établissements Scolaires qui est une vache à lait pour le chef
d'établissement et les inspecteurs ». Pour lui les responsables
scolaires ne visent que l'argent de COGES et se partagent avec leur chef
hiérarchique pour se maintenir à leur poste.
En somme, à travers les informations
recueillies des uns et des autres, il ressort que la promotion au poste de
direction ne respecte pas les textes en vigueur. Certaines nominations sont
tantôt politiques, tantôt par affinités et d'autres sont
l'oeuvre du clientélisme. C'est pourquoi, le rapport national sur le
développement de l'éducation au Tchad (1996) affirme en ce qui
concerne les chefs d'établissement qu'il n'y a pas une formation
spéciale de chefs d'établissement de quelque niveau que ce soit.
Selon le document, ils sont simplement nommés sur des critères
qui ne sont pas toujours ceux de la compétence. Ce critère ne
tient pas compte du professionnalisme de chef d'établissement.
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