III. LES
CONSÉQUENCES DU NON-RESPECT DU CHRONOGRAMME ANNUEL
Dans le cadre précis de l'étude sur le
non-respect du calendrier scolaire, les conséquences se résument
au niveau de l'insuffisance de nombre d'heures de cours, la non couverture des
programmes d'enseignement, l'insuffisance de l'acquisition des savoirs par les
apprenants, le redoublement et l'abandon liés à l'insuffisance
intellectuelle des élèves.
III.1. Le nombre d'heures
de cours insuffisant
L'insuffisance de nombre d'heures des cours dans le
Département de la Kabbia est une des préoccupations majeures. Le
retard dû au manque des infrastructures scolaires, le manque des
enseignants, l'alternance des cours, les grèves
répétées des enseignants contractuels sont entre autres
les éléments qui réduisent considérablement les
heures d'enseignement dans les établissements de la Kabbia. Au cours de
nos entretiens, il ressort que certaines écoles ont commencé les
cours tard. Le dernier établissement à démarrer les cours
dans les Département de la Kabbia est le lycée de Tagal qui
selon notre informateur a démarré les cours le 24 novembre 2014.
L'intéressé pointe du doigt le manque de structures d'accueil
dignes pour effectuer une rentrée des classes.
C'est aussi le même souci du directeur de collège
de Dogom qui déclare que: « Le retard de la
rentrée scolaire est caractérisé par la lenteur dans la
construction des hangars, le recrutement des contractuels et la tenue de
l'assemblée de l'école ». Pour lui, bien que
le retard soit conditionné par la montée des hangars, les parents
retardent expressément la tenue de l'assemblée de l'école
pour ne pas recruter à temps les enseignants contractuels. Ce
recrutement retardé leur permet de réduire le traitement des
contractuels qui selon eux pose souvent des problèmes
d'arriérés en fin d'année. Cette réalité est
vraiment constatée dans le Département où la fin de
l'année est souvent marquée par des arriérés des
contractuels. La revendication de ces arriérés commence
dès le démarrage de la rentrée nouvelle. Le cas de
collège de Baidou 1 peut être cité comme l'un des exemples
où les cours n'ont pas été faits durant un mois et
vingt-cinq jours à cause de manque des infrastructures scolaires.
Au collège de Bagaye, malgré que les cours aient
commencé le 02 novembre soit un mois après la rentrée
scolaire, ils ont été suspendus avant notre tournée
c'est-à-dire avant le mois de mars suite à la revendication des
enseignants contractuels. Cette grève avait déjà
duré deux semaines sans solution selon notre informateur. Ceci
réduit considérablement les heures d'enseignement.
Si le retard dans la construction des hangars est pour
certains un élément de réduction des heures
d'enseignement, le manque des enseignants est aussi un élément
important dans la réduction des heures d'enseignement dans les
lycées et les collèges de la Kabbia. En effet, dans tout le
Département de la Kabbia, l'on compte 12 enseignants de l'état
repartis dans les collèges et les lycées. Les
établissements sont remplis des enseignants contractuels qui n'ont pas
une formation professionnelle ni moins encore une formation académique.
Dans l'attente des enseignants de l'état, les élèves
finissent l'année quelquefois sans faire cours dans telle ou telle
discipline. Ce retard dans le déploiement des enseignants et la mutation
en milieu d'année occasionnent l'insuffisance des heures des cours.
Au lycée de Pont Carol par exemple, pour l'année
2013-2014, les élèves de la seconde ont fini l'année sans
les professeurs de mathématique et de science de la vie et de la terre.
Selon notre répondant, le Professeur de mathématique de cet
établissement a été promu au poste de direction dans un
autre établissement en plein milieu d'année. Il n'a pas
été remplacé ainsi que celui de sciences de la vie et de
la terre qui n'avait pas regagné son poste de travail.
L'intéressé, nous apprend que les professeurs scientifiques sont
rares et il est très difficile de trouver un professeur pour le
remplacer car celui recruté a été admis à une
école de formation. Ainsi, les heures de ces matières n'ont pas
été assurées durant toute l'année. Ce manque des
enseignants a provoqué le départ massif des élèves
vers d'autres établissements.
Un autre élément non négligeable est
l'alternance des cours dans certains établissements. À cause de
manque des infrastructures d'accueil, certains établissements font
l'alternance comme quoi le lycée fonctionne dans la matinée et le
collège dans la soirée. C'est le cas des établissements
secondaires de Djodo Gassa. Selon notre informateur, « les
cours dans la soirée se déroulent de manière
insuffisante. Au lieu de 5 heures du temps comme prévues dans le
calendrier scolaire, 4 heures du temps seulement sont assurées dans la
soirée à cause de l'obscurité qui gagne le
temps ». Cela signifie qu'une heure du temps d'enseignement n'est pas
assurée du début jusqu'à la fin de la l'année. Il
est donc impossible de récupérer ce temps perdu souligne notre
enquêté.
Dans le Département de la Kabbia, il est à noter
que les établissements fonctionnent grâce aux contractuels qui
sont à la charge des parents. À cet effet, le problème
récurrent est celui de leur traitement. Et comme le problème
financier se pose souvent dans les établissements, les contractuels ne
tardent guère d'aller en grève pour revendiquer leur droit.
C'est pourquoi, lors de notre tournée, nous
avons constaté que deux collèges étaient fermés
dont les enseignants étaient allés en grève. Il s'agit de
collège de Bagaye dans le canton Domo et celui de Hori Zoundoula dans
le canton Djodo Gassa. Concernant ce temps perdu dans ces
établissements, les responsables nous font croire qu'il est très
difficile de rattraper ce temps, car les contractuels affirment qu'ils ne sont
pour rien. Toujours selon les répondants, les contractuels veulent
être payés doublement si l'on veut rattraper le temps perdu. Ce
qui est donc impossible au regard de chef d'établissement. Ainsi,
durant cette crise l'on peut toujours faire passer les élèves
avec un seul bulletin.
Les fêtes traditionnelles, le passage d'une
autorité, le cas de deuil dans le village sont des
éléments qui aussi réduisent les heures d'enseignement.
Dans le Département de la Kabbia, les fêtes comme le
« Vun tila » qui se déroulent le plus souvent entre
la fin de mois d'octobre a une incidence sur la rentrée scolaire.
Certains enfants attendent l'après fête pour regagner les
établissements et cela probablement en novembre. Les
élèves qui ont souvent le goût de cette fête ne
reprennent le chemin d'école qu'après une semaine. Cette
fête qui vient compléter les fêtes nationales a une
incidence sur les heures d'enseignement car les cours ne sont pas faits pendant
une semaine dans certains établissements. Ces heures perdues sont
difficiles d'être récupérées et allongent le chiffre
des heures non effectuées.
Si pendant les fêtes traditionnelles les cours ne
sont pas faits, il est à noter que lors de passage d'une autorité
les cours sont également suspendus. Le cas de la mission
ministérielle pour expliquer le bien-fondé de la
réhabilitation des établissements supprimés. Pendant ce
temps les cours n'ont été faits en raison de l'occupation des
enseignants et élèves précisément au lycée
Maldom Bada Abbas de Gounou-Gaya. Parlant d'une rentrée tardive
occasionnant de perte de temps d'enseignement, on note l'état des
infrastructures scolaires, qui ne permet aux établissements de bien
finir l'année. Dès les premières pluies, les hangars sont
presque tous détruits. Ce qui occasionne le départ des
élèves mettant ainsi fin aux activités scolaires en
général et la fin de l'année scolaire.
Au collège de Djodo-Bissera, notre
répondant note que c'est plutôt l'absence de directeur qui
entraine une rentrée tardive. Au début de l'année, les
parents ont une attention vers l'Etat qui doit envoyer le responsable de
l'etablissement. Mais l'absence ou le retard d'un directeur à son poste
est une occasion pour ceux-ci de profiter avec les enfants à la
récolte. Longtemps attendu en vain, ceux-ci s'en rendent compte que leur
école n'a pas un directeur et cela les oblige à organiser avec
retard et après leur récolte, la rentrée scolaire avec un
contractuel qu'ils confient la direction.
Cette situation tardive du démarrage de
classes réduit considérablement les heures d'enseignement qui ne
sont pas le plus souvent récupérées. Ce qui a amené
notre répondant de Djodo Gassa à affirmer en ces
termes : « les facteurs qui influencent le calendrier
scolaire réduisent au maximum les heures de cours qui au lieu de 900
heures, les enseignants ne font seulement que 300 heures ou 500 heures dans
l'année. Ce temps très minime est encore amputé par des
fêtes traditionnelles qui durent deux à trois jours et les
absences des enseignants ». Pour ce répondant, les
élèves ne peuvent avoir une performance scolaire lorsque les
heures fixées par le Ministère sont normalement
exécutées.
Pourtant, l'adéquation entre le début
effectif des cours en classe et le quantum horaire défini dans les
curricula est un élément fondamental pour garantir aux
élèves un temps d'apprentissage raisonnable dans le cadre de leur
cursus scolaire. Au Tchad, le curriculum prévoit 900 heures
d'enseignement réparties sur 34 semaines de cours à partir du
1er octobre de chaque année. Le Tchad est loin d'atteindre
les 900 heures fixées par le programme officiel.
En somme, le temps scolaire est un
élément fondamental de la performance scolaire. Compte tenu de
la situation sociale, ce temps est suffisamment réduit. Cette
insuffisance des heures d'enseignement a un impact négatif sur
l'apprentissage des élèves, car cela ne permet pas de couvrir le
programme scolaire.
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