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Gestion administrative et pédagogique des établissements et rendement interne des écoles: cas des lycées du département de la Kabbia au Tchad


par Kadakna BAISSANA
Université de Maroua - Master 2 2014
  

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II.2. Les obstacles liés aux activités agricoles

L'agriculture tchadienne, en dépit de ses grandes dérives historiques, continue de jouer un rôle important dans l'économie nationale. Selon MA (2005), elle contribue pour 21% au PIB et emploie plus de 2,3 millions de personnes soit 80% de la population active du pays dont plus de la moitié est composée de femmes. Ce qui montre que l'agriculture contribue de façon substantielle à la création des richesses et des emplois. C'est d'ailleurs à juste titre que le Gouvernement fait de ce secteur le pilier de la croissance et de la réduction de la pauvreté dans le pays.

Avec une pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 600 et 1000 mm, le Département de la Kabbia connaît une alternance à deux saisons: une saison pluvieuse de mai à octobre et une saison sèche de novembre à avril.

L'agriculture est la première activité qui permet à l'Homme Moussey de subvenir à ses besoins alimentaires, économiques, et sociaux. Elle offre une gamme très diversifiée des produits vivriers. On y trouve des céréales, des tubercules, des féculents, des oléagineux, des condiments. Cette agriculture dans la Kabbia est associée à l'élevage bien qu'elle reste tributaire des méthodes traditionnelles de production et de la pluviométrie. Les grands travaux s'étalent entre mai et octobre livrant ainsi les paysans à plusieurs mois d'inactivité en saison sèche. Cependant dans la zone inondable où existe la culture à la décrue, les activités peuvent se prolonger jusqu'en janvier. Les périodes des activités allant d'octobre en janvier, caractérisées par les récoltes ont un impact sur la rentrée scolaire. Ces activités qui occupent les paysans en général et les élèves en particulier s'articulent au tour de la récolte des arachides, des sésames et la récolte du riz. D'après nos entretiens, et conformément au tableau no8, nos répondants sont unanimes que les activités agricoles sont la cause de rentrée tardive dans les établissements. Ces données reparties selon le statut des établissements nous font savoir que 27 soit 52, 94% reconnaissent cet aspect dans les collèges publics, 9 soit 17,64% dans les collèges communautaires, 4 soit 7,84% dans les collèges privés et 11 soit 21,56% dans les lycées. Ils expliquent cela par le fait que les enfants sont maintenus par les parents dans le besoin de récolte.

Considérées au départ comme des cultures de consommation, l'arachide, les sésames et le riz sont devenus des cultures commerciales. À cet effet, l'on observe que dans la Kabbia, un ménage le mieux placé peut labourer les arachides sur une grande superficie (quatre à dix hectares). Mis à part le champ familial, chaque femme et chaque jeune garçon a au moins un champ d'arachide. Semées depuis le mois de mai ou juin, les arachides ont trois mois de durée et demandent à être récoltées entre le mois de septembre ou octobre qui est le mois décisif pour la rentrée des classes.

A ce sujet, notre répondant du collège de Fegue Hapma déclare en ces termes : « Ce qui empêche les enfants d'aller à l'école est qu'ils constituent une main d'oeuvre pour les parents et certains élèves responsables s'occupent d'abord de leur récolte avant d'aller à l'école ». Selon l'enquêté, les parents ont une main mise sur les enfants et les empêchent d'aller à l'école pour des raisons de récolte. Cela prouve à suffisance notre constat fait dans ce Département. Pendant la récolte, les hommes, les femmes et les enfants sont tous au champ et personne n'y songe à une rentrée scolaire. Et comme l'agriculture est tributaire de la pluie, chacun se précipite à récolter à temps le sien avant la dernière pluie pour éviter certaines désagréments. Cette période est marquée par l'insuffisance de la main d'oeuvre pour la simple raison que c'est une période d'abondance et personne ne pense à aller travailler chez l'autre. Ce qui fait que les parents maintiennent leurs enfants pour les aider à récolter. Aussi, c'est avec ces produits de récolte que ceux-ci mettent leurs enfants à l'école.

Cette situation générale dans la Kabbia est bien observée au lycée de Pont Carol où nous avons exercé pendant un certain temps. Dans cet établissement, l'on ne peut parler de la rentrée des classes que quand la récolte des arachides tire à sa fin. Pendant la récolte, même si les enfants manifestent une volonté d'aller à l'école, cela n'est pas le désir de leurs parents qui leur refusent de payer des fournitures scolaires et d'autres nécessités pour les mettre sur le chemin d'école. On peut aussi constater dans cette localité que les écoles primaires démarrent avant les lycées et les collèges pour la simple raison que les lycéens et les collégiens sont des jeunes qui peuvent mieux avancer les travaux champêtres. Bien que certains lycéens et collégiens traversent la cour de l'école avant d'aller au champ, ils ne sont gênés de rien puisqu'ils ont déjà pris goût d'une rentrée tardive. Ces élèves qui sont les derniers à aller en salle sont les premiers à revendiquer une admission en classe supérieure malgré la faible acquisition de la connaissance.

Si dans la zone exondée du Département de la Kabbia, la récolte d'arachides et des sésames est un handicap pour la rentrée scolaire, dans la plaine de ce Département, la récolte du riz est un autre handicap. Interrogé à ce sujet, le directeur du collège de Kourey Valangzou affirme ce qui suit : « La récolte du riz trop pénible par rapport à celui des arachides ne permet pas aux parents de libérer les élèves considérés selon eux comme une main d'oeuvre ». Ce travail en réalité commence tôt le matin de 6 heures et finit tard dans la soirée à 17 heures. Chacun cherche par tous les moyens à récolter son champ dans une bonne période. Or, le riz est labouré sur une grande superficie, sa récolte s'étend d'octobre à janvier soit trois mois d'activités intenses. Cette période coïncide non seulement avec la rentrée scolaire mais s'étend jusqu'à la fin du premier trimestre. Pendant la récolte du riz en général et la moisson en particulier, les parents ont la main mise sur les enfants qu'ils considèrent comme ceux qui peuvent avancer le travail.

Pour cette raison, les parents n'entendent plus parler d'école, puisque, eux seuls ne peuvent pas et la main d'oeuvre n'est pas facile durant ce moment. Ces cas sont plus rencontrés dans les cantons Léo et Djarao considérés comme les zones rizicoles du Département de la Kabbia. Dans ces cantons, à cause de la récolte de cette denrée, les cours démarrent souvent avec un grand retard de un à deux mois. Pour preuve, pendant la rentrée académique 2013-2014, les cours ont commencé le 24 novembre au lycée de Léo Mbassa, chef-lieu de canton Léo soit un mois et vingt-quatre jours après la reprise. Au collège de Djarao Boro le 28 novembre soit un mois et 28 jours après le calendrier national. Cette situation de retard à la rentrée a provoqué la colère d'un inspecteur pédagogique qui laissa un communiqué diffusé sur la Radio Rurale « Gaya Tcholwa », menaçant de fermeture les établissements dont les parents continuent à maintenir les enfants aux champs.

Et comme, c'est avec le produit de l'agriculture que les paysans arrivent à subvenir leurs besoins, ceux-ci conçoivent mal la décision d'une reprise de classe pendant les récoltes de leurs produit agricoles. Pour certains parents qui comprennent, le début de la rentrée de classe ou l'inscription de l'enfant n'est qu'une manière de conserver la place à ce dernier. C'est pourquoi on assiste souvent à la timidité des inscriptions et réinscriptions dans les établissements. Bien que certains soient inscrits, ils sont toujours maintenus pour le besoin de récoltes. L'élève qui tente d'aller à l'école sans l'avis de ses parents, est traité de tous les maux et se verra refuser même l'achat des fournitures et le frais d'inscriptions. Pour ceux qui ont reçu une souplesse d'aller en classe, ils regagneront immédiatement les champs après les cours, où ils n'ont aucun repos ni moins encore de temps pour étudier leur leçon. Une situation qui décourage bon nombre des élèves dans leurs études.

Si la rentrée de classe doit respecter le calendrier établi par le Ministère, son influence sur la vie sociale n'a pas toujours était puissante. Selon Longhai (2009), l'école obligatoire instaurée le 28 mars 1882 par la loi Jules Ferry a intégré les réalités d'une France rurale qui utilisait les enfants dans divers travaux comme les moissons, les vendages ou le ramassage de pomme de terre. Cette réalité se vit aujourd'hui dans le Département de la Kabbia en général et les établissements secondaires en particulier.

Ainsi, l'agriculture dans la Kabbia constitue pour bon nombre des informateurs, un handicap pour le démarrage normal des classes car les enfants perdent un grand temps deux à trois mois avant de regagner les classes pendant que la grande partie du programme de premier semestre est déjà écoulée. Ce temps perdu dans les champs a un impact négatif sur l'acquisition des connaissances des élèves et leur rendement scolaire. À ces deux facteurs, s'ajoute l'obstacle naturel dont la portée est non négligeable sur les activités scolaires dans la Kabbia.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille