II. LES DIFFICULTÉS
DE RESPECT DE CALENDRIER SCOLAIRE
La confection du calendrier scolaire dans le
Département de la Kabbia fait souvent face à de nombreuses
difficultés qui handicapent plus souvent le bon fonctionnement des
établissements. Ces difficultés se résument par des
obstacles d'ordre économique, naturel et ceux liés aux
activités agricoles.
II.1. Les obstacles d'ordre
économique
L'approche qui nous intéresse dans ce travail est
celle prenant en compte le volet économique. Au Tchad en
général et dans le Département de la Kabbia en
particulier, la pauvreté est un phénomène qui handicape le
développement de la population. Les paysans ont un revenu faible. Selon
Ministère de l'Agriculture (2005), le seuil de pauvreté globale
au niveau national est estimé à 218 FCFA et le seuil de
pauvreté alimentaire à 194 FCFA par jour et par personne. Le
document note que ce seuil est largement inférieur au seuil de
pauvreté global standard international fixé à un dollar
par jour et par personne, soit environ 525 FCFA. Selon ces données, plus
d'un tchadien sur deux n'ont pas de revenu suffisant pour satisfaire leurs
besoins alimentaires et sont incapables d'assurer les prestations
élémentaires dans les domaines vitaux comme la santé,
l'éducation et autres services essentiels.
Le Département de la Kabbia est classé parmi les
six régions du Tchad qui présentent un haut profil de
pauvreté monétaire dont l'indice est significativement plus
élevé que la moyenne annuelle de 55% dont les taux de
pauvreté vont de 57,6% à 71,7% MA (2005). Dans notre
étude, il ressort que les activités économiques occupent
plus les élèves. En référence au tableau
no 7, 29 répondants soit 56,86% ont affirmé que le
retard dans la rentrée des classes est dû aux obstacles
économiques contre 22 soit 43,13%. Ces obstacles agissent directement
sur les heures d'apprentissage scolaire entrainant la non couverture de
programme d'où l'insuffisance des connaissances acquises par les
élèves. Ce qui provoque l'échec aux différents
examens officiels.
Les données de l'enquête ont été
reparties selon le statut des établissements comme suit : 13 soit
25,49% des répondants aux collèges publics, 7 soit 13,72% aux
collèges communautaires, 3 soit 5,88% aux collèges privés
et 6 soit 11,76% aux lycées en référence au tableau
no7. Nos enquêtés expliquent les obstacles
économiques par le manque des moyens financiers, l'occupation des
élèves dans les activités lucratives et l'aventure des
élèves à la recherche des moyens financiers. Les
activités scolaires en général et le démarrage des
classes en particulier ont souvent été paralysés. Ce
phénomène s'explique selon nos répondants par diverses
raisons.
Pour la plupart des enquêtés, les parents n'ont
pas les moyens financiers disponibles pour satisfaire aux besoins scolaires de
leurs enfants. Pour cette raison, notre répondant au lycée de
Tagal déclare ce qui suit : « Le démarrage des cours ne
respecte pas le calendrier pour raison de la pauvreté des parents qui ne
sont pas à mesure d'acheter les fournitures et de fournir les moyens
nécessaires à leurs enfants. Cela fait que les
élèves ne sont pas motivés à reprendre tôt le
chemin de l'école ». Pour l'intéressé, le fait que
les élèves n'ont pas des fournitures scolaires et des moyens
financiers pour s'inscrire les amène à prolonger leurs vacances.
Si cela est récurent chez les élèves issus des parents
pauvres, il n'est pas évident pour ceux qui se prennent en charge. Cette
situation est visiblement observée dans le Département de la
Kabbia où bon nombre d'élèves justifient leur retard par
le manque des fournitures, des moyens financiers ou encore le manque de tenue
scolaire.
Ainsi, la pauvreté non seulement entraine un retard
dans la rentrée des élèves mais elle est source de
démotivation tardive de ces deux derniers. Cette pauvreté qui se
traduit par le manque des fournitures scolaires, la confection de tenue et
les frais de scolarité amène également les
élèves à se lancer dans d'autres activités
lucratives dans le but est la recherche des moyens financiers.
Dans leur manière de chercher les moyens en vue de
satisfaire leurs besoins scolaires, l'enquête souligne que dans le chef
lieu du Département (Gounou-Gaya), les élèves s'occupent
beaucoup plus d'autres activités économiques. Pour le
Directeur de collège privé Doungkangson de Gaya
centre : « Le manque des moyens financiers oblige les
élèves à descendre au bord de la ``Zalla'' pour
fabriquer des briques en vue de s'acheter soit des fournitures scolaires, soit
pour payer leurs frais de scolarité ». Selon
l'intéressé, cette occupation des élèves non
seulement occasionne le retard dans la rentrée mais crée aussi
des absences pour ceux qui sont déjà sur le banc. Il est donc
vrai de convenir avec cet enquêté, que le bord de cette
marre `'Zalla'' a été pendant longtemps un site
réservé pour la fabrication des briques pour ceux qui
désirent ce travail. Mais compte tenu des difficultés que
rencontrent la plupart d'élèves, ceux-ci profitent
également de cette activité pour avoir quoi satisfaire leurs
besoins scolaires. C'est donc pour eux une manière de se battre pour
leur avenir.
Toujours dans le chef lieu de Département, notre
enquêté du lycée Maldom Bada Abbas de Gounou-Gaya nous fait
comprendre que le commerce et les motos taxis sont des activités qui
préoccupent plus les élèves. À cet effet, il
déclare ceci : « Les élèves qui se
prennent en charge pour leur scolarité, se livrent aux activités
lucratives dont ils deviennent soit des commerçants ambulants ou des
motos taxi ». Pour l'intéressé, les
élèves n'ont pas les moyens et pour reprendre le chemin de
l'école, il leur faut beaucoup de gymnastiques. C'est pour cette raison
qu'ils se lancent dans le commerce et d'autres activités. Nous convenons
avec cet auteur car le constat démontre que ces élèves une
fois fini avec les cours sont devant leurs marchandises soit dans les boutiques
soit sur la route. Les motos taxis sont également sur leur moto pour
déposer les clients. Ceci devient leurs principales activités au
détriment des études.
Abondant dans le même sens, le Proviseur du
lycée de Pont Carol note que la plupart des élèves sont
des vendeurs ambulants, des dockers et des pousseurs qui occupent souvent les
allées du marché créant des embouteillages. C'est pour
cette raison que notre répondant au lycée de Pont-Carol souligne
que : « le manque de prise de conscience des
élèves, la démotivation due aux échecs au bac, la
fuite de responsabilité des parents amènent les enfants à
l'aventure. Il ajoute que face à cette situation, une grande partie des
élèves sont devenus des dockers et des vendeurs
ambulants ». Il est donc vrai de constater qu'à Pont Carol et
surtout le jour du marché, les élèves mènent plus
des activités économiques. Selon toujours notre informateur, le
jour du marché, les élèves se créent de
stratégies pour être renvoyés des classes et aller faire le
marché. C'est ainsi que certains viennent pour la plupart en demi tenue
pour bénéficier d'un renvoi. Au marché, ils sont partout
dans les boutiques en train de vendre des articles comme : les savons, les
piles torches, des sachets d'eau, des comprimés, la liste est longue.
Certains élèves se convertissent en pousseurs ou dockers,
adoptent le même comportement que les renommés de cette
activité. On entend souvent d'eux, un cri fort « derib,
derib » en arabe ou « vota, vota » en moussey qui
veut dire « laisser la route » en français. Au cas
où la route ne leur est pas laissée, ils vous bousculent au point
de vous faire tomber que vous soyez n'importe qui.
Les filles également n'échappent pas
à cette façon de faire. Elles sont aussi partout dans le
marché en train de vendre, soit assises devant leur « eau
blanche » ou boisson, soit en train de se promener avec des oeufs,
des bananes, arachides ... Il est donc à noter que le mercredi, jour du
marché de cette localité, certains oublient même qu'ils
sont des élèves.
Au lycée de Djodo Gassa notre répondant
reconnait un autre aspect qui contribue à la rentrée tardive des
écoles. Il affirme ce qui suit : « la
majorité des élèves sont des paysans ou issus des parents
pauvres qui n'arrivent pas à payer des fournitures scolaires à
leurs enfants et à leur confectionner des tenues .C'est donc cette
situation de pauvreté qui amène les enfants dans l'aventure hors
du pays dont le retour est toujours tardif ». Selon
l'intéressé, la pauvreté est la raison principale d'une
rentrée tardive dans les établissements. Non seulement elle
empêche les jeunes de prendre tôt le chemin de l'école, mais
les amène plus loin en aventure. Nous convenons avec cet
intéressé car depuis très longtemps, les jeunes n'ont pas
cessé de s'aventurer au Cameroun et même au-delà dans
l'objectif de préparer leur rentrée scolaire. Leur retour est
souvent retardé. Certains arrivent en mi novembre et d'autres en fin
novembre alors que les cours commencent le 1er octobre. Durant cette
aventure, certains élèves qui arrivent après la
clôture des inscriptions et réinscriptions perdent leur place dans
les grands lycées. Et comme solution, notre interlocuteur propose aux
jeunes de faire des champs collectifs en vue d'éviter ce problème
d'aventure aux conséquences incalculables.
En somme, les activités économiques que
ces enfants se livrent peuvent avoir des effets non moins importants sur leur
réussite. Les élèves dans la recherche des moyens non
seulement perdent suffisamment de temps scolaire mais oublient la notion
même de leur leçon. Ils se retrouvent plus souvent à la fin
de l'année en situation d'échec constante. Cette activité
économique n'est pas la seule handicape pour le bon fonctionnement des
activités scolaires dans la Kabbia. Il y a d'autres difficultés
liées à l'agriculture qui handicapent au maximum les
activités scolaires dans le Département de la Kabbia.
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