SECTION II : LES IMMUNITES, L'INVIOLABILITE ET LES
PRIVILEGES DE JURIDICTION
On peut affirmer sans ambages que les immunités
(paragraphe1) emportent une inviolabilité partielle
d'une part et d'autre part des privilèges de juridiction
(paragraphe2) qui protègent les parlementaires contre
les risques d'une poursuite intempestive en aménageant une
procédure dérogatoire en droit commun. Il est question des
immunités (au pluriel) parce que, les parlementaires
bénéficient d'une double protection généralement
que la doctrine qualifie d'immunité de fond et celle de forme ou de
procédure.
PARAGRAPHE I : LES IMMUNITES
Les immunités parlementaires sont des
prérogatives qui mettent les parlementaires à l'abri des
poursuites judiciaires en vue d'assurer le libre exercice de leur
mandat41.
L'immunité des membres du parlement est prévue
à l'article 107 de la constitution qui dispose
«qu'aucun parlementaire ne peut être poursuivi,
recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison
des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.
Aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou
arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec
l'autorisation de l'assemblée nationale ou du sénat, selon le
cas. En dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être
arrêté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée
nationale ou du sénat, sauf en cas de flagrant délit, de
poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La
détention ou la poursuite d'un parlementaire est suspendu si la chambre
dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la
durée de la session en cour 42».
Il en découle de cette disposition constitutionnelle
que si les paroles ou écrits du parlementaire cristallisent des
atteintes à l'honneur ou à la considération d'une personne
ou si les paroles ou écrits provoquent la commission d'une infraction,
les faits échappent à toute poursuite pénale, dans
l'expression des opinions des parlementaires, l'entière et parfaite
indépendance des chambres du parlement vis-à-vis d'une action
extérieure quelconque43.
41 Valérie LADEGAILLERIE, Lexique des termes
juridiques ANAXAGORA, collection numérique, p.86
42 Article 107 de la constitution
43 Jean Pradel, Manuel de procédure pénale,
paris, 14eme Ed. Cujas, 2008, p.203
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L'immunité est une cause définitive
d'impunité ou d'irresponsabilité, elle rend toute poursuite d'un
individu impossible44. Les immunités sont des causes
d'irresponsabilité pénale qui résultent de la
qualité de l'auteur des faits et parfois des circonstances de
l'infraction. Elles peuvent présenter une portée
générale ou être limitée à certaines
infractions45.
Ces immunités constituent une sorte de privilège
attaché par la loi à certaines situations politiques,
diplomatiques ou sociales dans le but de protéger ces situations et leur
donner pleine efficacité.
Le principe d'égalité des délinquants
pose comme règle essentielle que tout délinquant, quelle que soit
sa nationalité, quel que soit son rang social, est soumis à
l'action publique née de l'infraction qu'il a commis46.
Mais ce principe souffre d'énormes exceptions
importantes fondées sur les immunités d'ordre politique et
autres. A la différence de l'inviolabilité qui est un obstacle
à la poursuite pouvant être surmonté.
Les immunités politiques sont liées soit aux
fonctions de l'exécutif soit à celles du législatif. En
droit congolais ces immunités concernent le chef de l'Etat et les
parlementaires47.
Le parlementaire étant un acteur institutionnel qui
parle au nom et pour le compte de son mandat, il ne peut qu'être normal
que ces opinions qu'ils expriment dans le cadre de sa mission soient
immunisées en vue d'accorder une facilité à sa langue pour
pouvoir dire ce qu'il pense au sujet de la gestion de la chose publique. Ces
opinions peuvent être contenues dans les interventions en
plénière, en commission, dans les questions orales et
écrites ou dans les rapports rédigées au compte du
parlement, les initiatives telles que propositions de loi ou amendement.
L'article 107 de la constitution renseigne les opinions et
votes émis dans le cadre de l'exercice des fonctions parlementaires.
44 E.J LUZOLO BAMBI LESSA et N.A BAYONA Ba MEYA, op.cit.,
p.187
45 Angélique SITA MUILA, droit pénal
général, UNIKIN, p.83
46 LUZOLO BAMBI LESSA E.J et BAYONA Ba MEYA N.A, op.cit.,
p.187
47 Angélique SITA MUILA, op.cit., p.84
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Après avoir donné leurs observations, avis,
recommandations, propositions et considérations, dés fois les
parlementaires se trouvent obligés de décider pour faire passer
leur opinion. C'est ainsi qu'il parait important de couvrir les votes
qu'émettent les parlementaires surtout quand ils sont appelés
à sanctionner les membres de l'exécutif. La formule
traditionnelle de l'article 107 de la constitution a une portée trop
générale et devrait être précisée par le
R.I.A.N. pour savoir les véritables comportements attendus des
élus du peuple.
Les immunités sont des causes définitives
d'imputabilité, elles rendent impossible les poursuites. Donc toute
poursuite d'un individu devant les juridictions d'instruction et du jugement
est en principe impossible.
Conçu pour répondre à une rigueur de
droit, ces immunités sont au service d'un but qui leurs sont lorsqu'une
personne, quel que soit son statut commette une infraction soit poursuivi et
jugé. L'action pénale, légitime par ailleurs, peut mettre
à mal le fonctionnement d'une autre institution, d'un autre pouvoir et
d'empêcher ainsi de fonctionner.
L'on croyait que par cette intervention, le magistrat
s'ingère dans le fonctionnement d'un autre pouvoir pour l'empêcher
d'exercer sa mission. De ce fait, l'on comprend que l'immunité et
l'inviolabilité tendent à assurer l'exercice indépendant
et serein, de ses fonctions par son bénéficiaire. Il faut ici
signaler que le bénéficiaire ne pas protégé mais sa
fonction plutôt48.
Ces immunités couvrent les parlementaires à
raison des actes accomplis dans le cadre de son mandat49, cette
protection traditionnelle depuis la constitution de Luluabourg qui vise
à assurer la liberté d'expression et de décision du
parlementaire présente un double caractère.
Il faut signaler que les immunités parlementaires
couvrent non seulement les parlementaires dans leurs activités, mais
aussi tous ce qui peuvent être associés à l'activité
parlementaire, tels que les ministres, les chefs des entreprises et des
services publics appelés à prendre la parole à la tribune
de l'une des deux chambres et les personnes entendues par des commissions
d'enquête parlementaire50.
48 LUZOLO BAMBI LESSA E.J ET BAYONA Ba MEYA N.A, op.cit.,
p.91-92
49 P. AVPRIL et J. GICQUEL, Droit parlementaire, 2ieme
éd., Paris, Montchrestien, p.46
50 NYABIRUNGU MWENE SONGA, Traité de droit pénal
général, éd.2, Kinshasa, EUA, 2007,p.247
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Elles sont absolue, car, elles concernent tous les actes
accomplis par le parlementaire dans l'exercice de ses fonctions tant à
l'égard des poursuites pénales que civiles, et elle est
permanente car elle s'éteint après la cessation du
mandat51.
Il est impérieux de bien préciser que, ces
immunités parlementaires doivent être entendues au sens large et
s'applique à tout, ce que les parlementaires disent, écrivent et
font dans l'accomplissement de leur tâche : c'est-à-dire discours
prononcé à la tribune ou en commission ,rapports,
interpellations, questions écrites ou orales, enquêtes et
contrôle des autres organes de l'Etat, d'une façon
générale, tout acte supposant chez son auteur la qualité
de titulaire d'un mandat législatif qu'un non parlementaire ne pouvait
effectuer52.
Mais il faut signaler ici que l'irresponsabilité ne
concerne que les actes directement attachés à l'exercice du
mandat à l'exclusion de ceux qui sont détachables. Les rapports
et propositions, ainsi que les activités extérieures telles que
les discours en réunion publique, et ces immunités ne concernent
pas un appel à l'ordre par le président du Senat et de
l'Assemblée nationale, conformément au règlement
intérieur de l'une ou de l'autre chambre.
Le but de cette disposition reprise à l'article 107 de
la constitution étant de protéger de manière
spécifique les élus dans leur mission légitime.
Même lorsque c'est à l'occasion de l'exercice des
fonctions parlementaires au sein de l'hémicycle, tout n'est pas
autorisé. Le règlement des chambres comportent au plan
disciplinaire un certain nombre de mécanismes encadrant les opinions
émises par les parlementaires ou réprimant les faits et gestes de
chacun d'eux, ça pourrait aussi donner lieu à des poursuites
pénales, pour diffamation ou dénonciation calomnieuse, cas ici
d'Alexis TAMBWE MWAMBA constitue un exemple malgré que la chambre ait
refusée d'enlever ses immunités.
Au plan strictement scientifique. On ne peut pas parler de
l'immunité politique des membres du Gouvernement qui jouissent
plutôt de l'inviolabilité dans ce sens que leur poursuite
pénale doit faire l'objet d'une décision de l'assemblée
nationale qui en quelque sorte doit autoriser cette poursuite . Il convient
d'ores et déjà de signaler qu'avec la probable adoption
souhaitée du projet de loi d'application du statut de Rome instituant la
Cour Pénale Internationale ; projet qui pose à article 27 le
principe du "défaut de pertinence de la qualité officielle", la
notion
51 E.J LUZOLO BAMBI LESSA ET N.A BAYONA Ba MEYA, op.cit.,
p.91-92
52 P. AVPRIL et J. GICQUEL, op.cit., p.243
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d'immunités sera sujette à âpres
débats et fait pointer à l'horizon un cas faisant appel au
respect strict du monisme du système de notre droit qui réserve
la prééminence - l 'article 215 de la constitution de la
transition le rappelle très pertinemment d'ailleurs - aux textes
internationaux dont le traité de Rome en est un53.
Là s'arrête l'immunité des
députés et sénateurs, elle ne couvre que les opinions
émises et les votes émis à l'hémicycle,
c'est-à-dire a l'occasion de l'exercice de la fonction des
députés et sénateurs. En dehors de l'hémicycle un
député ou un sénateur ne bénéficie pas
d'immunité mais plutôt d'inviolabilité54. En
outre il y a diverses sortes d'immunité notamment judiciaires,
familiales, et diplomatiques.
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