Les immunités parlementaires en droit positif congolais: considérations et perspectivespar Trudon LUKANDA Université de Kinshasa - Graduat 2019 |
B. Défaut de pertinence de la qualité officielleLe statut, à son art. 27, al.1 pose le principe que la qualité officielle ne peut pas être invoqué afin de s'exonérer de sa responsabilité pénale ou d'en diminuer la peine pour les crimes reconnus par le statut. Le statut précise en son deuxième alinéa," qu'aucune immunité, ni aucun privilège de juridiction, ne peut empêcher la cour d'exercer sa compétence à l'égard d'une personne, que cette immunité soit reconnue au niveau international ou au niveau interne"34. Par ailleurs, il importe d'indiquer qu'il existe une exception du défaut de pertinence de la qualité officielle lorsque le délinquant commet : ? Une infraction flagrante ; ? Une infraction liée aux violences sexuelles ; ? Les crimes internationaux relevant du statut de Rome C.P.I. Au final, la qualité officielle du délinquant ne présente plus aucune pertinence devant le juge pénal international. De même compte tenu de la gravité des crimes 34 Article 27 du statut de Rome 19 de compétence de ces juridictions internationales, les statuts qui fondent leur action publique en prônent l'imprescriptibilité, qui en empêche finalement l'extinction35. 1. Flagrance La flagrance est définie à l'article 7 du C.P.P.C qui dispose que « l'infraction flagrante est celle qui se commet ou qui vient de se commettre. L'infraction est réputée flagrante lorsqu'une personne est poursuivie par la clameur publique, ou lorsqu'elle est trouvée porteuse d'effets, d'armes, d'instruments ou papiers faisant présumer qu'elle est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de l'infraction.36» La notion de la flagrance suscite des nombreuses controverses en doctrine. Les infractions flagrantes ne nécessitent pas l'autorisation des chambres. Cependant, cette notion de flagrance semble écorner le principe de la légalité dans la mesure où son appréciation est laissée à l'autorité judiciaire. Celle-ci l'étend à outrance dans la répression des législateurs alors qu'elle doit être strictement entendue. La notion de la flagrance fait absolument référence au temps. En effet, une infraction est dite flagrante lorsqu'elle est en train de se commettre. En premier lieu, l'infraction flagrante suppose que l'agent est surpris en train de perpétrer le fait répréhensible, c'est-à-dire en plein acte. Ensuite, il s'agit du cas ou l'agent est trouvé juste peu de temps après la commission des faits ; dans ce cas, il peut se retrouver soit encore sur les lieux du crime soit en un environnement immédiat. Cependant, la technique juridique adjoint à la notion de la flagrance celle du temps voisin. On parle alors de l'infraction réputée flagrante. « L'infraction réputée flagrante » se dit lorsqu'un fait ayant, manifestement les apparences d'une infraction, est l'oeuvre d'un agent poursuivi par la clameur publique, ou qu'il est trouvé porteur d'effets, d'armes, d'instruments ou documents qui attesteraient qu'il est soit auteur soit, complice de l'infraction. 35 José-marie TASOKI MANZELE, op.cit., p.93 36 Article 7 du C.P.P.C 20 L'étalon de mesure restera toujours le temps voisin de la commission des faits. Il s'ensuit qu'en dépit de leur gravité, la découverte des faits à une époque ultérieure à leur commission écarte justement l'idée de la flagrance37. En bref en cas de flagrance les immunités sont inopérantes. Les immunités parlementaires peuvent ainsi évidemment donner lieu à des frictions entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, spécialement lorsqu'il s'agit d'arrêter et de juger un parlementaire, le cas échéant en présence d'un flagrant délit. Dans ce cadre, se pose notamment la question de savoir a qu'il revient la compétence de définir, en dernier lieu, quand on est en présence d'un flagrant délit : au pouvoir judiciaire ou au pouvoir législatif38.
Le comité préparatoire du statut de Rome a conclu lors de son élaboration en prenant en compte les principes déjà dégagés par les tribunaux internationaux, qu'elle serait nécessaire d'exclure la possibilité d'invoquer la qualité officielle afin d'être exonéré de 37 Prof Augustin ANGBONGBO www. Leganet.com 38 Proposition de réforme : lever l'immunité absolue des parlementaires durant leur mandat afin de réprimer des actes inspirés du racisme, 2017, groupe 1-M. DEKLEERMAKER p.6 39 Exposé des motifs, loi n°06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 06 aout 1959 portant code de procédure pénale congolais 40 Article 10 code de procédure pénale congolais 21 sa responsabilité individuelle pour les chefs d'Etat ou les chefs de gouvernements ou encore les hauts fonctionnaires d'un gouvernement. Le statut de Rome rejette la possibilité d'invoquer les immunités devant la C.P.I au travers de l'exclusion de la pertinence de la qualité officielle devant la cour, toutefois cette exclusion n'est pas automatique et peu parfois nécessité l'accord préalable de l'Etat d'une contradiction relative aux dispositions des accords internationaux conclu par les Etats. Cette même disposition affirme la non-pertinence de la qualité officielle revient à considérer que cette qualité n'est pas une justification objective et raisonnable de différenciation dans l'application de cette convention par les deux paragraphes de cet article, le statut s'attache à régler les deux questions fondamentales de l'imputabilité d'un crime de droit international et des immunités qui peuvent être opposées à la compétence de la cour. La personne accusée ne peut donc soutenir devant le procureur qui mène ses enquêtes qu'elle serait détentrice en droit interne ou en droit international des immunités. Ces immunités ne peuvent jouer que devant les juridictions internes des Etats. On est donc passé du principe de sacralisation des gouvernants que consacre le droit interne à celui de la désacralisation de leur responsabilité en droit international. C'est pour atteindre cet objectif que l'article 27 du statut de Rome consacre que " la qualité officielle de chef de l'Etat ou de gouvernement n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale et que les immunités qui s'attachent à la qualité officielle d'une personne n'empêchent pas la C.P.I d'exercer sa compétence". L'alinéa 1er de l'art.27 attrait à l'imputabilité alors que le second touche la question d'immunité ratione personae, l'immunité est attaché à la fonction protégée de son bénéficiaire, par conséquent, elle s'éteint à la fin du mandat auquel elle est attachée. Cet article affirme un principe fondamental, à savoir que les personnes sont pénalement responsables des actes accomplis et qui contreviennent au statut, cela comprend le crime d'une particulière gravité qui touche l'ensemble de la communauté internationale. L'individualisation de la responsabilité pénale pour les crimes internationaux permet d'incriminer des titulaires d'une exemption de responsabilité que sont les chefs d'Etat ou les diplomates. C'est la gravité du crime international qui permet de faire obstacle à la reconnaissance d'une exemption. 22 Ainsi, le statut de Rome est soumis au droit conventionnel et au droit coutumier des traités, il prévoit que les immunités, attachées à la qualité officielle de son titulaire, en vertu du droit interne ou du droit international, ne font pas obstacle à la compétence de la C.P.I. pour juger les chefs d'Etat ou le gouvernement ou toute personne bénéficiaire de ladite qualité. 23 |
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