Politiques publiques et lutte contre la dépendance alimentaire dans la province du Haut-Katangapar Pascal Ilunga Ngoy Universite de Lubumbashi/ UNILU - Licence Economie de developpement 2021 |
SECTION 2 : LE CADRE THEORIQUE D'ANALYSE DE SECURITE ALIMENTAIREDans cette section, deux points majeurs seront abordes à savoir : - La place de l'alimentation dans la théorieéconomique ; - Les politiques publiques de lutte contre la faim. 2.1. L'ALIMENTATION DANS LA THEORIE ECONOMIQUEL'alimentation étant un des besoins primaires de l'homme et la production agricole une des premièresactivitésà laquellel'homme s'est livré,l'agriculture et l'alimentation ont été l'objet des nombreux débats dans la théorieéconomique. On peut même dire que dans la théorieéconomique la sphère alimentaire fait l'objet d'un traitement particulier. Ainsi une certaine spécificité est accordée au fait alimentaire et émane des différents courants de pensée. Cette spécifier repose sur les conditions de satisfaction des besoins alimentaires des nations, sur l'enjeu de l'indépendance alimentaire, et enfin sur les causes de la faim dans le monde. 2.1.1. La satisfaction des besoins alimentaires selon la théorieéconomiquePour les premiers économistes, les mercantilistes, l'un des objectifs fondamentaux de toute société est de garantir à sa population un approvisionnement alimentaire régulier et substantiel. De même chez les auteurs libérauxà l'instar d'Adam Smith cette analyse est faite : « aucunesociété ne peut être florissante et heureuse, si la majorité de ces membres est pauvre et misérable ». Les courants de penséereconnaissent le caractère primordial de la satisfaction des besoins alimentaires mais n'arrivent pas à trouver un consensus sur les modalités d'une telle satisfaction. 2.1.2. L'analyse mercantilistePour les mercantilistes, c'est l'Etat qui doit veiller au bon approvisionnement alimentaire des populations ainsi qu'aux bas prix de marcher. Les mercantilistes ont analysé les produits agricoles en particulier le blé d'abord comme un bien de subsistance avant de le considérer comme un objet de commerce. Pour garantir un prix a la portée de tous et donc une satisfaction des besoins alimentaires, l'Etat doit constamment surveiller et encadrer les marchés et même intervenir s'il y a lieu. L'Etat remplit cette mission par l'intermédiaire de stocks publics qui ont pour résultat la stabilisation des prix. A cet effet BODIN(1986) propose « d'avoir dans chaque ville grenier public(...) on verrait jamais la cherté si grande qu'elle soit, car outre le fait qu'on aurait la provision pour les mauvaises années, on retrancherait les monopoles des marchands de blé... ».39(*) Ainsi une gestion publique des réserves de même qu'un contrôle du commerce du blé permet d'avoir un prix juste. Les mercantilistes proposent aussi a cotée de cette intervention étatique, une réduction de la circulation des céréales a l'extérieur de la notion et donc d'empêcher toute sortie du territoire des produits agricoles. « La France ne fut jamais affamée c'est-a-dire qu'elle a richement de quoi nourrir son peuple quelque mauvaise année qui survienne, pourvu que l'étranger ne vide nos granges ». Aussi le commerce extérieur n'est autorisé que si le pays est bien approvisionné. De telles politiques alimentaires ne sont pas l'apanage des mercantilistes, on les retrouve également chez GALIANI(1984), LINGUET(1788), MABLY(1788), STUART(1759), BENTHAM(1795) et MALTHUS(1815) (bien que ces derniers fassent partie du courant libéral) et BOISGUILBERT(1707). BOISGUILBERT souligne la dimension incompressible de la demande alimentaire dans la mesure où elle correspond à des besoins vitaux. En conséquence la demande en produit alimentaire est constamment sous tension, tension d'autant plus accentuée que la pression démographique sur les ressources alimentaires s'exerce sans répit et augmente les prix. Cette spécificité se retrouve aussi dans l'offre de produits agricoles et cela à cause de son caractère rigide et incontrôlable du fait des aléas climatiques. Ainsi l'offre alimentaire d'une nation peut fluctuer entre surproduction et pénurie.40(*) Pour BOISGUILBERT le marché des produits alimentaires obéità des lois spécifiques en raison des contraintes qui pèsent sur l'offre et la demande. Sur ce marché les informations sont souvent erronées et asymétriques de ce fait il y règne un climat de désordre et de spéculation rendant difficile la stabilité des prix. Donc indépendamment de l'état de la récolte, le marché produit à des prix élevés. On comprend mieux alors pourquoi BOISGUILBERT cautionne la mise en place de greniers publics. Contrairement aux mercantilistes il est favorable au commerce extérieur des aliments car il permet selon lui de réduire les effets négatifs des anticipations auto-réalisatrices des agents économiques. La conception de l'Etat nourricier a travers la mise en place de stocks prôné par les mercantilistes, Boisguilbert, Malthus entre autres est remise en cause a partir des 17èmesiècles par les libéraux qui proposent comme réponse aux problèmes de l'alimentation : le marché autorégulateur et de considérer le produit alimentaire comme n'importe quelle marchandise. * 39 Jean BODIN(1986), Les six livres de la république, Paris, librairie * 40 Pierre BOISGUILBERT(1707), Traité de la nature, culture, commerce et intérêt des grains ; tant par rapport au public qu'a toutes les conditions d'un Etat 1707 Paris, Institut national d'études démographiques, tome 2, P.827-878 |
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