Politiques publiques et lutte contre la dépendance alimentaire dans la province du Haut-Katangapar Pascal Ilunga Ngoy Universite de Lubumbashi/ UNILU - Licence Economie de developpement 2021 |
1.8. L'autosuffisance alimentaireL'autosuffisance alimentaire, quand l'on veut en étudier la signification pratique, traduit la volonté des états de mieux contrôler l'évolution d'un système alimentaire qui marque une tendance au changement rapide et non maîtrisé. En général, la demande croît et se diversifie rapidement, la production ne suit pas la demande et des importations croissantes deviennent nécessaires pour combler la différence, entraînant une sortie précieuse de devises étrangères. On assiste alors à un processus de déstructuration interne du système alimentaire et de sa soumission à l'extérieur, c'est-à-dire à un processus de sous- développement, au sens de François Perroux, ce qui alarme à juste titre les responsables des états qui souhaitent en même temps accroître de manière adéquate (quantité et qualité) leur propre production et réduire la dépendance extérieure. D'ailleurs, d'une manière générale depuis 1975, les pays en développement, déçus par les effets trop faibles du commerce mondial et des transferts de capitaux ont eu tendance à considérer à nouveau avec sympathie les thèses du développement autocentré, dont l'autosuffisance alimentaire et plus généralement la satisfaction des besoins existentiels sont des éléments. Sauf exception, l'affichage de la recherche de l'autosuffisance alimentaire ne va pas de pair avec un désir de se couper économiquement de la communauté internationale, mais de mieux développer, dans les meilleurs délais, ses propres capacités puisque la plupart du temps, des réserves de productivité et des marges substantielles de progrès sont mobilisables. L'autosuffisance alimentaire exprime plus une volonté et une démarche qu'un objectif quantitatif précis; en effet, que signifie le terme suffisant dans des pays où la situation alimentaire est précaire en permanence? De plus, l'autosuffisance n'exclue pas les exportations alimentaires. On peut donc en déduire que l'autosuffisance reste un concept flou hors d'un contexte géographique et historique précis et que souvent on le fait dériver vers des notions voisines, au gré des argumentations et des idéologies. 1.8.1. Historique du concept37(*)Depuis la fin des années 60, la situation alimentaire mondiale s'est dégradée d'une manière imprévue; alors que vers 1965, on pensait être sur le point de régler les problèmes quantitatifs de l'alimentation dans les pays du Tiers-Monde et que le Plan Indicatif Mondial laissait entrevoir qu'avec un usage raisonnable des technologies connues, on pouvait assurer une base alimentaire correcte à l'humanité, les questions se déplaçaient vers les aspects qualitatifs de la ration alimentaire, notamment en la renforçant en protéines, si possible d'origine animale. Quelques années plus tard, dans la première moitié des années 70, trois faits allaient faire évoluer rapidement les idées sur la question : ? Une série de famines vont sévir dans le monde, dont celle consécutive à la sécheresse en Ethiopie et au Sahel ; ? Le prix des produits alimentaires va pratiquement doubler en quelques mois (céréales et sucre) ; ? Le prix des produits pétroliers va faire un bond tel que l'on parlera de « choc» pétrolier. La conjonction de ces trois éléments se traduit par une difficulté accrue à produire ou à acheter des denrées alimentaires. Les termes de l'échange de certains pays exportateurs de produits agricoles tropicaux sont considérablement bouleversés et de nombreuses nations, en situation économique difficile, se trouvent alors confrontées à une situation sans issue; les Nations-Unies créent une catégorie nouvelle de pays qui doivent recevoir une attention spéciale de la part de la communauté internationale: les « pays les moins développés ». La situation continuera à se détériorer, les balances commerciales enregistreront des déficits croissants et les balances des paiements, grevées par les remboursements d'emprunts croissants, amènent plusieurs pays près de la faillite. Pour les soutenir, le Fonds Monétaire International exigera des conditions draconiennes de gestion de l'économie. Force est de constater que l'importation de produits alimentaires constitue un handicap. C'est à cette époque, entre 1975 et 1980,' que la notion d'autosuffisance alimentaire est avancée, se développe et est adoptée par de nombreux pays en développement, notamment africains (accords de Lagos). La contingence qui pousse les responsables politiques à s'engager dans la voie de l'autosuffisance alimentaire relance au plan théorique les débats entre les thèses libérales et protectionnistes et, au plan des voies de développement, entre les tenants de la croissance en termes de valeur et de revenus et ceux de la «satisfaction prioritaire des besoins essentiels» comme proposé par l'Office International du Travail vers le milieu de la décennie. * 37Michel L : l'autosuffisance en question ; Harmattan Paris 1985 |
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