De l'avoir pour la valorisation de l'être. essai de compréhension de l'être et l'avoir chez Gabriel Marcelpar Ange TEZANGI AZAKALA Université Saint-Augustin de Kinshasa - Grade en philosophie 2020 |
CHAPITRE III : L'INTERSUBJECTIVITE : FONDEMENT DE L'EXISTENCE AUTHENTIQUEIII. 0. INTRODUCTIONLa spécificité du deuxième chapitre était de prouver la crise de l'être face aux avoirs par la mauvaise gestion que l'être ou l'homme cultive sur ceux-ci. Le présent chapitre se veut une reconnaissance de soi et la considération de l'autre, par une approche intersubjective qui semble, un effort d'entrevoir des possibilités de la restitution ontologique de l'homme afin de favoriser une ambiance existentielle authentique d'être-avec et non celle de l'avoir qui réduit l'être à un objet ou à une chose. L'homme transcende ce plan, il est un être. Sa relation avec autrui est une relation existentielle75(*). Marcel soutient à ce propos que, rencontrer quelqu'un « n'est pas seulement le croiser, c'est être au moins un instant auprès de lui, avec lui, c'est dirai-je d'un mot dont je devrai user plus d'une fois, une co-présence »76(*). « Ainsi l'altérité est l'expérience la plus immédiate de la vie humaine, la réalité la plus fondamentale à la quelle personne ne peut échapper »77(*). Cette considération ne s'opère qu'à partir de l'incarnation. Celle-ci est le véritable moyen de reconnaissance de soi et de l'autre. Car « si tu veux connaître les autres, regarde dans ton propre coeur. Mais si tu veux te comprendre toi-même, regarde comment se comportent les autres »78(*). L'autre est le miroir de mon existence, il n'est ni un enfer, ni un avoir ou un objet mais bien plus, mon alter ego, celui par qui, je me réalise amplement, celui par qui je partage la même condition d'existence. Il est, en effet, le fondement de mon existence. Notons d'emblée que le terme d'intersubjectivité est d'un usage assez récent dans la philosophie concrète de G. Marcel. La réalité qu'il désigne était cependant perçue par lui-même dès ses premières recherches. C'est elle qui a frappé bon nombre de commentateurs, lesquels ont considéré la pensée marcellienne sous la rubrique d'une philosophie de la communion. C'est en effet sur la communion, la présence, la participation, que cette philosophie est centrée et c'est sur cet aspect qu'elle tâche d'expliquer en définitive ces grands axes : union au monde, à soi, telle que nous l'avions présentée au premier chapitre et l'union à Dieu79(*). Dans sa philosophie, le métaphysicien de la communion s'oppose à celle de Sartre, pour qui l'enfer c'est, les autres. Pour Marcel, il n'y a qu'une souffrance, c'est d'être seul (égoïsme). Selon lui, le bonheur consiste dans la communion avec autrui c'est-à-dire dans l'altérité ou dans l'intersubjectivité80(*). Dans cette logique, l'intersubjectivité est quelque chose de totalement nouveau par rapport au rapport objectif qui semble la précéder et l'engendrer. Elle n'en est nullement le prolongement. Les signes médiateurs du rapport objectif restent tout à fait étrangers à la formation de cette nouvelle expérience de l'autre81(*). Le rapport objectif est un rapport tout abstrait, constitué simplement par le savoir qui n'atteint que des termes logiques et jamais l'être même, tandis que l'intersubjectivité est un rapport concret, une participation amoureuse comme qui, seule, atteint vraiment l'être dans toute sa richesse, son essence voire son épanouissement, en laissant la profondeur de l'autre se manifester. Ainsi, pour mieux cerner la cogitation de cette philosophie dialogique, nous parlerons dans un premier temps de l'intersubjectivité horizontale, dans un deuxième temps de l'amour comme principe fondamental de de l'intersubjectivité authentique, puis de l'intersubjectivité verticale ou fondamentale. Une conclusion mettra fin à cette cogitation. * 75 Cf. G. MARCEL, Cité par R. Vernaux, Histoire de la philosophie contemporaine, op.cit., p. 153. * 76 IDEM, Essai de la philosophie concrète, Paris, Cerf, 1940, p. 22. * 77 D. BOSOMI LIMBAYA, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, op.cit., p. 60. * 78 A. WAELHENS, La philosophie de Martin Heidegger. Esquisse d'une lecture interne, Paris, L'harmattan, 2003, p. 36. * 79 Cf. NGIMBI NSEKA, Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, op.cit., p. 3. * 80 Cf. Ibid., p. 4. * 81 Cf. BAGOT, « Connaissance et Amour. Essai sur la philosophie de Gabriel Marcel » (Bibliothèque des Archives de philosophie, 7è section : philosophie contemporaine, 2), Paris, Beauchesnes et ses fils, 1958, cité par ELONGO LUKULUNGA, Pensée Agissante, p. 74. |
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