De l'avoir pour la valorisation de l'être. essai de compréhension de l'être et l'avoir chez Gabriel Marcelpar Ange TEZANGI AZAKALA Université Saint-Augustin de Kinshasa - Grade en philosophie 2020 |
II. 5. 2. Le drame de l'avoir technoscientifique sur l'êtreL'appropriation de l'avoir scientifique semble influer mortellement sur l'être de notre temps. Cette influence opère une sorte d'obstacle déchirant qui fait perdre à l'homme son poids ontologique, engendrant même son auto-négation. Cela apparaît clairement dans le lien entre avoir et désir ainsi que dans l'avoir et l'indisponibilité. II. 5. 2. 1. Avoir et désirLa phénoménologie de G. Marcel reconnaît que l'avoir est déjà en substance présent dans le désir ou la convoitise provoquée par la mauvaise foi de l'homme. Ces désirssont à la fois « auto-centrique et héro-centrique »68(*) ; disons qu'ils apparaissent en lui-même comme héro-centrique, alors qu'en réalité, il est auto-centrique. De plus, désirer, c'est avoir en n'ayant pas encore ; c'est avoir en pensée. Par ailleurs, le désir, comme le soutient G. Marcel relève « du nous voudrions bien, et porte, comme l'avoir sur quelque chose qui est extérieur à soi-même »69(*). L'avoir désiré, se veut être « présent, immédiat »70(*). D'où la contradiction au sein du désir entre le rêve de possession et l'indigence dans la réalité qui entraîne au coeur de l'homme une souffrance et une brûlure. Ce faisant, cette souffrance entraînée par le désir caractérise surtout l'homme moderne qui est fasciné par le mode de vie paré par l'éclat de la production scientifique. Cette fascination est porteuse d'un partage de l'être dans la mesure où la soif, ou l'envie de l'abondance des avoirs impressionnants de la technoscience, transporte ce dernier par ses désirs vers les milieux où se trouvent accumulés ces biens. A travers ce refuge, s'opère alors la négation de son être qui veut s'identifier définitivement à l'être foncier et extérieur, la situation dans laquelle il se sent repu existentiellement. Nous pouvons le remarquer, l'homme dans ce monde impressionné par les avoirs scientifiques, vit en homme d'une espérance enfouie dans l'autre et, dans son effort, il rêve toujours de posséder comme l'autre. II. 5. 2. 2. Avoir et indisponibilitéFaire de l'avoir un objet de désir radical, empêche l'homme d'établir une relation existentielle vraie et juste. Ceci dit, lorsque l'homme se crispe sur son bien, celui-ci devient, pour lui, le centre du monde, l'instance suprême à partir de laquelle il juge les autres. Selon G. Marcel, « la préoccupation de ce dernier reste anxieusement braquée sur ce bien qui alors absorbe totalement son coeur »71(*).L'homme se met de cette façon dans un état d'indisponibilité radicale dont il est difficile de l'arracher. Cette indisponibilité place l'homme dans une inertie et une stérilité qui limitentson effort de créativité. Par ailleurs, quand nous réfléchissons sur les guerres, sur le désordre et les conflits qui existent dans le monde, nous voyons également que l'avoir a instauré une attitude d'indisponibilité qui caractérise les hommes de ce temps à la poursuite effrénée de ces avoirs mis à leur disposition par le progrès de la technoscience. Ainsi, l'homme parvenu à l'accumulation des biens, s'y accroche au prix même de perdre sa dignité et de subir l'humanisation sous-humanisante. G. HOTTOIS le montre bien en stipulant que « les attitudes de sous humanisation prises par les accumulateurs nordiques, non contents de voir se partager leurs avoirs n'ont point réussi à injecter la conscience de l'effort libérateur en vue de l'indépendance »72(*). * 68G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 2010. * 69Ibid., p. 213. * 70Ibid., p. 211. * 71 G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 217. * 72 G. HOTTOIS, cité par Kizito, « Technoscience en Afrique », in Raison ardente, n°57, Kimwenza, 1999, p. 126. |
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