WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Statut du juge constitutionnel en droit positif congolais


par Roger Tshitenge Kamanga
Université de Kinshasa - Licence 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre I : LE STATUT DU JUGE CONSTITUTIONNEL DANS LES TRADITIONS JURIDIQUES

Jean Rivero pense que tout constitutionnaliste est un comparatiste virtuel.9(*) Cela veut dire que, même lorsqu'il ne le dit pas, le juriste constitutionaliste est souvent amené à recourir aux solutions trouvées ailleurs ; non pas nécessairement pour les copier, mais peut-être pour s'en inspirer. Et à ce titre, son apport est essentiel.

Depuis le doyen Louis FAVOREU, il est devenu classique d'étudier la justice constitutionnelle à partir de deux modèles. Le premier issu de la tradition Common Law, le deuxième de la tradition Romano germanique.10(*) Etudier les traits caractéristiques du Statut du juge constitutionnel dans chacune de ces traditions nous parait utile avant d'aborder le repère historique en interne.

Section I : De la tradition romano germanique

En raison de la parenté juridique de la Cour constitutionnelle congolaise avec la famille romano-germanique, il sera utile de consacrer l'étude au modèle européen qui est historiquement celui inspiré par les travaux de Hans Kelsen.Faute d'accéder directement aux travaux originaires de ce modèle, nous avons opté pour l'étude directe du modèle Français, du modèle Belge, en raison de son enrichissement du modèle Kelsen.

Cette étude est d'autant utile qu'elle indique de manière fort récurrente que chaque peuple d'occident, malgré la parenté idéologique évidente, a néanmoins adapté le modèle originel à son propre tempérament. S'agissant de la RD Congo, l'on devra partir de ce que d'autres pays ont essayé à travers le monde surtout que ceux-ci figurent parmi ceux qui ont légué le droit encore en vigueur chez nous. Il s'agit de la France et la Belgique.

§1 : France et Belgique

1. France

Longtemps restée en marge du mouvement pour la justice constitutionnelle, la France n'a pas accédée véritablement à la justice constitutionnelle que récemment. Le conseil constitutionnel représente une institution nouvelle et originale de la Vème République de même qu'il est l'expression de l'Etat de droit.11(*)

L'on doit à la vérité de souligner que l'article 91 de la Constitution 1946 qui est longue et précise prévoyait un comité constitutionnel composé du Président de la République, du Président de l'Assemblée, du Président du Conseil de la République et de sept membres élus par les députés et trois par le Conseil de la République, mais choisis en dehors de deux assemblées.

En 1958, pour la première fois, malgré les antécédents susrappelés, à l'opposé de la tradition, un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics s'est installé. L'obstacle de la souveraineté parlementaire, souveraineté parlementaire absolue, est balayé par le constituant de même que la pratique majoritaire de la Vème République appelle un organe régulateur faisant office de contrepoids à la fusion, de l'Exécutif et du Législatif, détenteur d'une véritable faculté d'empêcher, au sens de MONTESQUIEU.

La question de savoir si le Conseil constitutionnel est un contre-pouvoir peut sans doute être discuté mais il est de plus en plus difficile de soutenir qu'il n'est pas un juge.Il est composé de neuf membres dont le mandat dur neuf ans et n'est pas renouvelable. Trois membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale et trois par le Président du Sénat. Il est renouvelé par tiers tous les trois ans.Le président du Conseil constitutionnel est nommé par le Président de la République. Les anciens Présidents de la République, sans incompatibilité avec les fonctions de membre du Conseil constitutionnel, sont de droit membres à vie dudit conseil.

L'ensemble des attributions du Conseil constitutionnel se situe au confluent du droit et de la politique. Le recrutement lui permet-il de les exercer de façon incontestable ? Le secret de délibérations, l'obligation de réserve à laquelle ils sont assujettis, une rémunération digne des hauts fonctionnaires de l'Etat, l'interdiction de cumul avec des fonctions gouvernementales et électives, la moyenne d'Age élevée à 69 ans est une forte tradition d'indépendance des membres recrutés traduisent une certaine indépendance.

L'article 61 alinéa 2 de la Constitution de 1958 institue un contrôle a priori et abstrait sur une loi. Il est arrivé cependant que le Conseil constitutionnel ait admis un contrôle limité des lois déjà promulguées. Le dixième considérant de cette décision ouvre une brèche dans le principe selon lequel le Conseil ne contrôle que les lois déjà promulguées.

Il ressort de la jurisprudence même du Conseil que ses décisions sont revêtues de l'autorité de la chose jugée à l'égard tant des pouvoirs publics que de toutes les autorités administratives et juridictionnelles mais aussi que cette autorité n'est « limitée qu'au dispositif et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et le fondement même » ; il est loisible au requérant qui se heurte à une fin de non-recevoir de saisir de nouveau le Conseil constitutionnel, évidemment s'il est encore dans les délais.

Il s'agit là des inconstitutionnalités formelles. Cependant il existe également des violations substantielles des dispositions constitutionnelles au nombre desquelles pourraient figurer le non-respect du principe de libre administration des collectivités locales ou le non-respect d'une liberté fondamentale.

Il est fort utile de noter avec Philippe ARDANT que les méthodes de contrôle du Conseil constitutionnel ont un apport direct avec l'évolution de son rôle. En effet, l'on peut noter une ouverture de ce contrôle opérée par une multiplication des normes de référence ou l'extension du bloc de constitutionnalité. Toute loi qui n'est pas conforme, renchérit Philippe ARDANT, à l'un des éléments du bloc de constitutionnalité, à l'un des « principes et objectifs à valeur constitutionnelle », est contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel français protège de même les lois organiques contre les lois ordinaires sans toutefois intégrer celles-là dans le bloc de constitutionnalité. Il y a violation de la Constitution car celle-ci prévoit la procédure d'élaboration et de révision d'une loi organique de sorte qu'une loi ordinaire qui viendrait à opérer une révision d'une loi organique serait, par ricochet, inconstitutionnelle.12(*)

S'agissant de bloc de constitutionnalité qui est la pierre de touche du mécanisme de contrôle constitutionnel exercé par le juge, il y'a lieu de mentionner que les règlements des assemblées parlementaires, les traités internationaux et même les lois référendaires intervenues dans le domaine de la loi ordinaire n'entrent nullement dans le domaine des normes de référence.

Toutefois, en sens inverse, il est arrivé au Conseil constitutionnel de renoncer à la protection des dispositions claires de la Constitution ; en cette occurrence, il admet la promulgation d'une loi constitutionnelle et autorise qu'une loi ordinaire puisse modifier la loi fondamentale. C'est le cas de l'article 37 de la Constitution française qui repartit le domaine du règlement d'avec celui de la loi. Le Conseil a considéré à l'occasion de l'examen de la loi du 30 juillet 1982 sur le blocage des prix que les dispositions de l'article 37 précité n'étaient nullement d'ordre public c'est-à-dire qu'elles ne sont point obligatoires.

L'on peut remarquer l'extension du contrôle quant à la nature des actes censurés. En effet, il est arrivé au Conseil constitutionnel d'examiner la loi autorisant la ratification d'un traité alors qu'avant la révision de 1992, il s'était toujours refusé de contrôler les traités internationaux.

De même, le Conseil constitutionnel a étendu son champ de contrôle aux lois déjà promulguées dès lors qu'une loi nouvelle venait à reprendre certaines de leurs dispositions. Par ce contrôle indirect, toutes les lois anciennes relèvent désormais de l'appréciation du Conseil constitutionnel. Il y a là extension de la portée théorique du domaine des actes contrôlés.

Une autre technique qui est différente de celle du juge ordinaire est que le Conseil constitutionnel a la latitude de statuer ultra petit. Il en est ainsi le cas lorsque saisi de l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi, il lui arrive de statuer également sur d'autres dispositions qui ne font pas d'objet de la saisine.

Il a, des fois, recouru à la technique des réserves d'interprétation qui consiste à interpréter le texte de loi déféré en imposant certaines limites qui, si elles étaient outrepassées, entacheraient celui-ci d'inconstitutionnalité et le rendraient donc inapplicable. Ce faisant, le juge français n'a fait que reprendre à son profit les techniques des juges allemand et italien, tout en se refusant de jouer le rôle de législateur d'appel.

C'est pourquoi, écrivent Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, il faut considérer le champ du « constitutionnel » comme un ensemble complexe, comportant au moins deux niveaux juridiques et associant autour d'un noyau central et textuel une frange périphérique composée des motivations à caractère prescriptif introduites dans sa jurisprudence par le Conseil constitutionnel. Bien entendu ces motivations gardent un caractère subsidiaire et supplétif.13(*)

Ajoutons pour être complet avec Philippe ARDANT que par la technique de l'erreur manifeste du législateur, le Conseil exerce une sorte de « contrôle minimum » sur l'opportunité d'une loi et se permet ainsi de protéger les citoyens contre les facilités qu'a données au gouvernement l'existence de l'Assemblée nationale d'une majorité automatiquement acquise à ses projets et l'absence de ce fait de toute responsabilité politique.14(*)

Cette liberté que s'est donnée le Conseil constitutionnel naturellement emporte quelques critiques notamment à l'occasion des décisions rendues en matière de contestations électorales. En définitive, et paradoxalement, c'est peut-être, justement, la nature profondément politique de cet organe original qui le protège et lie son sort à l'assemble des institutions.

Concluons momentanément que l'exemple français est un cas unique d'une longue tradition de la souveraineté parlementaire, comme au Royaume-Uni actuellement, qui s'est muté, à la faveur de plusieurs facteurs historiques et techniques ci-haut exposés, en une sorte de juridiction constitutionnelle dont le caractère politique s'est atténué au profit du monde juridictionnel dont l'architecture n'est cependant pas achevée.

Progressivement, le Conseil constitutionnel s'est affirmé comme le protecteur des droits et libertés constitutionnellement garantis. Avec la réforme constitutionnelle du 23 juillet 200. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un nouvel article 61-1 ainsi rédigé « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »15(*)

Il est évident que cette réforme a un triple objectif : - premièrement, elle donne un droit nouveau au citoyen en lui permettant de faire valoir les droits qu'il tire de la Constitution : - deuxièmement, elle permet de purger l'ordre juridique des dispositions législatives inconstitutionnelles ; cette procédure conduira à l'abrogation, par le Conseil constitutionnel, des dispositions contraires à la Constitution.

Les décisions produiront un effet ergaomnes qui reste une des spécificités du contrôle de constitutionnalité français: - troisièmement, elle assure la prééminence de la Constitution dans l'ordre interne. Elle met fin ainsi à une anomalie de la hiérarchie des normes française qui voulait que la norme suprême ne puisse pas être évoquée utilement dans une procédure dès lors qu'une loi faisait « écran ».

L'article 61-1 de la Constitution est mise en oeuvre par la loi organique du 10 décembre 2009 qui a été déclarée conforme à la Constitution le 3 décembre de la même année.16(*) En outre, quelques mesures réglementaires notamment sur la procédure et l'aide juridictionnelle sont publiées et le Conseil constitutionnel a adopté son règlement de procédure.

C'est le lieu ici d'indiquer schématiquement les apports de la loi organique. Trois points qui apparaissent essentiels pour résumer le contenu législatif de cette loi organique ; d'abord, la loi organique traduit le souci à la fois d'ouvrir largement ce nouveau droit mais d'empêcher qu'il conduise à entraver le bon fonctionnement de la justice.

Il y aura bien sur des tentatives d'utilisation procédurière de la question de constitutionnalité. L'expérience étrangère la montre l'a montré. Le législateur organique était fondé à prendre des mesures destinées à éviter de satisfaire ceux qui n'attendent de la question de constitutionnalité qu'un effet dilatoire sur les procédures.

Ensuite, la loi organique pose le caractère « prioritaire » de la question de constitutionnalité. Une question « prioritaire », ce n'est donc pas une question préjudicielle. Ici, la question de constitutionnalité est prioritaire. Dans l'ordre interne, la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes. Cette primauté de la Constitution est connue par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation.

Dans ce cadre, il est bien sur possible que tout juge pose également une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. C'est même un devoir pour les juridictions statuant en dernier ressort lorsqu'elles rencontrent les difficultés d'interprétation dans le droit communautaire. La règle générale de priorité de la question de constitutionnalité ne porte que sur l'ordre d'examen des moyens.

Enfin, la loi organique fixe les trois critères qui conditionnent la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation par le juge du fond.

L'introduction d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori constitue une avancée majeure pour la protection des droits et libertés. Cette avancée impliquera de faire toute leur place aux avocats dans la procédure devant le Conseil constitutionnel.

Ce modèle, par mimétisme institutionnel, a séduit plusieurs nations africaines postcoloniales ; la République démocratique du Congo dont le système sera plus loin analysé semble avoir rejoint le peloton d'arrière de cette armada francophone de suivistes. Ce qui semble être la voie suivie par le Constituant belge dont le système de justice constitutionnelle mérite de recevoir les appréciations théoriques dans les lignes qui suivent.

* 9Cité par VERDUSSEN (M.), Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, p.28.

* 10 GICQUEL, J., Droit constitutionnel et institutions politiques, 16ème édition, Paris, Montchrestien, 1999, p.67

* 11 KALUBA DIBWA D, Du contentieux constitutionnel en République démocratique du Congo, thèse de doctorat en droit public Unikin p.89

* 12 ARDANT, P., Institutions politiques et droit constitutionnel, 8ème éd., Paris, LGDJ, 1996, pp.126-129

* 13P. PACTET et F. MELIN-SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel, 24ème édition, Paris, Armand Collin, aout 2005, p. 543.

* 14 ARDANT, P., Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit., p. 129

* 15 Lire le discours du Président du Conseil constitutionnel devant la conférence des Bâtonniers de France du 20 janvier 2010 sur le site internet du Conseil constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-condtitutionnel/root/bank-mn/discours-intervention consulté le mercredi 30juin 2021.

* 16 Lire avec intérêt, J. du BOIS DE GAUDUSSON, G. CONAC et C. DESOUCHES, Les constitutions africaines publiées en langue française, tome 1, Paris, La Documentation française, Bruxelles, Bruylant, 1997 ; lire également sur cette notion de « suivisme » ou de remorquisme constitutionnel », A. KAMUKUNY

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire