Statut du juge constitutionnel en droit positif congolaispar Roger Tshitenge Kamanga Université de Kinshasa - Licence 2019 |
2. Les contraintes juridiquesLes contraintes juridiques se sont aussi manifestées sur le plan des décisions prises par le juge. En date du 26 janvier 1995, l'union sacrée de l'opposition radicale et alliés, Etienne TshisekediwaMulumba et consorts ont saisi la Cour suprême de justice en vue d'obtenir l'annulation pour : · Violation des dispositions constitutionnelles, excès et détournement de pouvoir, et partant pour illégalité, des ordonnances n°94/039 du16 juin 1994 et n°94/042 du 6 juillet 1994 portant respectivement investiture d'un premier ministre en la personne de Monsieur KengowaDondo, et nomination des membres de son gouvernement. D'après les requérants, ces ordonnances nommant un Premier Ministre et les membres de son Gouvernement ont été prises en application des actes, décisions et règlements illégaux du Haut Conseil de la République parlement de transition. Son arrêt R.A 320 du 21 aout 1996, la Cour suprême de justice, section administrative relevé qu'en vertu de l'ordonnance-loi n° 082-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant elle. Elle apprécie souverainement quels sont les actes du Conseil Exécutif qui échappent à son contrôle d'une part et d'autre part, la Cour ne contrôle pas les actes législatifs. Pour cette juridiction, les ordonnances mises en cause ont été prise par le Président de la République en exécution des actes et procédures accomplis par le Haut conseil de la République- Parlement de transition et à ce titre, sont destinées, en l'espèce, à doter le pays d'un gouvernement.80(*) Considérant ces ordonnances comme des actes de gouvernement à caractère politique essentiels pour assurer le fonctionnement des pouvoirs publics et échappant au contrôle du juge administratif, la Cour s'est déclarée incompétente pour en connaitre la légalité. Intervenus dans le cadre de la désignation, la présentation et l'investiture d'un premier ministre, ces actes et procédures seraient des actes législatifs. Ils couvrent les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans l'exercice du pouvoir législatif. Par la Cour, le législateur a, de manière volontaire et expresse, décidé de soustraire de la compétence du pouvoir judiciaire tous les actes génériquement qualifiés de législatifs en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Cette définition des actes de gouvernement a été confirmée dans les arrêts R.A 459 du 26 septembre 2001 et R. Const. 051/TSR du 31juillet 2007.81(*) Ces décisions semblent avoir été édictées par des considérations politiques. Elles ont marqué un tournant important dans la jurisprudence congolaise en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes des gouvernants. On y décèle un revirement spectaculaire de la jurisprudence qui porte, un coup dur au courage et à la capacité des magistrats de cette juridiction de tenir haut le flambeau de l'indépendance de la magistrature qu'ils ont pourtant allumé une année auparavant. La déception que cet arrêt a provoquée au plan de l'argumentaire scientifique a fait dire à Dieudonné KalubaDibwaque « le pouvoir judiciaire venait de rater le rendez-vous que lui a offert l'histoire pour marquer son indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif.82(*) Ceci nous conduit à traiter les perspectives liées aux contraintes du statut du juge constitutionnel. * 80 ODIMULA LOFUNGUSO Kos'ONGENYI L., La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, thèse de Doctorat Unikin 2013, pp.350-368. * 81 Voir Bulletins des arrêts, Contentieux Electoraux 200-2007, Kinshasa, Editions du Service de Documentation et d'Etudes du Ministère de la Justice. * 82 IDEM, pp. 370 |
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