1. Du contexte politique
La justice constitutionnelle ne peut fonctionner normalement
que dans un contexte politique serein et démocratique, conditions que ne
remplit le système politique Congolais.
En effet, l'instabilité politique et institutionnelle
ayant caractérisé le Congo durant les cinq premières
années de son indépendance n'a permis, à n'en point
douter, au législateur d'asseoir une législation
appropriée, complète et définitive en matière de
justice constitutionnelle.
Sous la 2ème République, le
système politique congolais, caractérisé essentiellement
par le monisme intégral doublé d'un présidentialisme
outré, n'a pas, non plus, été de nature à favoriser
le développement de la justice constitutionnelle.
Dans un tel contexte politique, une initiative parlementaire
d'une loi destinée à parachever l'édifice juridictionnelle
constitutionnelle eut pu facilement être assimilée à un
acte de subversion, tant il est vrai que le juge constitutionnel est d'abord et
avant tout le censeur de l'action des institutions politiques.
Or il a savamment été démontré que
les régimes politiques d'Afrique noire d'avant l'ère des
conférences nationales étaient caractérisés, non
seulement par le refus d'un pouvoir partagé, mais aussi par celui d'un
pouvoir contrôlé.
Il va de soi que, même du côté de
l'exécutif, il était hors de question d'initier un projet de loi
ou d'édicter un acte ayant force de loi appelé à
concrétiser le fonctionnement d'une justice essentiellement
conçue pour contrôler son action.
Par ailleurs, lorsque, dans ce contexte politique, le
législateur est quand même intervenu popu organiser quelques
aspects du contentieux constitutionnel, il a suffisamment mis d'obstacles pour
que, dans la pratique, la saisine du Juge Constitutionnel devint quasiment
aléatoire, voir illusoire.
L'on ne peut passer sous silence la transition tumultueuse
qui, débutée le 24 avril 1990, a connu de nombreux soubresauts
dont le point culminant se trouve être le dualisme constitutionnel et
institutionnel consécutif à la bipolarisation de la scène
politique entre les mouvances présidentielle et oppositionnelle.
Dans ce cafouillage politique ou chaque institution
était plus que jamais préoccupée par sa survie politique,
l'on était loin de songer à parachever l'édifice
juridictionnel constitutionnel congolais.
Il est véridique que chaque nouvelle nomination des
Juges Constitutionnels constitue un jeu politique. Ceci fait entrevoir combien
dans les Etats africains francophones en particulier, le Juge Constitutionnel
n'échappe que très rarement à la logique de politisation
structurelle.
D'emblée, dans la nomination, le pouvoir politique a
une forte propension à désigner, des personnalités
sensibles à ses obédiences politiques. Ces dernières
étant souvent sujettes à des considérations à
connotations politiques et parfois objet des colorations partisanes.
Dans la mesure où une fois nommé,
l'autorité politique attend dans une certaine mesure du Juge
constitutionnel qu'il délibère dans les sens des options
politiques, le cas échéant, le pouvoir politique peut aller
même jusqu'à remettre en cause la valeur de la décision de
la haute juridiction et faire plier ce dernier à sa volonté.
Dans la même veine, appréciant la façon
concrète la place du Juge dans le système politique africain,
à travers la tripartie ; le juge, le justiciable et les pouvoirs
publics, Alioune Badera Fall affirme à juste titre, que « le
sentiment que donne le juge aux populations serait qu'il n'est pas autre chose
que le « bras droit » du pouvoir politique en place ou un
instrument corrompu et manipulé par les hommes du milieu des affaires ou
autre personnalités influentes .
Un juge qui, pour de raisons diverses, serait à la
solde de la classe dirigeante au détriment des droits et
libertés. Incontestablement, l'exigence formelle d'un juge
constitutionnel « apolitique » échoue d'ailleurs, et
la politique demeure.
L'instrumentalisation du juge constitutionnel en
République Démocratique du Congo par le pouvoir politique est une
réalité congénitale difficilement niable. Les exemples
sont légions.
Elle se présente d'une part sous forme d'une
stratégie d'anticipation politique et se traduit par le choix d'une
personnalité, « fidèle ami » de
l'autorité politique en place, à la tête de la juridiction
constitutionnelle, aux fins de garantir malhonnêtement la
continuité du régime politique en place.
Cette situation a pour conséquence le fait que les
membres de cette Cour soient ourdis et asphyxiés aux ordres du
régime politique dominant en place.
De manière générale, l'état
médiocre de notre démocratie ne favorise pas l'effectivité
et l'indépendance du juge constitutionnel car il se trouve être
dans une situation de servitude de répondre toujours aux attentes de
l'autorité de nomination sous peine d'être
révoqué.
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