B- La CACI et la vulgarisation de l'arbitrage
Créée le 9 mai 1997 au sein de la chambre de
commerce et d'industrie, la Cour d'arbitrage de Côte d'Ivoire (CACI) a
effectivement commencé ses activités le 12 août 1997. Tenue
de faire face à la quasi-ignorance des opérateurs
40 Narcisse AKA, Article précité.
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économiques, elle peut toutefois profiter de
l'extension du champ d'application de l'arbitrage par l'Acte Uniforme et des
défaillances du système judiciaire étatique.
1) La méconnaissance de l'arbitrage
II a été constaté au démarrage des
activités de la CACI que beaucoup d'opérateurs économiques
et même certains juristes ignoraient les rudiments de l'arbitrage. De
nombreux hommes d'affaires interrogés croyaient en toute bonne foi que
l'arbitrage était un mode amiable de règlement des
différends et qu'il se confondait ainsi avec la médiation ou la
conciliation.
Face à ce déficit d'informations, il est apparu
nécessaire d'organiser des séminaires de formation sur
l'arbitrage, avec l'appui des experts internationaux et des campagnes de
promotion. La sensibilisation des hommes d'affaires est une oeuvre d'autant
plus délicate qu'il faut établir une certaine confiance alors que
toute nouvelle institution suscite parfois une certaine suspicion. Les
rencontres directes avec les chefs d'entreprises, les organisations
patronales..., ont contribué à faire tomber ce mur de
méfiance. Il a fallu également rencontrer les magistrats afin de
dissiper certains malentendus concernant l'arbitrage, perçu
malheureusement comme un concurrent dangereux et traduisant une certaine
défiance vis à vis de l'institution judiciaire étatique.
Notre mission de promotion et de sensibilisation entreprise depuis août
1997 commence à porter ses fruits puisque des dizaines de contrats
comportent les clauses d'arbitrage CACI. Par ailleurs, certains
opérateurs économiques manifestent une certaine
préférence pour l'arbitrage ad hoc. Dans certains de
leurs contrats, la CACI a été choisie comme autorité de
nomination.
L'expérience des centres d'arbitrage des pays du nord
révèle qu'il s'écoule généralement quelques
années avant que les organismes d'arbitrages ne soient saisis de leurs
premiers dossiers. En ce qui concerne la CACI, qui offre également des
prestations en matière de conciliation, elle a été saisie
d'une dizaine de procédures de conciliation et d'un dossier d'arbitrage
international. Ce litige qui
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oppose une société de droit français
à une personne morale ivoirienne a donné lieu à la
première sentence arbitrale rendue sous l'égide de la CACI le 5
novembre 1999. La CACI a reçu d'autre part une dizaine de requêtes
en arbitrage auxquelles elle n'a pu donner suite, soit parce qu'il s'agissait
d'un arbitrage ad hoc, soit parce que la clause, plus ou moins pathologique, ne
visait pas expressément notre organisme.
L'extension du champ d'application de l'arbitrage par l'Acte
Uniforme du 11 mars 1999, ouvre de nouvelles perspectives à la CACI.
2) L'Extension du champ d'application de
l'arbitrage
L'Acte Uniforme étend aussi bien la notion
d'arbitrabilité objective que celle d'arbitrabilité
subjective41.
D'une part, aux termes de l'article2 alinéa
1er, «toute personne physique ou morale peut recourir
à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition».
Alors que la loi ivoirienne de 1993 indiquait que la clause compromissoire
n'était valable en matière interne qu'entre commerçants,
l'Acte Uniforme ne contient aucune restriction liée au caractère
civil ou commercial du litige. Il s'ensuit que tous les litiges commerciaux,
civils ou mixtes pourront être soumis à l'arbitrage dès
lors qu'il s'agit de droits dont les parties ont la libre disposition. D'autre
part, l'alinéa 2 de l'article précité énonce le
principe général de l'aptitude à compromettre de
l'Etat, des collectivités publiques territoriales et des
établissements publics qui ne peuvent « invoquer leur propre
droit pour contester l'arbitrabitité d'un litige, leur capacité
à compromettre ou la validité de la convention
d'arbitrage42». Ces dispositions sont d'autant plus
libérales qu'elles concernent aussi bien l'arbitrage interne que
l'arbitrage international.
41 Philippe LEBOULANGER, « L'arbitrage et
l'harmonisation du droit des affaires en Afrique ». Rev. arb.,
1999.541, spéc.556.
42 Article 2 alinéa 2 de l'Acte Uniforme de
l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage
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L'extension de l'arbitrabilité par l'Acte Uniforme
offrant de nouvelles opportunités, la CACI a engagé la
révision de son règlement pour l'adapter aux nouveaux principes
de l'espace OHADA. Les modifications concernent également le
barème des frais et honoraires, frais que plusieurs opérateurs
économiques ont jugé prohibitifs. Il est ainsi arrivé que
des parties, qui avaient prévu une clause d'arbitrage CACI, aient
opté pour un arbitrage ad hoc lorsqu'elles ont pris
connaissance de nos tarifs. Les centres d'arbitrage doivent accorder une
importance particulière aux tarifs pratiqués qui devraient
être en adéquation avec le pouvoir d'achat des opérateurs
économiques. A défaut, ces derniers seraient contraints de
recourir à la justice étatique, dont les défaillances
constituent pourtant le terreau susceptible de permettre à la CACI de se
développer.
3) Les défaillances de la justice
étatique et développement de l'arbitrage
Les perspectives de l'arbitrage en Côte d'Ivoire sont
d'autant plus intéressantes que les opérateurs économiques
s'accordent à reconnaître que la justice étatique est
particulièrement sinistrée (équipements désuets et
insuffisants, conditions de travail déplorables, personnel insuffisant
...). A cette situation critique s'ajoute un engorgement lié au volume
du contentieux qui entraîne l'allongement des délais de traitement
de dossier même dans le cas de procédures qui requièrent
une certaine célérité.
Compte tenu de ces défaillances avérées
de la justice étatique, de plus en plus d'hommes d'affaires
s'intéressent à l'arbitrage CACI et n'hésitent pas
à la solliciter pour obtenir des renseignements. L'arbitrage est
appelé à devenir à moyen terme un mode usuel de
règlement des différends nonobstant les pesanteurs susceptibles
de freiner son développement.
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