PARAGRAPHE II : LA PRATIQUE DE L'ARBITRAGE DANS L'ESPACE
OHADA : UN BILAN DECEVANT73
L'Acte Uniforme a sans nul doute amélioré le
cadre normatif de l'arbitrage dans la grande majorité des Etats de
l'OHADA. Toutefois, il n'a pas engendré un développement
significatif de la pratique arbitrale. D'ailleurs, le système de
l'arbitrage de l'OHADA porte en lui-même les germes de sa faiblesse,
liée à sa territorialité.
En tout état de cause, les détracteurs de la
justice arbitrale la considèrent comme une justice de deuxième
ordre.
A- L'ARBITRAGE, UNE JUSTICE DE DEUXIEME ORDRE74
La justice arbitrale est souvent perçue comme une
justice de deuxième ordre75 précisément parce
qu'il ne provoque pas la rupture qu'implique l'entrée dans le monde de
la justice qui devrait, pour remplir sa mission et les finalités qui
sont les siennes, imposer son emprise, son organisation, ses règles et
ses procédures. La plénitude de la justice ne se retrouverait et
ne pourrait se retrouver qu'au seul sein de la justice publique dont
l'intervention et le recours sont d'ailleurs nécessaires pour
conférer à la justice privée, la reconnaissance et la
force exécutoire.
L'arbitrage n'est pas une justice d'Etat, puisque le litige
n'est pas tranché par un magistrat ayant reçu une
délégation officielle et permanente à cet effet, mais par
des particuliers qui tiennent leurs pouvoirs de la convention des parties.
L'arbitrage se déroule en dehors du tribunal et sans que les plaideurs
ne soient
73Pierre MEYER, « Le droit de l'arbitrage dans
l'espace OHADA, 10 ans après l'Acte Uniforme », revue de
l'arbitrage n°3, 2010
74 Cette limite de l'arbitrage se justifie par le
fait qu'il ne provoque pas la rupture qu'implique l'entrée dans le monde
de la justice
75 Guy HORSMAN, Article précité
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tenus d'appliquer les règles de la procédure
officielle. Toutefois les arbitres doivent s'assurer que l'ordre public et les
droits de la défense sont respectés et que les débats ont
un caractère contradictoire.
Parce qu'il repose sur la convention des parties, on dit
parfois que l'arbitrage est un procédé amiable de
règlement des différends. L'expression n'est pas tout à
fait exacte. Un règlement purement amiable aboutirait à une
transaction, par laquelle les parties abandonneraient volontairement une partie
de leurs prétentions. Au contraire, l'arbitrage se termine par une
sentence, qui s'impose aux plaideurs comme un jugement. Par conséquent
l'accord des parties se limite à la volonté d'échapper aux
juridictions d'Etat. Mais il ne va pas au- delà. C'est un accord sur la
procédure à suivre pour trancher le litige, mais qui laisse
entier le fond du différend76.
Les sentiments de sympathie si non d'affection pour
l'arbitrage, comme les sentiments de méconnaissance, sinon d'antipathie
à son égard se sont exprimés et renforcés, au fil
du temps, par de tels raisonnements et d'autres du même ordre. La
pratique de l'arbitrage a été, dans cette opposition de raison et
de sentiments, essentielle car elle a favorisé et accusé les
divergences entre ceux qui n'ont jamais participé à une
procédure arbitrale ou qui l'ont, pour l'une ou l'autre raison,
profondément regretté et ceux qui y ont recours de manière
plus ou moins fréquente et qui y consacrent même parfois
l'essentiel de leur activités.
L'arbitrage n'a cessé de perdre les faveurs qui lui
étaient réservées et d'être en butte à des
critiques de plus en plus nombreuses. A cette époque on a, naturellement
et heureusement, fait écho à ses critiques en supprimant
l'arbitrage forcé auquel les associés des sociétés
commerciales devaient avoir recours en cas de conflit.
La justice en général et l'arbitrage en
particulier a parfois malheureusement tendance à ne pas suffisamment
écouter ceux qui y ont recours et à réserver
76 Yves GUYON, l'arbitrage, Edition
économica, 1995, p.6
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immédiatement leur attention aux données
juridiques des difficultés et des problèmes qui leur sont
soumis.
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