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La justice arbitrale dans l'espace OHADA.

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par Nà¢â‚¬â„¢Gouan alphonse ANEY
Université félix Houphouêt BOIGNY - DEA de droit privé fondamental 2013
  

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INTRODUCTION

La recomposition de l'environnement juridique mondial sous l'impulsion des lois du marché suscite des enjeux importants relativement à la croissance économique des nations. Pourtant, le financement du développement économique et social des pays africains nécessite qu'ils attirent les flux privés de capitaux, développent l'initiative privée et qu'ils créent un climat propice aux affaires. Or, les opérateurs économiques et autres partenaires au développement ont toujours formulé des griefs relatifs à l'instabilité des Etats africains et aux risques liés aux investissements en Afrique en se fondant sur l'insécurité juridique ou judiciaire supposée ou avérée1.

En réalité, ces griefs relèvent surtout de la corruption qui sévit dans le milieu judiciaire en Afrique, mais également des difficultés à identifier les normes juridiques et arbitrales. En effet, la plupart des Etats Africains étaient encore régis par des règles obsolètes et désuètes héritées de l'ère coloniale. Ainsi l'unification du droit des affaires devrait constituer une priorité, cette priorité était d'ailleurs largement suivie et appuyée par les investisseurs qui se heurtaient à un droit disparate, confus et suranné. Dès lors a germé l'idée d'harmoniser et de rénover les législations existantes afin de limiter les disparités dans une même zone économique et monétaire dont les intérêts et les cultures sont très proches2.

A l'heure de la mondialisation de l'économie, les principaux pays du monde se regroupent pour constituer des unions économiques et le cas échéant monétaires3.

L'Afrique n'est pas restée en marge. Les Etats Africains ont procédé à des regroupements économiques tels que la CEDEAO, l'UEMOA, la CEMAC, la

1 Keba Mbaye, « L'histoire et les objectifs de l'OHADA », Petite affiche n°205 du 16 octobre 2004, p. 5

2 Keba Mbaye, Ibid

3 Jean Paillusseau, « Le droit de l'OHADA : un droit très important et original », JCP n°5 supplément n°44 du 28 octobre 2004, p. 1

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SADC. L'intégration économique pour atteindre le but visé, c'est à dire contribuer efficacement au développement économique du continent africain en offrant aux investisseurs étrangers et nationaux de vastes marchés économiques et répondre aux espoirs suscités par sa mise en place se devait d'être doublée par une intégration juridique. Cette intégration juridique a pour objectif de trouver les solutions juridiques les meilleures et les mettre à la disposition de tous les pays quelles que soient leurs ressources humaines; favoriser les échanges entre Etats; stimuler le transfert des technologies et les connaissances et notamment les techniques modernes de gestion des entreprises; instaurer la sécurité juridique ; restaurer la sécurité judiciaire; encourager la délocalisation vers l'Afrique de certaines grandes entreprises; fortifier l'unification monétaire et la monnaie elle-même; rétablir la confiance des chefs d'entreprises et des investisseurs; développer l'arbitrage en Afrique; améliorer les conditions de la libre concurrence; faciliter l'intégration économique sur le continent et renforcer l'unité africaine4.

Il était impératif pour tous les pays concernés, d'adopter un même droit des affaires moderne, réellement adapté aux besoins économiques, clair, simple, sécurisant les relations et les opérations économiques.

Cette intégration juridique poursuivie se justifie par plusieurs raisons, notamment limiter, voire éliminer les conflits liés aux disparités entre les législations nationales ou encore identifier et garantir plus facilement l'application d'une même loi5.

C'est pourquoi les Etats africains6 ont suscité la naissance de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) par la signature du traité le 17 octobre 1993 à Port Louis (ILES Maurice).

4 Keba Mbaye, article précité, pp. 5 à 6

5 Boris Martor et Sébastien Thouvenel, L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA, p. 17

6 Les Etats membres de l'OHADA sont : Benin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Mali, Togo, Tchad, Sénégal, Guinée Bissau, Niger, Guinée Equatorial, République Démocratique du Congo

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L'OHADA a voulu garantir la sécurité juridique aux agents économiques régionaux et étrangers en offrant à un vaste espace économique un droit des affaires commun dont l'interprétation ultime est confiée à une seule instance juridictionnelle dotée par ailleurs du pouvoir exceptionnel d'évoquer après cassation, le fond des affaires qui lui sont soumises. La volonté de créer un grand marché régional, le souhait aussi de rassurer les investisseurs étrangers a justifié des abandons de souveraineté de la part des Etats parties au traité OHADA7.

Ainsi plusieurs actes uniformes8 ont été pris en application de ce traité. Parmi ceux-ci figure l'acte uniforme sur le droit de l'arbitrage par lequel les signataires ont entendu faire de l'arbitrage un mode normal de règlement des litiges. Le système juridique de l'OHADA accorde une attention toute spéciale à l'arbitrage qu'il reconnait comme un mode privilégié de règlement des différends économiques. Pourtant l'acte uniforme relatif à l'arbitrage n'a pas donné de définition de l'arbitrage. Selon la doctrine9, l'arbitrage est une procédure facultative de règlement des litiges, qui consiste à recourir à une ou plusieurs personnes privées choisies par les parties appelées arbitres, parfois même à recourir à un juge d'Etat déclaré amiable compositeur10 par les plaideurs. Il s'inscrit au coeur des modes alternatifs de règlement des conflits (MARC), préférés des opérateurs économiques internationaux et des investisseurs. En effet, le phénomène de règlement amiable est l'une des manifestations du passage d'un ordre juridique imposé à un ordre juridique négocié. Les acteurs sociaux et économiques retrouvent la faculté de régler eux-mêmes leurs différends par

7 Jacques DAVID, Avant-propos de l'ouvrage de Pierre Meyer sur le Droit de l'arbitrage, OHADA, Bruylant Bruxelles, 2002.

8 Il s'agit de l'acte uniforme portant droit commercial général ; l'acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et des GIE ; l'acte uniforme portant sur l'organisation des sûretés ; l'acte uniforme portant sur l'organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution ; l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ; l'acte uniforme relatif au droit comptable ; l'acte uniforme relatif au droit de transport des marchandises par route; l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

9 Laurent GOUIFFES, Recherche sur l'arbitrage en droit international et comparé, LGDJ, Paris, 1997, p. 43, voir également Charles JARRASSON, La leçon d'arbitrage, LGDJ, Paris, 1987, p. 372.

10 Arbitre ayant reçu des parties le droit de rendre sa décision non selon le droit, mais en équité et sans observer les règles ordinaires de la procédure. Le même pouvoir peut être donné aux juges d'Etat, en matière civile, lorsque les parties ont la libre disposition de leur droit.

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convention au lieu de subir un jugement qui leur est imposé par une autorité étatique11.

Le recours au règlement des litiges par la voie arbitrale permet très souvent aux parties de sauvegarder les relations d'affaires habituelles. Il présente de nombreux avantages pour les parties : suppression du formalisme procédural, rapidité, secret de la procédure, efficacité de la sentence.

C'est une justice contractuelle parce qu'elle fait une grande place à la volonté des parties, soit par l'insertion dans le contrat d'une clause compromissoire, soit par la conclusion d'un compromis quand le litige est déjà né. La justice arbitrale reste le choix12 de la volonté des parties entre le droit et l'équité13.

Avant la mise en place du système d'arbitrage de l'OHADA, peu d'Etats membres avaient développé ce mode de règlement des litiges dans leur législation interne et les opérateurs économiques en Afrique y recouraient peu. Or le bon fonctionnement du commerce international appelle une adaptation des législations nationales dans le sens d'une libéralisation de l'arbitrage. Les efforts déjà entrepris dans ce sens s'étaient révélés inefficaces. Il était donc légitime que le traité de l'OHADA lui accorde une place privilégiée.

Dans le cadre de l'harmonisation du droit des affaires que l'Afrique a engagée, l'arbitrage occupe une place de choix. Cette place est perçue dès la signature du traité constitutif de l'OHADA dont le préambule déclare que les hautes parties contractantes sont « désireuses de promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ».

On l'appréhende encore dans la dénomination de la juridiction suprême de l'OHADA.

11Bertrand MOREAU et Louis DEGOS, «La clause compromissoire réhabilitée», les cahiers de l'arbitrage, volume I, juillet 2002, p. 16

12Jean PAILLUSSEAU, « Le choix entre le droit et l'équité », JCP.G n°5, 1er février 2006, p.185

13 C'est la réalisation suprême de la justice, partant parfois au-delà de ce que prescrit la loi. Il est reconnu à toute juridiction arbitrale le pouvoir de trancher en équité, lorsqu'il s'agit des droits dont les parties ont la libre disposition et qu'un accord exprès des plaideurs a délié l'arbitre de l'obligation de statuer en droit.

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En effet, la dénomination «Cour Commune de Justice et d'Arbitrage » (CCJA) est évocatrice de l'importance de sa fonction arbitrale, de même degré que sa fonction juridictionnelle et consultative, c'est-à-dire l'interprétation et l'application des actes uniformes portant sur le droit des affaires.

Cet intérêt accordé par l'OHADA à l'arbitrage justifie qu'on s'intéresse à l'étude de la justice arbitrale dans l'espace OHADA. Cette étude soulève la question centrale suivante :

La justice arbitrale peut- elle contribuer à la sécurisation juridique des affaires dans l'espace OHADA ?

La réponse à cette interrogation impose d'une part l'analyse de l'organisation de la justice arbitrale dans l'espace OHADA (première partie) et d'autre part d'appréhender l'efficacité de la justice arbitrale dans cet espace communautaire (deuxième partie).

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon