L'étude de cas est une méthode de recherche qui
intègre différentes techniques, la plupart de celles-ci
étant de nature qualitative, mais certaines pouvant également
être de nature quantitative. La combinaison des différentes
techniques, celle de l'articulation et de la complémentarité des
matériaux sont des questions centrales dans l'approche de cas.
L'étude de cas est donc une méthode en soi. Elle est, au
même titre que les autres méthodes d'observation en sciences
humaines, apte à vérifier empiriquement des hypothèses
de
38 Luc Albarello, Choisir l'étude
de cas comme méthode de recherche, Ed. De Boeck,
Bruxelles, 2011
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recherche. Selon Yin, l'étude de cas est une recherche
empirique qui étudie un phénomène
contemporain dans un contexte réel, lorsque les
frontières entre le phénomène et le contexte
n'apparaissent pas clairement, et dans laquelle on mobilise des ressources
empiriques multiples.
On parle, trop souvent, d'un « cas » comme d'un
« exemple » qui sert à illustrer un élément de
théorie. Un cas n'est alors rien d'autre qu'une illustration
concrète, une situation exemplative. Ou alors, on assimile le cas
à un « problème » à résoudre ou à
une situation problématique qu'il convient d'examiner selon un
dispositif généralement structuré comme suit : une analyse
interne et externe, un diagnostic et l'identification du problème, le
choix d'une stratégie et la
résolution du problème. Cette acception du
terme est particulièrement répandue en gestion et
en management. Un cas ou un site est un ensemble
d'interrelations, situé dans le temps et localisé dans l'espace.
Cette acception du terme semble la plus opérationnalisable dans un
processus de recherche. En sciences sociales, un site doit
nécessairement concerner plusieurs individus.
Dans l'étude de cas, les frontières entre le
phénomène et le contexte n'apparaissent pas clairement : ce
postulat est fondamental et quasiment fondateur de la méthode. L'un ne
va pas sans l'autre : le phénomène et le contexte
spécifique au sein duquel il trouve place ne peuvent être
dissociés. L'étude de cas (de site) peut alors apparaître
comme une option méthodologique tout à fait envisageable. Ainsi,
dans l'étude de cas, le contexte doit être considéré
dans un sens
strict et non dans une acception large du terme.
L'étude de cas n'est pas utilisée partout.
Yin39 précise les domaines (les champs) qui peuvent de
manière privilégiée faire l'objet d'une étude de
site : des comportements de groupes, des processus organisationnels, la mise en
oeuvre de modalités organisationnelles, des
changements de voisinage, des performances sociales, les
relations internationales et le développement d'initiatives
économiques. A ceux-ci, Luc Albarello ajoute les situations qui
concernent des conflits entre des acteurs et des groupes d'acteurs. L'analyse
de cas semble féconde lorsqu'il s'agit de comprendre les situations
contradictoires qui émergent constamment dans divers champs de la vie
sociale et relationnelle. Elle permet de mettre en présence, de
39 Yin R. K., «Case study
methods» in complementary Methods in Education
research, Washington, American Educational Research Association, 2OO6.
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manière dialectique, les logiques d'action
émergentes ou qui se développent en opposant les
agents significatifs du champ social.
L'objet de l'étude de cas, en se basant sur l'ouvrage
de Creswell40, peut se justifier par trois situations qui peuvent
impliquer la mise en oeuvre d'une étude de cas : un
événement, un programme (un projet) ou une activité. Selon
l'essence de l'étude de cas, elle concerne une décision ou un
ensemble de décisions. A ce moment, elle consiste à examiner et
à comprendre
les motifs d'une telle décision, à cerner par
qui, pourquoi et comment elle a été concrétisée,
implémentée, quels ont été les résultats de
sa mise en oeuvre. Pour Collerette41, l'étude de cas peut
emprunter autant la forme inductive que la forme déductive. Elle peut
servir à faire
émerger des problèmes, leur évolution et
la signification qu'ils ont pour les acteurs concernés,
tout comme elle peut servir si une élaboration
théorique rend compte adéquatement des phénomènes
présents dans diverses situations.
Quel que soit l'objet de l'étude, le chercheur qui
utilise la méthode de l'étude de site est amené
à rechercher le plus rapidement possible le
référent théorique qui sera le plus apte à
permettre la compréhension du cas et à identifier les
hypothèses qui seront ultérieurement vérifiées par
la récolte des données et l'analyse de celles-ci. Ce
référent théorique évite au chercheur de «
partir dans tous les sens » et d'observer « tout et n'importe quoi
».
Le cas étudié doit être précis
dans le temps et circonscrit dans l'espace. Pour l'analyste, l'un des moments
les plus importants de la méthode de cas consiste à choisir
adéquatement son cas. Plusieurs options existent : étude
intra-site, étude multi-sites, sélection raisonnée du cas,
choix d'un cas extrême. Certains événements sont totalement
inattendus, accidentels, non prévus. D'autres s'inscrivent dans la
durée : une activité, un programme d'action, de formation. Pour
chaque cas choisi, l'analyste précise son point de départ et son
point d'arrivée. C'est cet effort de limitation temporelle et spatiale
qui définit le site. Il est crucial de définir avec
précision
le site sur lequel porteront l'observation et l'analyse.
40 Creswell John W., «
Qualitative inquiry and research design: Five
approaches», London, Sage Publication, 2007.
41 Collerette P., «
L'étude de cas au service de la recherche »,
in Recherche en soins infirmiers, n° 50, 1997.
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Pour la préparation de la récolte des
données, dès le début de l'analyse, il est grandement
utile de réaliser un document dénommé protocole
d'analyse de cas qui énumère le plus
précisément
possible les informations dont l'analyste a réellement
besoin au regard des techniques qu'il conviendra de mettre en oeuvre en vue de
récolter ces informations et aussi en laissant de côté
celles qui ne s'avèrent pas nécessaires. La rédaction de
ce plan conduit l'analyste à anticiper les dispositifs et les techniques
de récolte et de traitement des données.
Pour la récolte des données, diverses
techniques de recueil des données peuvent être mises en oeuvre et
différents types des matériaux peuvent être
récoltés selon les hypothèses précises de la
recherche et selon la spécificité du cas. Des techniques
qualitatives et quantitatives peuvent être utilisées au sein d'une
même étude. Parfois, le poids principal sera de nature
quantitative, dans d'autres recherches, il sera davantage qualitatif. Ainsi,
divers principes transversaux sont de rigueur. Le premier de ces principes
méthodologiques est la diversification des sources. Trois principes
président à la récolte : la triangulation, la
sélection et la saturation.
Quant à l'analyse des données, il importe de
retenir que, comme dans toute approche qualitative, la phase d'analyse est
centrale dans l'étude de cas. Dès que les données ont
été recueillies et présentées (par les processus de
condensation et de catégorisation), l'analyse du matériau se
poursuit sur base des hypothèses sous-jacentes. Les outils
particulièrement pertinents et originaux sont, dans l'analyse de cas,
les matrices et les figures. Les matrices sont de différents types. Les
matrices de processus, les matrices d'effets, de résultats, de
même que les matrices plus synthétiques encore comme les matrices
de synthèse, les méta-matrices, etc., sont des outils
remarquables. Les techniques varient selon que l'on se trouve devant un
single case ou devant un multi-life cases. Dans la
présentation des données et des matrices, il est important de
faire preuve de transparence.
Avant d'interpréter les données, l'analyste
doit se rappeler le caractère fondamental de l'étude de cas :
a-t-elle une prétention exploratoire, descriptive ou bien
compréhensive. Ceci permettra que les interprétations suivent des
buts différents. Les stratégies interprétatives sont
nombreuses ; il importe de faire recours à celles qui semblent les plus
appropriées à l'étude que l'on mène. Ces
dernières sont : le comptage d'unités (renvoie à
l'analyse catégorielle accompagnée d'une logique de
pondération), la recherche de thèmes (en
privilégiant la logique de la récurrence), la recherche de la
plausibilité (il faut pouvoir capter les premiers signaux que
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nous envoie le site tout en conservant une certaine
prudence), des regroupements (il s'agit d'effectuer des classements en
catégories, de créer des groupes ou d'identifier des attributs),
la métaphore (pour signifier que l'organisation
étudiée dans « l'étude de cas » est mal en
point), la subdivision des variables (plutôt que regrouper des
informations, l'analyste les scinde ; il obtient de la sorte un effet de
différenciation, de complexification, de nuance et d'approfondissement),
passer du particulier au général (en se posant la
question : « De quoi cet élément est-il un exemple ? »
On obtient de la sorte un effet d'abstraction en construisant des classes plus
générales, plus englobantes), factoriser (il s'agit de
se poser cette question : « Quel élément se trouve en grande
quantité dans un endroit et en petite quantité dans un autre ?),
repérer les relations entre les variables (il s'agit
d'identifier des liens entre les éléments ou des groupes
d'éléments), construire des chaînes logiques
(c'est-à-dire regrouper des résultats
précédemment obtenus. Il s'agit d'effectuer des
enchaînements entre variables sur base de raisonnements et d'articuler
les relations précédemment découvertes en visant
l'émergence d'une chaîne logique souvent non perçu par les
acteurs eux-mêmes) et rechercher une cohérence
conceptuele (il s'agit de confirmer une théorie ou
d'établir une confirmation d'une théorie à un champ
spécifique. Le chercheur vise une modification, une amélioration,
une précision de la théorie de référence).