B. LA RELATION SOIGNANT/SOIGNÉ
B.1. LE CONCEPT DE RELATION
B.1.1. Le jugement clinique
Le jugement clinique correspond à la première
étape de la démarche soignante dans le cadre d'une relation de
soin. L'Association Nord Américaine pour les Diagnostics Infirmiers
(North American Nursing Diagnosis Association, 1990) définit le jugement
clinique comme « l'acte intellectuel d'émettre une
appréciation, une opinion, de tirer une conclusion à partir d'un
ensemble de signes et de symptômes se rapportant à l'état
de santé de la personne ». Émettre un jugement
clinique, c'est donc émettre une opinion claire suite à un
processus d'observation, de réflexion et de raisonnement sur les
données recueillies à l'égard du patient.
Un tel jugement nécessite pour le soignant de disposer
des connaissances théoriques et des compétences humaines
nécessaires. Ce dernier doit mettre en éveil tous ses sens, en
vue d'une correcte analyse des besoins à satisfaire chez le patient,
mais aussi d'une plus ample connaissance du sujet. L'enjeu étant
d'adopter une attitude bientraitante envers le soigné.
Dans ses « Recommandations de bonnes pratiques
professionnelles », l'Agence Nationale de l'Évaluation et de la
Qualité des Établissements et Services Sociaux et
Médico-sociaux (ANESM, 2008) définit la bientraitance, au travers
de quatre dimensions, en vue de bâtir un échange relationnel avec
le patient : « La première dimension consiste à observer
les faits en évitant les jugements de
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valeur. La seconde, à reconnaître ses propres
sentiments, ce qui permet à l'interlocuteur de trouver plus facilement
un espace pour exprimer également les siens. La troisième,
d'avoir conscience et d'exprimer ses besoins propres, ce qui facilite aussi la
compréhension des besoins de l'autre. La quatrième enfin, de
savoir formuler sa demande ».
Cette définition nous montre que le mot n'est pas le
seul chemin de toute relation de soin. Avant même d'émettre un
son, il suffit parfois d'observer, d'écouter, et de comprendre, pour
engager une relation solidement basée sur le respect mutuel, la
bientraitance, et un jugement clinique pertinent. C'est
précisément ce jugement qui assurera au soignant la bonne posture
à avoir, avec pour objectif d'entrer en interaction avec le patient et
de communiquer avec lui.
B.1.2. Le modèle de communication
L
e terme « communiquer » provient du latin «
communicare » signifiant « être en commun », «
être en relation ». C'est donc par cette communication que deux
individus entrent en relation. La relation de soin, c'est la rencontre entre un
soignant et un soigné, deux êtres uniques avec leur propre
identité.
Le modèle de communication le plus connu en sciences du
langage est celui de Jakobson (1896-1982). Le schéma de Jakobson (1963)
évoque différents acteurs du langage, à savoir : un
destinateur ou émetteur d'un message, le message en lui-même, le
destinataire ou récepteur du message. Si le récepteur
répond à ce message, il devient alors lui-même
émetteur, c'est-ce qu'on appelle un « feed-back ». A cela
s'ajoute le contexte dans lequel se déroule la communication.
Au modèle de Jakobson découle un modèle
de communication davantage en lien avec la relation de soin, le modèle
psychosocial. Ce dernier considère qu'émission et
réception sont simultanées, en d'autres termes, l'émetteur
est destinateur en même temps que destinataire, et inversement. Ce
modèle s'inscrit dans l'optique où il n'est pas possible de ne
pas communiquer. Même un silence est en soi communication car porteur de
signification pour le récepteur. Ce modèle ne se limite plus
qu'à un seul message, mais bien à de multiples canaux : la
gestuelle, la posture, les mimiques, sont tout autant porteurs d'informations
que les mots.
Chalifour (1999) évoque les techniques de communication
en expliquant que : « dans un entretien, les modes de contacts
permettent à l'intervenant de manifester sa présence et son
intérêt envers le client [...] Ces modes de contact
relèvent de techniques liées à la communication verbale et
non verbale ». Cette définition met en avant deux types de
communication. De manière générale, lorsque l'on entre en
relation avec autrui, 7% de notre communication est verbale - c'est le «
langage de l'esprit » - tandis que 93% de la communication est non verbale
- c'est le « langage du corps ». Ces deux modes de communication sont
systématiquement liés et coexistent en permanence.
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La communication verbale s'exprime par des mots,
c'est-à-dire à un ensemble de sons en vue de transmettre un
message. À ces mots s'associe un sens dénotatif et un sens
connotatif. Le sens dénotatif est le sens propre du mot, sa
signification littérale. Le sens connotatif correspond quant à
lui à la portée émotionnelle du mot. Ce dernier peut faire
résonnance au vécu propre de la personne et ainsi conduire
à des réactions affectives. Une démarche soignante
consiste donc à trouver les mots justes, des mots appropriés
à la situation, des mots qui rassurent.
La communication non verbale s'exprime par le partage
d'éléments traduisant un message, sans emploi de la parole. Elle
se déroule le plus souvent de façon non consciente, et constitue
en ce sens un aspect révélateur de la partie intrinsèque
de la personne. Le langage du corps s'exprime à la fois par le toucher,
l'attitude adoptée, les mimiques faciales, le regard. Ajoutons à
cela la communication paraverbale, composante essentielle de la communication
non verbale. Aux mots s'accorde la voix, révélatrice du contenu
émotionnel de la personne, se traduisant par des vocalisations telles
que le timbre de voix, des pleurs, des soupirs, ou des rires.
En tant que soignant, le manipulateur en
électroradiologie médicale doit être capable de
décoder le langage du patient au-delà de ses mots. Percevoir les
émotions, analyser le ressenti, c'est étayer notre jugement
clinique et ainsi favoriser l'échange avec la personne.
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