A.2. LE PATIENT, UN ÊTRE SINGULIER
A.2.1. Les droits du patient
L
e mot « patient » est classiquement renvoyé
à celui de « personne soignée ». De manière
générale, il s'agit d'une « personne qui présente
un ou plusieurs problèmes de santé pour lesquels elle a recours
aux soins. C'est une personne en perte de santé qui se trouve par son
état dans une situation de dépendance » (Magnon, 2005).
Cependant, avant même d'être sujet de soin, le patient est un
individu humain disposant de droits comme le précise la
Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée en 1948 par
l'Assemblée générale des Nations unies. Du point de vue
patient, il s'agit plus spécifiquement de la Charte Européenne du
malade usager de l'hôpital adoptée
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en 1979 par le Comité hospitalier de la
Communauté Économique Européenne (CEE) relative aux droits
d'accès aux soins dans le respect de la dignité humaine :
« Le malade a le droit d'accès aux services hospitaliers
adéquats à son état ou à sa maladie »
déclare l'article premier.
Plus récente, la loi du 4 mars 2002 est relative aux
droits des malades et à la qualité du système de
santé. La loi du 21 juillet 2009, plus connue sous l'expression «
Hôpital, Patients, Santé et Territoire » (HPST), pose
l'accessibilité aux soins au premier rang des priorités. En
s'attardant sur les problèmes de santé publique, cette
réforme sanitaire vise à placer le patient au coeur du
système de soin. Quant aux situations propres aux malades en fin de vie,
celles-ci sont encadrées par la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui
interdit tout acharnement thérapeutique mais condamne l'euthanasie
active.
Depuis sa création en 1953, le Code de la santé
publique renferme lui aussi de nombreux articles relatifs au droit des
personnes en matière de santé. Il est d'ailleurs
régulièrement actualisé de manière à placer
le patient au coeur de la relation de soin. Au paternalisme médical,
opposant le médecin sachant au patient ignorant, succède une
médecine plus humaine, portée sur la personne.
A.2.2. Individualité et unicité
L
e terme « patient », désignant le
soigné, est dérivé du latin « patiens »
signifiant littéralement « celui qui souffre ». Une
connotation relativement négative qui démontre les besoins en
soin de l'individu. L'essentiel en santé revient donc à
comprendre la norme de vie du sujet, pour mieux restaurer le normal vécu
et éprouvé par le malade.
Canguilhem (1966) conçoit l'état normal et
l'état pathologique à partir d'une compréhension de la vie
comme subjectivité. Ainsi, pour une même pathologie, deux
individus ne réagiront pas de la même façon, selon les
normes de vie qu'ils instituent et hiérarchisent dans leur rapport
à la maladie. Pour déterminer l'état normal ou
pathologique d'un individu, il faut adopter en quelque sorte son point de vue.
À partir de là, le soignant devient apte à évaluer
les besoins insatisfaits chez le patient, afin de prodiguer les soins
nécessaires.
Claude Bernard (1813-1878), médecin et physiologiste
français, a notamment établi que la vie ne réside pas dans
l'organisme, mais dans la relation d'échange et d'ajustement entre, d'un
côté, l'organisme et son milieu intérieur - le milieu
biologique - et, d'un autre côté, le milieu extérieur - le
milieu psychosocial. L'organisme est alors individualité,
c'est-à-dire une totalité, un ensemble, dont les
différentes parties, organes et fonctions du corps sont
interdépendantes les unes des autres. Mais c'est aussi unicité,
car l'individu ne se suffit pas à lui-même, il est reconnu en tant
qu'être humain dans sa relation avec les autres, dans son existence dans
le monde social.
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Svandra (2009) traduit cette pensée en ces termes :
« l'homme est-il son corps ou possède-t-il un corps ?
». Ainsi, « avoir un corps » fait
référence à la partie extrinsèque de la personne,
à son corps biologique, c'est-à-dire à une succession
d'organes mis bout-à-bout pour former un « corps-objet ». A
contrario, « être un corps » fait écho à
la partie intrinsèque de l'individu, à son corps psychosocial,
c'est-à-dire à une personne douée de raison qui constitue
un « corps-sujet ».
L'Homme dans sa globalité n'est pas que chair et os,
c'est avant tout un être qui pense : « cogito, ergo sum »
(Descartes, 1637). Ainsi, la dimension éthique fondamentale du soin
vise à considérer le patient comme un être unique au
croisement des entités physiologiques, psychologiques et sociales.
Prendre en charge un patient, c'est prendre en charge un individu
dépendant et vulnérable. Le soignant doit donc rester attentif
à subordonner l'aspect technique du métier à l'aspect
relationnel, assurant ainsi une approche globale de la personne. Alors que la
technique est un moyen, la relation entre soignant et soigné
apparaît comme une fin en soi.
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