B. LA SIGNIFICATION DE L'HUMOUR
Dans un premier temps, il nous a semblé
intéressant de relever quelles consonances le terme « humour »
avait auprès des soignants. Plusieurs mots ont été
évoqués, ceux-ci sont visibles en Annexe 6 sous forme de
cartographie conceptuelle. Les mots qui ressortent davantage apparaissent au
plus près du mot « humour », tandis que ceux
évoqués le moins de fois sont les plus éloignés. On
dénombre ainsi trente-sept fois « sourire » ;
trente-quatre fois « rire » ; vingt-six fois « joie
» et « bien-être » ; dix-sept fois
« gaieté » ; quinze fois « détente
» ; dix fois « bonne humeur » ; sept fois
« partage » ; six fois « vie » et
« légèreté » ; quatre fois «
blague », « dérision », « moquerie
» et « plaisir » ; trois fois «
complicité », « dédramatisation » et
« convivialité » ; deux fois « bonne
ambiance » et « amour » ; une fois «
humanité » et « communication ».
Par ailleurs, nous noterons que plusieurs individus ont mis en
évidence toute la complexité de l'humour, à la fois comme
émotion et perception, à utiliser « sans porter
préjudice à autrui », de manière «
à alléger certaines souffrances », et constituer un
« antidépresseur » naturel. Il permet
également de « relativiser sur les aléas de la vie
». La distinction entre l'humour et la moquerie est établi de
la manière suivante : « pour certains, c'est une forme de
moquerie qui leur sert à se protéger en attaquant les autres tout
en se cachant derrière un pseudo-humour ; de telle façon à
ne pas être attaqués eux-mêmes ». Nous retiendrons
tout particulièrement la définition « positive »
évoquée de manière générale : «
l'humour, c'est de l'amour avec `hu'milité ».
Pour la quasi-totalité des participants, l'humour fait
clairement partie de leur personnalité. Il est évident que le
contraire aurait été surprenant étant donné que le
questionnaire s'adressait plutôt à ceux déjà
intéressés par le sujet. Il est clairement explicité que
l'humour a toute sa place dans une relation de soin : « Les patients
disent qu'ils sont à l'aise avec moi pendant leurs examens, je sais les
mettre en confiance et les détendre souvent grâce à mon
humour » ; « Je fais de l'humour au quotidien, une
journée sans rire est une journée perdue ». En plus
d'instaurer de la bonne humeur, rire apparaît comme un mécanisme
de distraction auprès des patients, afin qu'ils oublient la raison de
leur venue : « Les patients apprécient ce moment où la
maladie n'est pas évoquée et qu'on les considère comme des
personnes et non des malades. Ils font partie de notre groupe rieur
».
Mais les effets de l'humour ne semblent pas se limiter
à distraire le soigné. L'humour est aussi porteur de message
(« Ça aide à faire passer des infos. Et à oublier
les soucis »), ou encore mécanisme de défense face
à une ambiance parfois pesante et stressante (« Très
souvent j'utilise l'humour comme une parade en moment de stress et/ou pour
installer une ambiance plaisante avec les autres. Il est même très
utilisé pour faire une bonne image de soi »). Certains
soignants mettent en garde sur l'importance d'user de l'humour avec prudence :
« Je l'utilise tous les jours ce qui permet de se détendre,
mais il faut savoir rester professionnel » ; « J'essaie mais
avec parcimonie, trop
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
d'humour tue les effets de l'humour selon moi ».
Cependant, l'employer avec tact ne signifie pas proscrire l'humour dans des
situations qui ne s'y prêtent pas forcément à
première vue. En radiothérapie, faire face à des patients
atteints de cancers n'est pas forcément synonyme de tristesse et
d'échanges accablants : « La p'tite phrase pleine de
fraîcheur et naïveté au beau milieu du contexte lourd de
l'oncologie, ça fait ses preuves. Mais attention, on peut rire de tout
mais ça dépend avec qui. Ceci écrit, j'ai pu me surprendre
à faire rire avec des trucs super noirs et là pour le coup c'est
les patients qui m'ont fait marrer parce qu'ils aiment aussi la
dérision, ça leur permet de dédramatiser ». S'il
semble beaucoup plus difficile de mettre en place l'humour noir auprès
des patients, il a néanmoins sa place dans les soins, à condition
de le manier avec précaution. Étudions désormais plus en
détail les apports de l'humour auprès des patients et des
soignants.
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