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L'humour, inné ou acquis. Vers une formation des manipulateurs en électroradiologie médicale ?

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par Etienne CORDIER
Institut Supérieur Technologique Montplaisir - DTS Imagerie médicale et radiologie thérapeutique 2016
  

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C. L'HUMOUR AUPRÈS DES PATIENTS

Son emploi auprès des patients se fait de manière spontanée pour soixante-dix des soignants (76.9%) et de manière réfléchie pour treize d'entre eux (14.3%), sur les 91 participants (Cf. Annexe 7). Les huit manipulateurs restants ayant apporté une réponse davantage nuancée : « Oui, souvent de manière spontanée en rebondissant sur une phrase ou une piste lancée par le patient. Ou même de façon plus réfléchie avec des jeux de mots ou des blagues liées aux situations que je réutilise fréquemment ».

Pour la majorité des soignants, l'emploi de l'humour - spontané ou non - se fait en fonction du soigné, si l'individu est réceptif ou non à l'humour : « Les patients non réceptifs à l'humour cela arrive. Tout est une question d'observation au départ ». Cela fait partie de la démarche soignante, d'établir un jugement clinique pertinent de la situation de prime abord, pour prévenir une mauvaise utilisation de cet outil. Ne l'oublions pas : « Le but est de détendre la patient tout en essayant de créer une relation sereine et de confiance ainsi que d'apaiser la situation dans laquelle se trouve le patient. Être hospitalisé, être malade, n'est pas quelque chose de `normal' en soi, donc le patient peut avoir besoin de certains `échappatoires' pour penser à autre chose que sa maladie ». L'humour est un de ces échappatoires existant au sein de la relation d'aide (Cf. Annexe 8). En faisant ressurgir notre personnalité propre à travers l'humour, nous favorisons la coopération du patient aux soins qui lui sont prodigués. Ce dernier n'adhère plus à un soin technique, mais à un soin humain avant tout.

Sans poser nécessairement l'humour comme l'instaurateur premier d'une relation entre soignant et soigné, il représente pour la plupart des manipulateurs un moyen de favoriser la confiance avec le patient : « Si le patient aime l'humour il sera forcément plus ouvert avec le soignant et appréciera davantage la prise en charge, donc pour moi une meilleure relation de confiance s'instaure ». Pour résumer, « la confiance, c'est un aspect de l'humour. J'entends souvent de la part de

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gens qui se disent confidents : `Avec elle, je m'entends bien, on peut se marrer de tout'. En fait, ces gens ne rient pas de `tout' comme ils prétendent, mais simplement de ce qu'ils sont en mesure de tolérer ensemble, en confiance ».

Cette relation de confiance, dont l'humour semble être un puissant facteur d'accroissement, concerne aussi bien les nourrissons, les enfants, les adolescents et les adultes. Pour certains, l'humour n'a « pas de limite d'âge, d'origine... il faut juste `sentir' la personne avec qui on manie l'humour ». Pour d'autres, « suivant l'âge de la personne, l'humour est différent » (Cf. Annexe 9). En conséquence, on ne rira pas de la même manière avec un nourrisson qu'avec un adulte. Tandis que le premier sera distrait par la seule manifestation physique de l'humour, le second s'attardera sur un humour verbal plus subtil, davantage porté vers les mots d'esprit. Ainsi, il n'existe pas un protocole de l'humour à adapter pour chaque patient : « C'est surtout la forme humoristique qui doit être adaptée à l'âge ». Si la pratique de l'humour semble modifiée suivant l'âge de la personne, elle varie essentiellement en fonction de la personnalité du patient : « Il n'y a pas de catégories d'âge mais plutôt un état d'esprit » ; « C'est vraiment personne dépendant ».

Considérer l'humour comme dépendant du caractère de l'individu, suppose de détenir des indices permettant de savoir si le patient y est réceptif ou non. Le premier sourire, lors du « bonjour » de bienvenue, constitue l'indice majeur : « Dès le premier bonjour, j'affiche un sourire au patient afin de voir ce qu'il me renvoie à son tour. À partir de ce moment, je suis dans la capacité de me dire si oui ou non je pourrai détendre l'atmosphère en utilisant l'humour » ; « S'il fallait citer un indice : je pense que ce serait le sourire franc. C'est un trait physique qui caractérise de manière simple, et à tout âge de la vie, le bonheur ».

Si la facilité à pratiquer l'humour dans les soins dépend nécessairement du patient, le soignant doit également adopter une attitude propice à sa mise en place : « Je crois qu'on invite aussi à l'humour en fonction de l'attitude que l'on a. Une personne souriante, gaie et prévenante attire ce genre de comportement ». Bien que le sourire constitue un indice important, c'est le ressenti du soignant qui prédomine : « Ça se sent. Ça ne s'explique pas. Une forme de pudeur prend le dessus quand ce n'est pas le moment... et puis une minute plus tard on fait tomber un truc, on feint la chute, on se cogne le nez sur la porte et hop, la braise montre sa fine incandescence. Il faut alors souffler dessus mais pas trop fort juste pour que le feu prenne sans tout éteindre ». Très belle métaphore qui démontre toute la finesse de l'humour. Une délicatesse bien appréciable dans l'univers alarmant de l'hôpital, où tout doit aller le plus vite possible.

L'enjeu de la onzième question du complément d'enquête était de recueillir les avis soignants quant aux possibles effets thérapeutiques de l'humour. Pour certains, l'humour apporte des bénéfices « à tous les niveaux », que ce soit biologique, psychologique ou social. En ce sens, l'humour est synonyme de « bonne santé » : « L'humour est une forme de bien-être, qui par continuité permet d'être heureux... et donc en meilleure santé. Prendre la définition de la santé par l'OMS qui dit qu'être en

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bonne santé, c'est un état de parfait bien-être mental, social, physique et qui ne résulte pas seulement en une absence de maladie. Donc l'humour contribue à être en bonne santé ».

Quelques soignants se montrent malgré tout assez réticents à parler de « thérapie par le rire » : « Je ne sais pas si le rire a un effet thérapeutique, mais je suis convaincue qu'il a un effet antalgique sur tous les types de douleurs (induites, chroniques ou psychiques) » ; « Thérapeutique, je ne sais pas, mais s'il passe un bon moment le temps de leur examen radio, c'est toujours ça de gagné ». L'effet thérapeutique de l'humour ne semble pas direct mais fonctionne au travers du mental du patient et de sa capacité à affronter la maladie : « L'humour peut jouer sur le bien-être mental du patient ; ce qui peut favoriser sa motivation pour suivre un traitement par exemple. Je pense que l'effet thérapeutique est indirect... l'humour ne soigne pas directement malheureusement ». Il semble difficile de guérir uniquement par l'humour, mais il permet vraisemblablement de contribuer à la guérison, ou du moins d'accéder à une vie meilleure, davantage optimiste.

Peut-on parler de psychothérapie humoristique ? Pour la majorité des répondants, l'humour apparaît en tant que moyen thérapeutique, il ne s'agit guère d'une fin en soi (Cf. Annexe 10). On ne se guérit pas par le rire, mais on adopte une attitude positive qui nous conduit sur le chemin de la guérison. Si cette dernière n'est pas possible, l'humour permet de modifier notre regard sur la vie et prendre acte de notre propre finitude avec moins de dramatisme. L'humour prend donc pleinement place au coeur de la relation de soin.

Cependant, certaines barrières rendent sa pratique dans le métier de manipulateur en électroradiologie parfois difficile au quotidien (Cf. Annexe 11). Entre surcharge de travail et manque de temps, tous deux générateurs de stress, le rapport à l'humour est souvent compliqué. Technicité du métier, manque d'expérience et moyens de radioprotection peuvent également faire perdre de vue l'aspect humain et social de notre métier.

Néanmoins, l'emploi de l'humour semble varier principalement en fonction du patient (« L'humour n'a pas vraiment de limite à part la personne en face de vous ») et de la situation. En tant que soignant, nous ne devons pas tenir nos jugements pour acquis. Certaines personnes, gravement malades, semblent détenir une capacité d'autodérision insoupçonnée : « Dans tous les cas, je ne proscrirai pas l'humour. Il faut juste savoir l'utiliser au bon moment. Surtout, il ne faut pas croire qu'une personne souffrant d'une maladie grave n'a pas le droit à recevoir de l'humour. On a tendance à vouloir les prendre en pitié, mais c'est pire. On est parfois surpris de voir ces personnes d'autant plus réceptives à l'humour que d'autres mieux portantes ».

Nous avons étudié les effets positifs apportés par l'humour sur le mental du patient. Pour autant, les soignants ont-ils déjà vécu une situation où l'humour a provoqué des effets négatifs ? (Cf. Annexe 5, Question 14). Si la majorité des manipulateurs répondent « non », la règle d'application est de détecter au travers de notre ressenti la réceptivité du patient au rire : « Je n'ai pas connu d'effet négatif. Par contre des patients ne sont pas toujours sensibles à cet outil, il ne faut donc pas insister ».

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Comment savoir si la personne qui nous fait face ne va pas accueillir chaleureusement notre pointe de jovialité au sein de la froideur de l'hôpital ? « Certains patients ne rigolent pas, ne lèvent pas les yeux, ne répondent même pas. Un moment de solitude pour nous qui arrive quand même très rarement ». En effet, pour certains patients, rire est synonyme de manque de professionnalisme : « Une vielle dame s'est vexée une fois parce que j'ai échangé une blague avec un collègue devant elle. Elle m'avait dit que l'hôpital n'est pas une place pour rire ! ». Pourtant, pratiquer l'humour suppose d'être suffisamment à l'aise dans l'aspect technique du métier pour aller un peu plus loin dans l'aspect humain, et laisser exprimer son propre caractère en vue de personnaliser la relation soignant/soigné : « Il faut travailler sérieusement en vrai professionnel, efficacement et en toute sécurité pour le patient, et l'humour est un petit plus qui peut aider à la réalisation d'un bon examen ».

Parfois, l'humour passe mal. Non pas car il est mal employé, mais parce qu'il est source d'incompréhension. S'installe alors « un gros blanc, puis une relation uniquement de professionnel à patient, sans apparence de personnalité ». Nous pouvons aussi blesser le patient, sans le vouloir, en faisant écho à son vécu personnel : « La boulette, on veut installer l'humour mais on s'engage sur un terrain glissant peu propice au patient (un décès récent, un patient dépressif où tout sera mal interprété, un thème sensible, etc.) ». Tout n'est que question d'adaptabilité : « J'ai déjà ressenti une petite gêne parce que j'avais mal dosé mon humour et que la personne n'était pas réceptive. Mais il faut savoir reprendre le dessus, et amener les gens à se sentir bien en modifiant notre approche ». Nous faisons tous des erreurs. L'essentiel est de s'en rendre compte, de les surpasser et d'en tirer profit pour éviter de les reproduire. N'est-ce pas là la définition d'un professionnel compétent ?

Au final, apporter un court instant de bonheur au patient, ne serait-il pas l'expression d'une satisfaction personnelle ? Quelle meilleure récompense pour nous, soignants, que d'être « souvent remerciés pour une petite parenthèse rieuse dans un tourbillon de vie pluvieuse » ?

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote