B. L'HUMOUR, VALEUR PERSONNELLE ET PROFESSIONNELLE
La deuxième partie des questionnaires consiste à
évaluer l'humour au travail (Cf. Annexe 3). Afin de simplifier
la comparaison entre soignants et étudiants, nous avons regroupé
sur un même diagramme les résultats de chacun de ces deux groupes.
Avant toute chose, il était important de savoir si l'humour constituait
pour la plupart une caractéristique majeure de la personnalité
(Cf. Annexe 3, Question 1). Diplômés et non
diplômés semblent s'accorder sur le fait que l'humour fait «
modérément » (51% en moyenne) voire «
énormément » (42% en moyenne) partie de leur
caractère. Seuls trois soignants (0.5%) et un étudiant (0.2%)
déclarent ne pas avoir l'humour comme attribut dominant de leur
tempérament. De la même manière, l'usage de l'humour dans
leur profession semble « assez important » pour 54.9% des soignants
et 66.2% des étudiants ; voire « très important » pour
38.2% des manipulateurs et 22.6% des apprentis (Cf. Annexe 3, Question
2). Deux soignants (0.3%) et deux étudiants (0.5%) seulement
considèrent l'humour comme « pas important » au sein de
l'environnement médical.
Après avoir abordé les perceptions quant
à l'usage de l'humour au travail, il convient d'analyser
concrètement son emploi au quotidien dans la vie professionnelle.
Concernant l'usage de l'humour auprès des patients, cela ne semble pas
se faire en systématique (Cf. Annexe 3, Question 3). Même
si l'humour est pour la plupart des soignants « souvent »
utilisé dans la relation avec le soigné (62.9%), il n'en reste
pas moins que seuls 7.5% des sondés déclarent l'utiliser «
tout le temps ». À l'inverse, uniquement sept manipulateurs (1.1%)
disent ne « jamais » pratiquer l'humour avec leurs patients. En
comparaison, les étudiants semblent davantage partagés entre une
pratique récurrente de l'humour (45.7%) durant leurs stages, et une
pratique occasionnelle (48.2%). Ces résultats peuvent possiblement
s'expliquer par le manque d'expérience des étudiants.
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Qu'il s'agisse de manipulateurs diplômés ou non,
la pratique de l'humour dans les soins semble varier suivant l'âge des
patients (Cf. Annexe 3, Question 4). En effet, 94.4% des soignants et
88.1% des étudiants font usage de l'humour auprès des adultes ;
tandis que seuls 5.5% des professionnels et 4.4% des apprenants le font
auprès des nourrissons. De même, soignants et étudiants
s'accordent à dire que nous avons moins tendance à rire avec les
enfants (51.3% et 44.0% respectivement) ou les adolescents (48.5% et 47.9%
respectivement), qu'avec les plus âgés. Dans tous les cas,
l'humour semble « parfois » initié par le patient
lui-même pour 76.3% des soignants et 63.0% des étudiants (Cf.
Annexe 3, Question 5). Ces derniers déclarent même que
l'humour est « souvent » mis en place dans la relation de soin (20.9%
des et 33.8% respectivement). Les extrêmes sont rares : seuls huit
professionnels (1.2%) et neuf apprenants (2.2%) déclarent l'humour comme
« tout le temps » initié par le patient, tandis que dix
manipulateurs (1.6%) et quatre étudiants (1.0%) considèrent qu'il
n'est « jamais » introduit par le soigné.
À la vue de ces premiers résultats, il nous a
semblé judicieux de savoir si la personnalité de l'individu
influe sur sa relation avec le patient dans son travail. En d'autres termes, un
soignant avec un caractère jovial au naturel est-il
prédisposé à pratiquer l'humour dans les soins ? Poser
l'humour en tant que valeur personnelle fondamentale revient-il
nécessairement à l'introduire en tant que valeur professionnelle
indispensable à notre pratique ? Pour tenter de répondre à
ces questions, nous avons croisé les données « soignant
» sur l'humour comme caractéristique majeure du sujet en
ordonnée, en fonction de la fréquence à employer l'humour
avec le patient en abscisse (Cf. Figure I).
Énormément Modérément Pas vraiment
Pas du tout
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87.5%
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
Source : L'auteur
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50.4%
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15.3%
14.3%
12.5%
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47.4%
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70.5%
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42.9%
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0.0%
2.0%
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13.7%
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28.6%
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0.0%
0.2%
0.5%
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14.3%
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Figure I. L'humour, valeur personnelle et
professionnelle
Ce graphique démontre clairement qu'un soignant qui
décrit l'humour comme une valeur faisant « énormément
» partie de sa personnalité, l'utilise « tout le temps »
dans les soins qu'il prodigue (87.5%). Par contre, l'inverse n'apparaît
pas aussi formel. Si l'on constate bien que seules les personnes qui n'ont
« pas du tout » un caractère comique tendent à ne
« jamais » pratiquer l'humour
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dans un contexte de soins (14.3%), il n'en reste pas moins que
tous autant déclarent ne « jamais » l'employer avec les
patients alors que l'humour fait « énormément » partie
de leur caractère (14.3%).
Cela est donc relativement surprenant : poser l'humour comme
valeur personnelle essentielle ne suppose en aucun cas l'employer dans sa
pratique. Cependant, ne pas considérer l'humour en tant que trait de
notre caractère, implique nécessairement que l'humour ne peut
être posé comme valeur professionnelle. À la suite de ce
graphique, nous en arrivons à la conclusion suivante : on peut aimer
rire dans sa vie personnelle, sans pour autant rire dans sa vie professionnelle
; mais il paraît plus qu'improbable de rire dans notre profession, si
nous ne sommes pas déjà prédisposés à
l'humour dans notre vie privée. L'humour, avant même d'être
une valeur professionnelle, se pose donc comme une valeur personnelle. À
nous, soignants, d'entretenir ce trait de caractère, puis de faire le
choix de le mettre ou non en pratique dans notre métier.
Mais l'emploi de l'humour ne se fait pas qu'auprès des
patients. Rire au travail, c'est aussi rire avec ses collègues.
Près de la moitié des soignants (46.6%) déclarent utiliser
« tout le temps » l'humour avec leurs collègues de travail
(Cf. Annexe 3, Question 6). Presque autant (44.1%) tendent à
« souvent » l'adopter et uniquement deux manipulateurs (0.3%) ne le
manient « jamais ».
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