PARTIE I. CADRE THÉORIQUE
CHAPITRE 1. LE SOIN OU L'HISTOIRE D'UNE RELATION
A. LE SOIN
A.1. LE CONCEPT DU SOIN
A.1.1. La santé
A
vant même de définir la santé, il
paraît important de s'attarder quelques instants sur la définition
d'un concept, terme que l'on retrouvera maintes fois tout au long de notre
cadre théorique. D'après Raynal et Rieunier (1997), le concept
est « une idée générale et abstraite,
attribuée à une catégorie d'objets ayant des
caractéristiques communes et permettant d'organiser les connaissances
».
La santé est un de ces concepts qui a subi de
nombreuses évolutions au cours du temps, modifié selon les normes
sociales en vigueur dans le pays. Autrefois assimilé à «
la vie dans le silence des organes » (Leriche, 1936), le concept de
santé était alors considéré en France comme un
simple état contraire à la maladie. Cet aspect sanitaire a alors
pris une plus grande ampleur dès lors que l'aspect sociétal s'en
est mêlé. Alors que l'individu malade réclame seulement le
rétablissement de son état de santé, l'individu sain
demande quant à lui le maintien de sa bonne santé. Le concept de
santé a alors pris des orientations plus larges, non plus seulement
limité aux individus malades mais bien comme un droit fondamental dont
dispose tout citoyen : l'accès aux soins pour tous.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 1946)
définit la santé comme un « état de complet
bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité ». Cette définition
met en avant le modèle d'être « biopsychosocial
» (Engel, 1977). En effet, trois dimensions font de l'Homme cet
être si singulier et comparable à aucun autre animal : une
dimension physiologique, une dimension psychologique et une dimension
sociale.
Ce qui distingue l'Homme de l'animal est sa dimension
psychosociale. Cette dernière fait référence à ce
qu'on appelle communément la nature humaine. Dire que l'Homme n'est pas
un animal, c'est insister sur les spécificités de l'être
humain à l'égard des autres animaux. Pour Kant (1785), cette
distinction s'établirait sur la dignité humaine. L'Homme ne peut
jamais être utilisé simplement comme
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
un moyen mais toujours comme une fin en soi, et c'est
précisément en cela que consiste sa dignité : «
Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais
simplement comme un moyen » résume l'impératif
catégorique kantien.
Cependant, pour en revenir à la définition de la
santé par l'OMS, l'aspect d'un « état de complet
bien-être » peut poser un problème d'interprétation.
En effet, n'est-il pas utopique de penser que les entités biologiques,
psychologiques et sociales puissent être en parfaite harmonie ? Peut-on
dès lors affirmer avoir été, au moins une seule fois dans
notre vie, en bonne santé ?
La charte d'Ottawa (1986) développe ainsi une
conception plus récente de la santé qui permet de corriger cette
lacune : « La santé est l'équilibre et l'harmonie de
toutes les possibilités de la personne humaine. Ce qui exige, d'une
part, la satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme qui sont
qualitativement les mêmes pour tous les êtres humains, d'autre
part, une adaptation sans cesse remise en question de l'homme à un
environnement en perpétuelle mutation ». Ne se limitant plus
à une définition restreinte et étriquée, nous
sommes parvenus à poser la santé comme une ressource
indispensable de la vie quotidienne nous permettant d'agir et d'évoluer
dans notre milieu social.
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