B. PRÉDISPOSITIONS, LIMITES ET CONTRAINTES
B.1. LES PRÉDISPOSITIONS À SON
UTILISATION
B.1.1. Le contexte des soins
L'
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humour est fonction de la situation. Avant toute pratique de
l'humour, le soignant doit se poser les bonnes questions au préalable :
« Où ? » ; « Quand ? » ; « Comment ? ».
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Faire preuve de bon sens professionnel quant à l'usage
de l'humour, c'est donc identifier au préalable les circonstanciels de
lieu, de temps, et de moyen. Patenaude (2006) nous confie : «
Introduire
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l'humour est fonction de saisir le bon moment et de
relever des indices, d'évaluer la situation. La notion de timing est
jugée essentielle ». Le jugement clinique - d'autant plus
affuté avec l'expérience - est donc indispensable en vue
d'employer l'humour dans la démarche soignante. Le praticien analyse la
situation afin de décréter si cette dernière est propice
ou non à l'utilisation de l'humour.
Pour Patenaude (2006), il existe un réel aspect
contextuel de l'humour : « La majorité des études
recensées concluent que l'humour dans les soins est contextuel,
situationnel et spontané. Il surgit de situations ordinaires,
inspiré par les circonstances du moment, des interactions. [...] Cet
humour peut être léger et pétillant ou plus éclatant
mais s'accorde avec la situation des soins ».
Cependant, un humour spontané suppose malgré
tout un jugement clinique pertinent. Ce n'est pas parce que l'humour est
qualifié de « spontané », qu'il n'est pas
raisonné, bien au contraire. Mais ce raisonnement porte sur la situation
et non sur l'intention de faire rire. Une nuance subtile qui a pourtant toute
son importance. Observer, écouter, analyser la situation apparaissent
donc comme des outils fondamentaux quant à l'usage de l'humour dans les
soins.
B.1.2. Le soignant, facteur d'expression de
l'humour
L'
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humour est fonction du soignant. Derrière la blouse
blanche, il y a un individu doté de capacités intellectuelles,
émotionnelles et humaines. L'utilisation de l'humour dans
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les soins - nous ne parlons pas d'un humour agressif et
inadapté, bien entendu - est une preuve d'empathie. Rire avec autrui
suppose avant tout de le comprendre. Pour Patenaude (2006), l'empathie est
« un pré requis pour utiliser l'humour dans le contexte des
soins : ressentir comment les gens se sentent, être instinctivement sur
la même longueur d'onde et introduire l'humour avec soin ».
Voilà toute la complexité de l'humour : renforcer la relation de
soin au plus intime, sans pour autant la compromettre par l'expression
extérieure de nos propres sentiments.
Considérer le soignant en tant que facteur d'expression
de l'humour, c'est admettre sa singularité. « Certaines
conditions sont susceptibles d'influencer l'utilisation de l'humour et ses
effets. Ce sont l'intuition et la sensibilité, le jugement,
l'expérience, la personnalité et l'attitude envers l'utilisation
de l'humour dans la pratique professionnelle » (Patenaude, 2006).
Ainsi intervient la notion d'inné ou d'acquis au sujet de l'humour. Il
paraît réaliste de concevoir la personnalité du soignant
comme indissociable de la fréquence d'utilisation de l'humour. En effet,
il est évident que tous les soignants n'utilisent pas forcément
l'humour dans leur vie personnelle ou professionnelle, en tant qu'acteur ou
spectateur du comique. Dans cette optique, l'humour apparaît comme une
disposition individuelle variant d'un individu à l'autre. Existerait-il
une prédisposition naturelle à l'humour ?
Freud (1927) affirme que « les personnes ne sont pas
toutes capables d'adopter une attitude humoristique ; c'est un don rare et
très précieux. Or il y a des personnes qui ne disposent ni de
la
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capacité de s'amuser, ni de celle de profiter des
plaisirs humoristiques qui leur sont proposés ». Certains
aspects de notre personnalité semblent donc inscrits dans notre
patrimoine génétique. En ce sens, faire usage de l'humour
n'est-il pas un instinct naturel de l'Homme ?
Pourtant, la question de l'acquis ne doit en aucun cas
être ignorée. Ne serait-ce pas notre éducation, notre
culture, notre milieu social, notre environnement, qui définiraient
notre joie de vivre ? Les valeurs morales qui nous ont été
inculquées dès notre plus jeune âge influencent
considérablement notre pratique de l'humour. Dans notre enfance, nous
avons pu être réprimandés par nos parents lorsque nous
rions d'une situation alors que le moment était inapproprié. Nous
avons donc appris à rire, et plus encore, à déterminer
à quel moment nous pouvions rire.
Base héréditaire ou facteur environnemental ? Si
l'humour est un comportement à forte composante innée, son usage
et sa possible adaptation selon le contexte de soins semblent aussi
résulter de l'apprentissage et de l'expérience. Sans donner
réponse à ce débat entre inné ou acquis, le
soignant qui pratique l'humour doit le faire dans le respect d'autrui.
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