A.2.3. Une preuve d'humanité
P
our Patenaude et Hamelin Brabant (2006), l'humour serait un
moyen de « s'évader de la réalité
hospitalière et de créer un climat social. Il allège le
poids associé à la maladie critique, les traumatismes et la mort.
C'est une façon d'y faire face et de s'élever au-dessus ».
Ce terme « s'élever au-dessus », revient
à faire abstraction pendant un court instant des complications qui
gravitent autour de nous, afin de continuer à vivre pleinement et faire
de ce petit instant de joie le moyen d'expression de notre humanité
propre.
Rubinstein (1983) fait d'ailleurs le lien entre rire et
accomplissement de soi : « il n'est pas indifférent de savoir
qu'il existe une relation entre le rire et le succès, pas
obligatoirement la richesse et le succès social, mais à coup
sûr le succès dans la réussite de sa vie, dans
l'accomplissement de sa destinée ». Or, le bonheur de chacun
ne passe-t-il pas à travers un épanouissement personnel ? En ce
sens, l'humour et le rire ne seraient-ils pas une des clefs du bonheur ?
Le rire se partage. Un soignant qui rit, c'est un soignant
davantage humain, porteur d'émotions. Pratiquer l'humour revient
à faire tomber la blouse blanche qui parfois s'interpose dans notre
rapport avec le patient. Pour Patenaude (2006), « L'humour peut
créer un sentiment de rapprochement entre les infirmières et les
patients et aplanir la hiérarchie ». La relation de soin en
devient alors plus personnelle, plus humaine. En adoptant une attitude
humoristique, nous mêlons à l'aspect technique du métier la
preuve d'une profonde humanitude. Selon Rubinstein (1983), « toute
occasion est bonne, tout rire gagné est favorable. Si l'on creuse sa
tombe avec ses dents, chaque éclat de rire retarde le moment où
la fosse sera prête ». Quelle citation pleine de vie !
Voilà peut-être l'essence même de l'humour : vivre
pleinement. Tout simplement.
En tant qu'outil de communication, l'humour assure donc un
soin davantage personnel, humain, à l'image de celui qui le prodigue. Se
restreindre à un soin purement technique, c'est ignorer l'être
humain que nous sommes et celui qui est face à nous. En tant que
soignant, il ne s'agit pas de faire subir la relation de soin au patient, mais
de la personnaliser, de la rendre moins protocolaire, et avant toute chose, de
la rendre pleine de vie et d'espoir. L'espoir de vivre - ou en tout cas, d'un
retour à l'état antérieur - est certainement la
première étape dans le long chemin de la guérison.
29
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
A.2.4. Une technique de distraction
F
ace à une situation qui peut paraître
gênante, inconvenante, désagréable, le patient reste peu
enclin à la réaliser. Dès lors, le soignant use de
l'humour et du rire pour lui faire penser à autre chose, plus joyeux. Le
rire détourne le soigné de ses préoccupations principales
: « Rien ne désarme comme le rire » (Bergson, 1900).
Le soigné vise alors un objectif différent : non plus ne pas
réaliser le soin par anxiété, mais une volonté de
vivre ce moment de rire. Or, cet instant présent de gaieté ne
peut être envisagé que par le partage d'une expérience
commune avec le soignant. Il prend alors part inconsciemment à la
volonté soignante de réaliser le soin.
Un des apports fondamental de l'humour dans la relation de
soin est donc de mettre à l'aise le patient. Ce dernier est
projeté dans un lieu qui lui est inconnu, pour confier ses
problèmes les plus personnels face à un étranger, en un
laps de temps très court. Quel exercice difficile ! À nous
soignants, de le faciliter en apportant un peu de légèreté
pour détendre une atmosphère parfois tendue.
Cette technique de distraction permet aussi au soignant de se
recentrer sur la finalité première de son métier :
répondre aux besoins du patient. Tout au long de notre profession, nous
répétons parfois les mêmes gestes, les mêmes paroles,
à tel point que cela en devient même mécanique. La
banalité du geste tend parfois à nous faire oublier que
derrière la chemise d'hôpital, il y a un être humain, en
proie aux doutes, à l'anxiété, à la peur de ce qui
va lui arriver. Pour Patenaude (2006) : « Si la situation est
difficile, embarrassante, gênante, l'humour aide l'infirmière, le
patient ou les deux à y faire face, et devient une forme de soutien au
patient ». Faire rire le patient, permet donc de le conditionner de
telle manière à ce qu'il soit plus coopérant dans les
soins. Mais c'est aussi un moyen de se repositionner en tant que soignant, et
de se remettre en question sur notre pratique.
Bref, distraire, c'est mettre en place une
légère touche d'humour dans notre prise en charge du patient de
manière à la faciliter. Des petites attentions, des petits
sourires, des petits rires partagés, synonymes d'une entre-aide mutuelle
soignant/soigné : « rire avec quelqu'un [...] c'est le faire
entrer dans un réseau de solidarité, d'amitié et de
confiance » (Rubinstein, 1983).
|