IV. A PROPOS DE MA PLACE SUR LE TERRAIN
22 Veau ou agneau élevé en plein air nourri
au lait maternel et au pâturage. Ici, il s'agit d'un agneau.
24
Au début de mon travail de terrain, je n'avais
qu'une connaissance vague du sujet bien que originaire de l'Ariège, mais
n'y vivant plus depuis six ans, j'avais certes quelques notions ou
prénotions sur le sujet mais pas de réelles convictions. Ainsi,
tout au long de mon travail, je me suis demandé si je n'étais pas
de parti pris et comment faire pour ne pas l'être alors que j'ai
principalement réalisé mon terrain dans un « camp »,
celui des opposants au projet de réintroduction, et que mon père
est éleveur, bien que non directement concerné, car il a son
exploitation dans les piémonts pyrénéen et n'est pas
victime de prédations d'ours sur son troupeau. Cela a été
une de mes principales préoccupations et j'espère y être
parvenue au moins en partie.
C'est en tant que fille d'éleveur et
«belle-fille » d'un membre de l'Aspap que je suis entré sur le
terrain. Ceci a été a été un atout pour être
plus facilement en contact avec les adhérents et obtenir des rendez-vous
pour des entretiens, car j'ai été perçue comme
étant, au moins partiellement, de leur monde, comme quelqu'un du coin et
donc à même de comprendre leur démarche. Cela m'a
probablement conféré une certaine légitimité
à m'intéresser à leurs activités et, si ce n'est le
statut d'alliée, cela a du moins certainement levé la suspicion
sur une éventuelle appartenance au « camp adverse ». J'ai
notamment pu le remarquer avec un des éleveurs interviewés, son
visage s'est illuminé et son ton est devenu de suite plus amical quand
je lui ai dit de qui j'étais la fille. Peut-être ne m'aurait-il
pas dit exactement les mêmes choses si cela n'avait pas été
le cas.
J'ai rencontré chez les personnes
interviewées et notamment chez ceux qui ont subi des dégâts
d'ours, une réelle envie de communiquer à ce sujet car ces
personnes ont le sentiment de n'être ni entendues ni comprises par
l'État et par le reste de la société. Comme M. Joly qui me
dit à la fin de l'entretien qu'il n'a pas perdu son temps parce que les
informations qu'il m'a apportées je ne les aurai pas eues ailleurs. Je
suis donc perçue, me semble-t-il, comme quelqu'un qui va pouvoir
diffuser leur parole, ou du moins je suis une personne qui va écouter
leur point de vue, qui va pouvoir les comprendre. Jean, lui, m'a dit à
propos de la difficulté de trouver des créneaux pour rencontrer
les gens que ce n'est pas qu'ils ( les éleveurs de l'Aspap) ne veulent
pas communiquer, et même au contraire, mais trouver un moment dans leur
emploi du temps pour le faire, est parfois difficile. Donc malgré
quelques difficultés parfois pour les rencontrer, toutes les personnes
interviewées l'ont fait volontiers.
Les refus que j'ai eus étaient plutôt le
fait de personnes favorables à la réintroduction comme ce berger,
ami d'une personne rencontrée au colloque de Luchon, qui a refusé
de me rencontrer. Et cette jeune bergère également qui aurait
d'ailleurs croisé l'ours sur l'estive où elle garde un
troupeau
et que j'ai tenté de contacter sans recevoir de
réponse. Ces refus s'expliquent certainement en partie par le fait
qu'« être favorable à l'ours » quand on fait parti du
monde agro-pastoral, c'est faire partie d'une minorité et ce n'est donc
pas toujours facile à vivre et à exprimer
ouvertement.
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