E. Des discours scientifiques légitimant la logique
de l'opposition
*Nicolas , biologiste et spécialiste des
écosystèmes montagnards
58 Comme le paysage et les espèces
domestiques.
59 Cette association a été récemment
le sujet d'une polémique entre «pro » et « anti-ours
». En effet l'ASPP 65 a reçu un agrément
départemental qui en fait une association de protection de
l'environnement et à ce titre, sa présidente Marie-Lise broueilh
a été nommée au conseil d'administration du Parc National
des Pyrénées. Cela n'a pas manqué de susciter des
réactions de la part d'autres associations environnementalistes qui se
sont insurgés contre le fait qu'une « militante anti-ours »
puisse siéger à ce conseil d'administration. Finalement, sa
nomination aurait été annulée.
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Il s'agit d'un naturaliste en lien avec le monde
pastoral60. Lorsqu'il travaillait au sein de l'association des
pâtres il intervenait dans la formation des bergers pour leur donner des
cours sur la flore de montagne in situ,
c'est-à-dire sur l'estive. Lors des Pastoralies, il est intervenu sur le
forum intitulé: « Pour une biodiversité à visage
humain »et il a animé des balades pédagogiques d'initiation
à la botanique. Il estime que le pastoralisme est plus
générateur de biodiversité que l'ours. Ou du moins que la
disparition du pastoralisme entraînerait la disparition d'un certain type
de milieu et des espèces qui y sont liées61. Il met
également en avant le fait que la biodiversité ce n'est pas
seulement les espèces sauvages, mais que cela peut être aussi des
espèces domestiques. Les discours tenus par Nicolas, qui est un
scientifique reconnu permettent à l'Aspap d'apporter une
légitimation à son point de vue à ce sujet.
« La biodiversité [...] ça peut
être aussi la diversité des animaux domestiques, des plantes
domestiquées par l'homme et des diversités
générées par l'homme »
« Si demain il n'y a plus que des ours dans les
Pyrénées et que le pastoralisme a été
anéanti [...] ça veut dire qu'il y aura une forêt uniforme
jusqu'à l'altitude de 2400m [...] cette uniformisation et surtout cette
disparition des pelouses sub-alpines et des étages montagnards
amènera la disparition de centaines d'espèces qui sont
aujourd'hui endémiques, c'est-à-dire qu'on ne trouve que dans les
Pyrénées [...] derrière ces centaines d'espèces
végétales y'a des écosystèmes entiers qui sont
voués à la disparition [...] ce ne sont pas seulement des
plantes, ce sont aussi des mousses, ce sont des lichens, ce sont des
invertébrés, ce sont des micro-mammifères, ce sont des
champignons, ce sont des bactéries, imaginez-vous que dans un
centimètre cube de terre on trouve jusqu'à deux cents millions de
bactéries, ça va pas disparaître, ça va être
modifié, je dis pas que ça va être moins bien, je dis que
ça va être moins riche, [...] il y a des cortèges entiers
d'espèces inféodées spécifiquement aux
écosystèmes pastoraux qui seront voués à la
disparition totale, irrémédiable ».
*Bruno Besche-commenge, « ethno-historien des
usages pastoraux62 »
60 Voir portrait en page 17.
61 Certains auteurs ont également un avis proche
sur ce point, comme Jean-Claude Duclos et Marc Mallen (1998): « La
spécialisation technique des éleveurs et l'altération des
savoir-faire pastoraux traditionnels, d'une part et, d'autre part, la
montée en puissance des lobbies environnementaux, peuvent laisser penser
que l'exploitation pastorale des alpages est aujourd'hui néfaste au
maintien de la biodiversité en montagne. Or il apparaît nettement
que ce n'est pas la pratique de la transhumance qui doit être mise en
cause mais un ensemble de faits, liés à la baisse sensible de la
pression pastorale sur l'ensemble des Alpes du sud, à la perte des
anciennes pratiques pastorales, mais aussi à des clivages intellectuels
et sociétaux d'autant plus profonds que ceux qui les dénoncent
n'ont aucun moyen de se faire entendre ».
62 C'est ainsi qu'il est présenté sur le
site internet de l'ASPP 65.
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Il est plus investi dans l'association que Nicolas, son
rôle y est plus actif. Il a mis ses compétences au service de
l'Aspap. Et pour lui, c'est normal de le faire puisqu'il a déjà
« les pieds dedans » comme il dit. Au cours de ses travaux de
recherches antérieurs, il a réalisé des études sur
les savoirs agro-pastoraux et sur la vie pastorale dans les montagnes
pyrénéennes dans une perspective contemporaine et historique. Il
a réalisé ses propres recherches à propos du programme de
réintroduction, notamment pour savoir comment se passent les
réintroductions d'ours dans d'autres pays européens; et pour voir
si c'est comparable avec ce qui se passe dans les Pyrénées autour
des réintroductions. Il se dit, comme d'autres membre de l'Aspap,
engagé dans un combat et le but de ses investigations est principalement
de contrer l'argumentation des défenseurs de la
réintroduction63 et dénoncer ce qu'il considère
comme étant la « manipulation inquiétante » d'un vrai
problème: l'écologie. Et c'est ce qu'il fait dans un bilan de
quarante pages publié par l'ADDIP,64. Le premier
éleveur que j'ai interviewé m'en a donné un exemplaire, et
par la suite, deux autres des éleveurs que j'ai rencontrés avait
prévu de m'en donner un aussi lors de l'interview. Ce qui en fait, je
pense, un document essentiel de communication et de légitimation du
discours de l'association. Bruno Besche-Commenge a tissé avec d'autres,
peu à peu, un réseau qui couvre toute la chaîne
pyrénéenne et même au delà. Il est en lien avec de
nombreuses personnes et notamment avec Marie-Lise Broueilh, docteur en
sociologie et présidente de l'ASPP 6565.
Ces deux personnalités reconnues du monde
agro-pastoral ariègeois permettent une légitimation, une
justification scientifique de la logique du discours de l'association. De plus,
l'Aspap comprend un certain nombre d'éleveurs ayant fait des
études supérieures, notamment parmi les néo-ruraux, comme
Laurent par exemple qui a une formation d'architecte.
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