D. De la redéfinition de certains termes « en
vogue ».
Depuis quelques années, on voit fleurir un peu
partout dans les médias, dans les propos des politiciens et dans des
projets de développement du territoire des termes tels que
développement durable, sauvegarde du patrimoine naturel, sauvegarde de
la biodiversité. Ces termes vont de pair avec une façon actuelle
de concevoir l'économie et l'écologie au sein de notre
société. Dans les écrits et les discours tenus par les
militants de l'Aspap57, ces termes prennent une signification qu'ils
adaptent à leurs revendications et à leur situation. Ainsi ils
cherchent à justifier leur positionnement, ce qu'ils défendent,
comme étant dans la droite ligne des politiques publiques actuelles,
à une échelle nationale voire internationale et qui sont mises en
oeuvre dans différents domaines de la vie sociale. Ils cherchent ainsi
à démontrer ce qu'ils estiment être le caractère
contradictoire du projet de réintroduction.
En réutilisant ces termes, ils veulent montrer aux
politiciens et aux personnes qui sont à l'origine du projet de
réintroduction qu'il y a une contradiction entre ce que ce projet induit
sur le terrain et d'autres politiques à l'oeuvre, notamment dans le
domaine agricole. Comme par exemple la prise de conscience du fait que
l'agriculture telle qu'elle est pratiquée depuis des décennies
est destructrice de la nature; et le fait qu'actuellement il est question de
modifier ces pratiques pour mettre en place une agriculture plus «
raisonnée ».
C'est ainsi que le terme « écologiste »,
censé désigner des personnes soucieuses de l'environnement et qui
par exemple soutiennent des projets de sauvegarde d'espèces
menacées, est repris à leur compte par les opposants au projet de
réintroduction. Les écologistes, ce sont eux, puisqu'ils ont des
pratiques extensives respectueuses de l'environnement et qu'ils estiment
être en accord les projets politiques mis en place en terme de
développement durable.
En ce qui concerne le terme biodiversité, ils en
ont une version qui s'adapte à leur point de vue. Biodiversité
signifie: « diversité biologique », c'est à dire que
tout organisme si petit soit-il participe à la biodiversité.
Quand on parle de « sauvegarde de la biodiversité », cette
expression reste vague, car c'est là une question de choix et de
priorité donnée à telle ou telle
espèce.
« Ces écologistes intégristes quand
ils ont trois mauvaises herbes dans leurs carottes dans
57 Voir à ce propos l'extrait du discours de Bruno
Besche-Commenge lors de la manifestation du Val d'Aran en page 12
72
leur jardin ils les enlèvent et pourtant les
mauvaises herbes ça fait aussi partie de la biodiversité...
» (Jean).
Ce que l'Aspap revendique, c'est que les espèces
domestiques qui participent aussi à la biodiversité et sont donc
susceptibles d'être autant, voire plus prioritaires pour être
sauvegardées que les espèces sauvages telles que l'ours. C'est
ainsi que l'on retrouve dans les deux camps des gens qui se disent «
écolos » et voulant sauvegarder la biodiversité des
Pyrénées.
Dans le même ordre d'idées, les deux camps
disent vouloir mettre en place un projet de développement durable pour
les Pyrénées. Les noms des associations témoignent: d'un
côté il y a l'Association pour le Développement Durable de
l'Identité Pyrénéenne (ADDIP), qui souhaite
défendre l'avenir des éleveurs et d'un certain tourisme, et de
l'autre, il y a l'Association pour le Développement Économique et
Touristique (l'ADET) qui dit également mener un projet de
développement durable pour les Pyrénées, notamment par la
création de « labels ours ».
Il y a aussi la notion de patrimoine naturel, dont les
deux camps revendiquent la sauvegarde. Mais l'Aspap a ajouté une nuance
en précisant que le patrimoine dit « naturel » est en fait
pour eux quelque chose de culturel. Une fois de plus, la composante humaine est
mise au premier plan. C'est un patrimoine culturel qu'il veulent sauvegarder
mais avec des composantes « biologiques »58 dont ils
estiment qu'elles sont le fruit d'un travail de transformation par les hommes.
Là aussi, les noms des associations montrent que c'est leur version de
ce qu'est le patrimoine local qu'il veulent préserver: Aspap signifie:
Association pour la sauvegarde du Patrimoine Ariège
Pyrénées. L'association qui est l'équivalent de l'Aspap
pour les Hautes-Pyrénées a quasiment le même nom: ASPP65,
c'est à dire Association pour la sauvegarde du Patrimoine
Pyrénéen59.
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