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Réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Discours, représentations et processus d'entrée en résistance.

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par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 1 Anthropologie Sociale et Historique 2009
  

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D. De la redéfinition de certains termes « en vogue ».

Depuis quelques années, on voit fleurir un peu partout dans les médias, dans les propos des politiciens et dans des projets de développement du territoire des termes tels que développement durable, sauvegarde du patrimoine naturel, sauvegarde de la biodiversité. Ces termes vont de pair avec une façon actuelle de concevoir l'économie et l'écologie au sein de notre société. Dans les écrits et les discours tenus par les militants de l'Aspap57, ces termes prennent une signification qu'ils adaptent à leurs revendications et à leur situation. Ainsi ils cherchent à justifier leur positionnement, ce qu'ils défendent, comme étant dans la droite ligne des politiques publiques actuelles, à une échelle nationale voire internationale et qui sont mises en oeuvre dans différents domaines de la vie sociale. Ils cherchent ainsi à démontrer ce qu'ils estiment être le caractère contradictoire du projet de réintroduction.

En réutilisant ces termes, ils veulent montrer aux politiciens et aux personnes qui sont à l'origine du projet de réintroduction qu'il y a une contradiction entre ce que ce projet induit sur le terrain et d'autres politiques à l'oeuvre, notamment dans le domaine agricole. Comme par exemple la prise de conscience du fait que l'agriculture telle qu'elle est pratiquée depuis des décennies est destructrice de la nature; et le fait qu'actuellement il est question de modifier ces pratiques pour mettre en place une agriculture plus « raisonnée ».

C'est ainsi que le terme « écologiste », censé désigner des personnes soucieuses de l'environnement et qui par exemple soutiennent des projets de sauvegarde d'espèces menacées, est repris à leur compte par les opposants au projet de réintroduction. Les écologistes, ce sont eux, puisqu'ils ont des pratiques extensives respectueuses de l'environnement et qu'ils estiment être en accord les projets politiques mis en place en terme de développement durable.

En ce qui concerne le terme biodiversité, ils en ont une version qui s'adapte à leur point de vue. Biodiversité signifie: « diversité biologique », c'est à dire que tout organisme si petit soit-il participe à la biodiversité. Quand on parle de « sauvegarde de la biodiversité », cette expression reste vague, car c'est là une question de choix et de priorité donnée à telle ou telle espèce.

« Ces écologistes intégristes quand ils ont trois mauvaises herbes dans leurs carottes dans

57 Voir à ce propos l'extrait du discours de Bruno Besche-Commenge lors de la manifestation du Val d'Aran en page 12

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leur jardin ils les enlèvent et pourtant les mauvaises herbes ça fait aussi partie de la biodiversité... » (Jean).

Ce que l'Aspap revendique, c'est que les espèces domestiques qui participent aussi à la biodiversité et sont donc susceptibles d'être autant, voire plus prioritaires pour être sauvegardées que les espèces sauvages telles que l'ours. C'est ainsi que l'on retrouve dans les deux camps des gens qui se disent « écolos » et voulant sauvegarder la biodiversité des Pyrénées.

Dans le même ordre d'idées, les deux camps disent vouloir mettre en place un projet de développement durable pour les Pyrénées. Les noms des associations témoignent: d'un côté il y a l'Association pour le Développement Durable de l'Identité Pyrénéenne (ADDIP), qui souhaite défendre l'avenir des éleveurs et d'un certain tourisme, et de l'autre, il y a l'Association pour le Développement Économique et Touristique (l'ADET) qui dit également mener un projet de développement durable pour les Pyrénées, notamment par la création de « labels ours ».

Il y a aussi la notion de patrimoine naturel, dont les deux camps revendiquent la sauvegarde. Mais l'Aspap a ajouté une nuance en précisant que le patrimoine dit « naturel » est en fait pour eux quelque chose de culturel. Une fois de plus, la composante humaine est mise au premier plan. C'est un patrimoine culturel qu'il veulent sauvegarder mais avec des composantes « biologiques »58 dont ils estiment qu'elles sont le fruit d'un travail de transformation par les hommes. Là aussi, les noms des associations montrent que c'est leur version de ce qu'est le patrimoine local qu'il veulent préserver: Aspap signifie: Association pour la sauvegarde du Patrimoine Ariège Pyrénées. L'association qui est l'équivalent de l'Aspap pour les Hautes-Pyrénées a quasiment le même nom: ASPP65, c'est à dire Association pour la sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen59.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon