Sème partie: L'ASPAP: D'UNE ENTRAIDE LOCALE
A UN PROJET GLOBAL POUR LE MASSIF
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PYRENEEN
I. LES MOYENS MIS EN OEUVRE FACE AU PROJET DE
REINTRODUCTION
A. L'Aspap: pour « structurer les révoltes
individuelles »
Depuis 2006, l'Aspap regroupe les opposants au projet de
réintroduction pour le département de l'Ariège.
Rapidement, elle est apparue comme la structure salutaire qui a permis aux
éleveurs, victimes de prédations et/ou opposés au projet,
de prendre conscience qu'en se fédérant, ils auraient plus de
poids et pourraient se sentir moins impuissants face à ce qui leur
arrivait. Cela leur a également permis de se soutenir, d'être
entourés face ce qui est vécu comme une épreuve. Ainsi,
les révoltes individuelles se sont agrégées et l'Aspap
s'est donné pour mission première de défendre les
intérêts des éleveurs. Pour pouvoir contrer ce projet
auquel ils n'adhèrent pas, ils ont voulu se rassembler pour pouvoir
être mieux entendus, parler d'une seule voix. Un grand nombre de
personnes a adhéré et ses portes-paroles sont rapidement devenus
des interlocuteurs incontournables du département, notamment
auprès des médias. Certains mettent aussi en avant, pour
expliquer leur engagement initial au sein de l'association, le caractère
légal de ce mode de lutte, permettant une alternative à des
actions répréhensibles envisagées par
certains49.
L'association, sur le département soutient les
éleveurs et défend leurs intérêts dans des
situations en lien avec la réintroduction des ours. Ainsi, un protocole,
une« conduite à tenir » lors des expertises en vue
d'indemnisation a été élaboré à destination
des éleveurs victimes de prédation. Et il leur est aussi
proposé qu'une délégation de l'Aspap soit présente
lors de l'expertise pour défendre leurs
intérêts50. Il s'agit aussi de soutenir
l'éleveur qui dans certains cas vient de perdre beaucoup, est
choqué ou en colère. Ensuite, sur le plan préventif,
l'association a permis la
49 Néanmoins, certains envisagent toujours la
possibilité de se mettre hors la loi s'il le faut pour contrer ce
projet. Un éleveur s'exprime ainsi à propos du risque de se
retrouver en prison s'ils décident de se défendre par des moyens
illégaux: « de toute façon c'est la prison ou alors on a
plus la possibilité de vivre ici ». La récente
actualité du mois de septembre 2009 semble confirmer cet état
d'esprit, puisqu'il y a des rumeurs d'éventuels abattages d'ours en
Haute-Ariège. Voir à ce propos la Dépêche du Midi du
05 septembre 2009.
50 Plusieurs de mes interlocuteurs m'ont relaté le
même cas de dérochement d'un troupeau qui avait fait de nombreuses
victimes et ou l'expertise avait été faîte sans la
présence de l'éleveur et de la délégation de
l'Aspap. Celle-ci a exigé que l'expertise soit refaite et il s'est
avéré que des bêtes avait été oubliées
au comptage et des traces permettant de prouver que c'était bien le fait
d'un ours n'avaient pas été relevées.
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constitution d'un réseau, des gens qui sont en
contact se tiennent au courant de ce qui se passe et, dans la mesure du
possible, de la localisation des ours. C'est dans ce sens qu'a
été mis en place le répondeur de l'Aspap qui donne des
informations sur la localisation des ours, et qui est alimenté par le
réseau. Il s'agit donc là d'entraide au sein d'un groupe de
personnes confrontées à un même type de
problème.
L'Aspap a également fait jouer la
solidarité de ses adhérents lors des condamnations dont ont
été l'objet plusieurs de ses membres suite à la
manifestation d'Arbas qui avait amené à des dégradations
de la mairie du village d'Arbas. Ils avaient été condamnés
à verser environ 20 000 euros d'amendes, de dommages et
intérêts et de frais de justice. L'Aspap a lancé une
souscription de soutien pour payer cette somme qui a pu être
réunie en quelques mois grâce à des dons d'adhérents
et de sympathisants.
Ensuite, parmi les personnes interviewées revient
cette idée qu'ils mènent un combat et que, comme pour tout
combat, des stratégies doivent être élaborées et
mises en place. Ainsi, la lutte s'est peu à peu organisée. Des
objectifs ont été définis et des moyens mis en place. Un
des objectifs premiers est la promotion de leur point de vue, faire
connaître « le sentiment et la vie des gens en montagne
»(extrait des propos de Jean) auprès de l'État, mais aussi
auprès du grand public. Il s'agit donc de communiquer, car ils estiment
que leur point de vue n'est pas assez relayé et que les gens ont une
image faussée d'eux et de leur quotidien. La partie communication est
essentielle dans l'association, c'est par elle que leur point de vue va pouvoir
être diffusé. Cette communication est faite à destination
de l'État, des médias et du grand public, pour sa plus grande
part, mais L'Aspap communique également auprès des élus du
département, par exemple, afin de leur faire passer des informations
pour eux et leurs administrés51.
« L'Aspap [sert à] faire remonter les
informations, faire connaître nos problèmes, nous défendre
[...] on arrive pas à faire remonter directement en préfecture
[...] on a des gens qui sont...les oreilles fermées...ils veulent pas
nous écouter ceux-là [...] il a fallu monter ça, faire
agir les médias et tout...alors que c'est...c'est du folklore pour moi
tout ça...mais on a que cette solution [...] légale...c'est pas
la solution miracle mais bon on a que ça [...] sinon à titre
individuel...on a aucune force» (M. Joly)
«L'Aspap reste vigilante à toutes les
décisions qui peuvent être prises...tout ce qui se passe
voilà...parce que dans une stratégie de... de combat parce que
pour moi ça reste un combat pour une vie [...] et la perpétuation
[...] d'une civilisation pastorale » (Laurent)
51 Voir page 14 à propos des rencontres
ANEM.
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