WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Discours, représentations et processus d'entrée en résistance.

( Télécharger le fichier original )
par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 1 Anthropologie Sociale et Historique 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. deux agents de 1'ONCFS38.

* Annie

Âgée de 55 ans, Annie travaille à l'Oncfs depuis 16ans. Elle s'occupe de la régulation des nuisibles tels que: renards, martres, fouines, etc...Elle est également technicienne cynégétique et en cette qualité, elle s'occupe de la gestion des milieux et des espèces pour la fédération de chasse. Elle se décrit comme « à fond » et « passionnée ». Elle allait à la chasse à l'isard avec son père quand elle était petite et depuis très jeune, elle parcourt la montagne. De son enfance, elle a le souvenir d'un jour, quand elle avait douze ans, et qu'elle était partie à la chasse à l'isard, avec son père et un groupe de chasseurs, qu'ils avaient fait un grand feu de bois devant le refuge parce qu'ils avaient entendu un cri d'ours: c'était une femelle et son petit.

Aujourd'hui,elle s'occupe du suivi de différentes espèces telles que: le grand tétras, la perdrix grise, l'isard, le mouflon, le lagopède. La première chose dont elle me parle lorsque j'arrive pour l'interviewer, c'est qu'elle ne comprend pas que l'on fasse venir des touristes sur les «places de chant » des grands tétras39 dont elle suit l'évolution de la population et la protection de l'habitat. Il y a pour elle, ici, une contradiction entre la démarche touristique et la démarche de protection d'une espèce. La fermeture du milieu lui apparaît comme un problème puisque les animaux tels que les sangliers viennent plus près des habitations. Mais ce qui est vraiment dérangeant, c'est que le grand tétras y est sensible car il se nourrit en partie de myrtilles que l'on trouve sur les terrain dégagés.

En ce qui concerne la réintroduction de l'ours, elle pense qu'il y a eu un grand manque de

38 Les passages entre guillemets sont extraits des entretiens.

39 Le grand tétras ou coq de bruyère est le plus gros gallinacé d'Europe. Devenu rare en France, il peuple les forêts de conifères des montagnes. Les «places de chant »sont les lieux où ils se retrouvent au printemps pour la parade des mâles et l'accouplement.

52

communication et d'information auprès des populations montagnardes40. Au départ, elle était pour la réintroduction car, pour elle: « quand on aime les animaux, un ours n'est pas dérangeant ». Mais elle a révisé son jugement car selon elle, « le vrai ours des Pyrénées ne cause pas les problèmes que les ours slovènes posent ». Ici aussi, elle met en cause la fermeture du milieu qui permettrait aux ours de descendre plus bas.

Pour ces raisons, elle n'est pas pour que de nouvelles réintroductions soient faîtes, mais elle est pour « protéger ceux qui sont là » car « ceux-là, les hommes les ont mis dans la merde » et comme elle dit: « moi je protège l'animal, pas la bêtise humaine ». Ici aussi, on retrouve comme chez les adhérents de l'Aspap cette perception des ours slovènes comme différents des ours autochtones, et cette idée qu'ils sont les victimes de directives humaines.

En ce qui concerne les éleveurs: elle « plaint l'agriculteur qui garde ses moutons mais pas ceux qui les laissent sans surveillance ». Les chasseurs, elle dit qu'ils sont « plus écolos que les écolos » parce qu'ils sont sur le terrain, et que: « ceux qui foutent la merde, c'est les écolos qui n'y connaissent rien au fonctionnement de la nature ».

Annie a un discours un peu à l'entre-deux des discours présentés précédemment. Sur certains points elle rejoint les adhérents de l'Aspap et sur d'autres elle se rapproche du discours de Martine. Elle illustre en quelque sorte une des nombreuses nuances possibles du discours sur l'ours et sur le plan de réintroduction. Elle rejoint les adhérents de l'Aspap sur la question de la revendication d'un écologisme en lien avec la connaissance et la pratique du terrain montagnard, sauf que pour elle ce sont les chasseurs et non plus les éleveurs dont elle parle comme des « vrais écolos ». Par contre, sur la question de la surveillance des troupeaux, elle rejoint le point de vue de Martine c'est-à-dire que ceux qui ne protègent pas leurs troupeaux ne sont pas à plaindre.

* Cédric

Il est technicien au sein de l'Equipe Technique du suivi de l'Ours (ETO) qui dépend à la fois de l'ONCFS et de la Fédération Départementale de la Chasse. Âgé d'environ 25/30 ans il a comme formation un « Brevet de Technicien Agricole en gestion de la faune sauvage » et un « Brevet de

40 Elle fait ici référence notamment à ce qui s'est passé lorsque l'ours Balou a été blessé au cours d'une partie de chasse, et que le préfet n'a pas souhaité communiquer sa localisation. Cela a été perçu par certains comme un manquement au devoir de protection des populations face au risque que représente un ours blessé.

53

Technicien Supérieur en gestion et protection de la nature ». Cela fait environ deux ans qu'il travaille au sein de cette équipe. Son travail comporte deux volets en ce qui concerne le « suivi de l'ours ». Il y a une partie technique qui se situe sur le terrain et une partie scientifique de traitement des données recueillies. Cette équipe remplit différentes missions.

Tout d'abord, ils doivent assurer « le suivi technique de toute la population ursine des Pyrénées ». Il y a le « suivi direct », qui se fait grâce aux émetteurs41 dont sont équipés les ours, et permet d'avoir instantanément une idée de la localisation des ours. Ces données sont ensuite retranscrites par les ingénieurs et permettent la réalisation d'une cartographie des déplacements des ours sur le territoire. Ce suivi ne peut se faire que pour les ours qui sont équipés d'émetteurs.

Quant au « suivi indirect », il consiste en la récupération de données matérielles sur le terrain. C'est à dire des « échantillons » comme ils les appellent. Il s'agit de poils, d'excréments, mais aussi de traces laissées par les ours. Sur tout le massif des Pyrénées, un « maillage » a été réalisé par les techniciens dont chaque carré de 4km2 a été équipé d' une « station de suivi 42». Il s'agit d'un enclos d'environ 25 m2 situé dans une zone boisée, réalisé en fils barbelé et dans lequel on met des appâts (poisson, sang de veau, maïs). Ainsi, ils peuvent recueillir des poils et d'autres échantillons qui sont ensuite analysés génétiquement, permettant ainsi de savoir de quel ours il s'agit ou du moins de connaître son sexe et savoir de quelle lignée il est issu. Ces stations sont visitées tous les quinze jours. Ce « suivi indirect » permet aussi la réalisation de cartes et de savoir, par exemple, si des naissances ont eu lieu.

Ces deux méthodes de suivi permettent donc de réaliser année par année des cartes de déplacement, d'occupation de zone et donc de voir « quel type d'habitat [l'ours] sélectionne en priorité ». Et ainsi ils peuvent « déterminer les sites et les domaines vitaux de l'ours » et « ces informations [sont] essentielles pour avoir une idée de l'activité de l'espèce, de sa situation dans les Pyrénées ».

Leur travail consiste aussi à vérifier les témoignages d'observation d'ours, communiquer avec le monde de l'élevage et sensibiliser le public43. Les discussions avec les personnes présentes sur le terrain représentent également une part non négligeable de leur emploi du temps. En ce qui concerne la réalisation des constats de dommages causés par les ours, généralement, ce sont les

41 Les ours réintroduits en 2006 ont été équipés d'un collier (qui devait être récupéré au bout d'un an mais une défaillance technique a fait certains colliers ne sont pas tombés) permettant de récolter de nombreuses informations sur les activités des ours et d'un émetteur intra-abdominal qui a une durée de vie de trois ans.

42 Une soixantaine en tout sur le massif des Pyrénées.

43 Cela se fait par la tenu de réunions d'information auprès de différents publics tels que les scolaires, les chasseurs, les éleveurs et aussi par la réalisation de plaquettes d'information.

agents départementaux qui les réalisent, car « ce n'est plus la branche études et recherches qui s'en occupe ». Mais ils sont habilités à les réaliser au cas où ils seraient présents sur le secteur au moment du dommage.

Cédric se dit satisfait de son travail, c'est d'ailleurs lui qui a demandé à être « à 100% sur le suivi de l'ours » parce que c'était ce qui lui plaisait le plus. Voici ce qu'il en dit:

« C'est un travail intéressant qui permet de rencontrer du monde, de voir une espèce qui est quand même emblématique on peut dire, et surtout passionnante à observer et ça jamais personne m'a dit le contraire, même les pires opposants quand on leur a montré de l'ours, ils ont toujours été émerveillés. On a la chance de pouvoir avoir ça assez fréquemment. [...] C'est une passion mais [...] en même temps faut que ça en soit pas trop une, puisque faut souvent faire la part des choses [...] faut pas qu'on ait d'avis tranché [...] on se doit l'impartialité»

Néanmoins, il dit que cela peut être très difficile et qu'il y a des moments de pression dûs au fait qu'ils sont « un peu victimes du rejet du plan ours par les opposants dans le département ».

« Ils s'en prennent à nous parce qu'on est la cible, on est les agents de l'État chargés du suivi des ours. Donc on est souvent la cible de ces attaques là, c'est très dur à supporter, on a des collègues qui ont eu des problèmes à cause de ça et il faut être vraiment blindé et dur et bien moralement et aussi physiquement pour supporter tout ça ».

En ce qui concerne les relations sur le terrain avec les espagnols, Cédric dit que cela se passe très bien avec les agents de terrain et même des fois, les agents espagnols font appel à eux parce qu'ils sont mieux formés sur certains points. Ils déplorent par contre quelques difficultés dues au fait que la politique locale, concernant le suivi de la population d'ours, de certaines Régions Autonomes espagnoles est parfois différente de la politique ministérielle nationale. Aussi, les « échanges de données se font plus ou moins bien selon les lieux », selon que cela soit considéré comme prioritaire ou pas par la Région Autonome. Il y a aussi beaucoup d'échanges de données et de techniques avec d'autres pays d'Europe où il y a des population d'ours. Notamment certains pays de l'est de l'Europe comme la Slovénie et la Croatie mais aussi l'Italie et les Monts Cantabriques en Espagne.

54

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery