C. Critiques faites au projet et à sa mise en
oeuvre
1. A propos de « l'équipe technique du
suivi de l'ours ».
Tout d'abord, la mission première de cette
équipe est de collecter des informations, des indices matériels
permettant de mener des études scientifiques sur les ours, sur leur
adaptation au milieu, l'évolution de leur implantation sur le
territoire, leurs lieux de prédilection, savoir s'ils se reproduisent
bien, en bref, il s'agit de suivre l'évolution de la population d'ours
sur le massif pyrénéen. Ils sont formés pour faire les
constats de dommages de prédations, mais c'est habituellement une autre
équipe, celle des agents départementaux, qui les
réalise.
Les éleveurs pour se prémunir des attaques
disposent de deux moyens mis à leur disposition par l'État: le
répondeur téléphonique pour la localisation des ours et la
mise en place de mesures de protection dont le coût est pris en charge
par l'État. Ce qui génère à mon avis une partie des
critiques envers les techniciens de l'équipe ours, c'est que les
éleveurs attendent de leur part quelque chose qui ne fait pas partie de
leur mission, ce qui entraîne de l'incompréhension des deux
côtés. Pour l'équipe de suivi, en théorie,
prévenir les éleveurs de la présence éventuelle de
prédateurs dans
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leur secteur ne fait pas partie de leur travail et cela,
les éleveurs ne le comprennent pas. Les éleveurs disent : ils
savent précisément où sont les ours mais ils ne nous
disent rien. Les gens du suivi disent: ce n'est pas notre travail, il faut
protéger vos troupeaux, vous avez les moyens de le faire. Cet
état de fait conforte chez les éleveurs ce sentiment de
mépris à leur égard, et d'irrespect de leur
travail.
« Il m'a fallu deux jours pour rassembler tout [son
troupeau de brebis] et personne ne m'a aidé c'est ça que je
regrette, que j'en ai tant voulu au suivi de l'ours parce que c'est des gars
ils sont payés uniquement pour rester dans les voitures et localiser,
s'ils m'avaient prévenu la veille comme quoi l'ours était dans le
coin, moi mes brebis je les aurais rentrées »(M. Joly)
2. A propos des mesures de protection
Or, l'efficacité de ces moyens de
prévention est remise en cause par les éleveurs. Ils estiment que
le répondeur n'est jamais à jour et que les informations y sont
très limitées. Et c'est en invoquant cette raison que l'Aspap a
mis en service son propre répondeur de localisation alimenté par
son propre réseau. En ce qui concerne les mesures de
protection27, nombreux sont ceux qui estiment qu'elles sont
inefficaces, inadaptées voire inapplicables comme par exemple M. Joly
qui a eu des attaques en journée ( comme mesure de protection, un
rassemblement nocturne du troupeau est préconisé ) et des
attaques dans sa bergerie. Il estime qu'un ours qui a faim trouvera toujours un
moyen de contourner la protection28. Et il laisse même ses
brebis dehors, plutôt que de les rentrer estimant qu'il risque moins de
dégâts en les laissant dehors.
« Je les rentre plus depuis la fois qu'il m'avait
coupé la porte [...] si jamais je les rentre toutes [...] il va me tuer
tout, là au moins [...] il en attrape une et les autres se sauvent [...]
au moins je me sens pas responsable ». (M. Joly)
D'autres pensent que les mesures de protection sont d'une
efficacité relative et extrêmement coûteuses. Ils se
demandent donc si cela vaut vraiment le coup de faire toutes ces
dépenses pour sauver une population qui est certes en train de
disparaître dans les Pyrénées mais pas au niveau
européen. Une autre mesure de protection existe, il s'agit des chiens de
protection. Mais là aussi, les
27 Les principales mesures sont le regroupement nocturne,
la présence permanente d'un berger, les chiens de protection, les
clôtures électriques.
28 Dans le discours de M. Joly revient souvent
l'idée que les concepteurs du projet de réintroduction n'ont pas
pensé à la
manière dont les ours allaient se nourrir. Et il
parle souvent de « l'ours qui a faim ».
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éleveurs estiment leur efficacité
relative. Les éleveurs qui en ont seraient quand même victimes de
prédations. Ils pensent qu'ils peuvent être dissuasifs dans un
certains cas mais qu'un ours qui a fai m attaquera quand même et que les
chiens ne pourront rien y faire.
« Y'a des estives qui ont deux ou trois
chiens[...]et les chiens ils se retrouvent au vétérinaire et les
brebis sont tuées point[...] s'il vient par là, qu'il rôde
par là qu'il a pas trop fai pourquoi pas, deux trois chiens ça
prévient le pâtre ça peut l'effaroucher un peu un peu,
ça je veux bien y croire... mais s'il a faim il attaque »(M. Joly)
.
Concernant les mesures de protection, il est difficile de
faire la part des choses. Par exemple, à propos des chiens de
protection, les résultats présentés lors du colloque de
Luchon29 par La Pastorale Pyrénéenne30 et
« l'Adet, pays de l'ours » font état d'une réelle
efficacité contre les
prédations lorsque des chiens de protection sont
mis en place au sein d'un troupeau.
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