2. une modification du paysage2; perçue
négativement
Le rôle d'entretien des espaces de montagne et de
haute montagne par l'activité agricole et la pratique de la transhumance
leur paraît être quelque chose de primordial pour le territoire. Et
donc, la présence des prédateurs entraînerait une
diminution de l'activité pastorale en décourageant les
éleveurs qui subissent des prédations mais aussi les jeunes qui
souhaitent s'installer. Ce qui aurait pour conséquence la
déprise, et donc à terme une modification des paysages de
montagne, perçue comme négative non seulement pour le tourisme
mais également par rapport à quelque chose de
23 Par paysage s'entend la végétation qui
le compose.
28
plus profond qui les touche dans leur rapport à
leur environnement, ce que M.Joly désigne comme « la liberté
des Pyrénées ». Ainsi, pour eux, nuire au pastoralisme,
c'est nuire aux éleveurs et donc nuire au paysage, support du tourisme
dans la région. Aussi, rejettent-ils l'idée avancée par
les promoteurs du plan ours selon laquelle ce projet doit être un atout
pour la région au niveau touristique.
« Alors pour restaurer des ours on va supprimer tout
ce qui est élevage...qu'est ce qui est plus naturel hein je sais pas,
qui est ce qui entretiendra la montagne ? Qui est ce qui entretient les estives
? C'est pas les ours qui vont entretenir les estives, ce sont les
éleveurs... »(Mme Joly)
«Maintenant y'a un éleveur par village...si
tu protèges pas ça c'est...c'est les ronces et les broussailles
qui vont arriver, si ça reste comme ça, au ras des maisons [...]
mais maintenant y'a plus personne, y'a plus personne, ça fait que plus
personne ne nettoie rien...alors si tu perds le peu d'élevage qu'y a, le
peu d'élevage...alors là là les Pyrénées ce
sera les ours et les loups ça c'est sûr y'en aura, mais y'aura
plus de touristes ça je peux te l'affirmer ! [...] y'aura des chemins
d'accès et vraiment délimités euh bien balisés et
tout mais dans des zones boisées, ce sera interdit d'y aller ou alors
à tes risques et périls, y'aura plus la liberté des
Pyrénées, ce sera une autre forme de Pyrénées [...]
si t'as des chemins en montagne qui sont nettoyés, si t'as des estives
qui sont propres avec des beaux pacages et tout, c'est quand même
grâce aux bêtes... » (M.Joly)
Ce n'est pas seulement une modification du paysage qui
est redoutée mais une profonde transformation de leur environnement
où ce ne serait plus les Hommes et leurs troupeaux qui seraient les
gardiens d'une nature apprivoisée, domestiquée,
façonnée par l'homme. Mais c'est bien la crainte d'une
primauté donnée aux « bêtes sauvages » et au
développement de zones ensauvagées, désertée par
les éleveurs et les troupeaux domestiques et où il serait
dangereux et difficile de se promener en raison de la présence des
prédateurs et de la broussaille. Et ce, par opposition à ce qui
est aujourd'hui vécu comme un espace de liberté, maitrisé,
domestiqué par l'homme et son activité. Et c'est bien le refus de
cet « ensauvage ment » des espaces de montagnes qui est
revendiqué par les associations opposées à la
réintroduction comme l'Addip et l'Aspap. C'est pour ces raisons qu'ils
considèrent que l'argument selon lequel la présence d'une
population d'ours est un atout pour le tourisme n'est pas fondé car
selon eux cela va entraîner une modification du paysage, non propice au
tourisme.
|