PARTIE II : L'APPLICATION DES TEXTES RELATIFS A LA
PROTECTION
DES PFNL DANS LE BASSIN DU CONGO
Lorsque l'on se propose de faire une analyse de l'application
du droit de l'environnement et donc des textes relatifs à la protection
des ressources forestières, il peut y intervenir deux notions à
savoir, l'effectivité et l'efficacité. L'efficacité, pour
SITACK YOMBATINA Beni, est la correspondance entre la règle
et le comportement de ses destinataires. Il distingue d'une part les
destinataires primaires que sont les citoyens et le commun des mortels, et
d'autre part les autorités en charge de l'application de la règle
comme destinataires secondaires. L'efficacité quant à elle se
détermine par l'ensemble de moyens mis en oeuvre pour atteindre le
résultat ou un but déterminé. Les pays du bassin du Congo
se sont engagés à assurer une gestion durable des forêts et
des ressources y contenues en combattant efficacement l'exploitation
illégale des produits forestiers. Ils ont également
décidé d'assurer une bonne application des lois en vigueur et
d'accroitre significativement le niveau de protection des PFNL aux plans
national et sous-régional. C'est en réponse à cette
préoccupation que les Etats d'Afrique centrale ont adopté un
ensemble de mesures relatives à la protection de l'environnement. Les
régimes des forêts des pays du bassin du Congo prescrivent la
compétence principale de l'administration forestière dans la
gestion et la régulation de l'activité forestière. De nos
jours, le problème de l'exploitation durable des ressources
forestières non ligneuses se pose avec acuité dans la
sous-région. La question de l'application des règles relatives
à leur utilisation durable consacrées dans les textes en vigueur
est d'actualité. En effet, la mise en oeuvre des normes d'exploitation
des PFNL au Cameroun et en RDC se trouve confrontée à un certain
nombre d'écueils qu'il convient d'examiner (Chapitre I), avant de
proposer des solutions qui nous semblent les plus adéquates (Chapitre
II) pour pouvoir atteindre une exploitation durable des ressources
forestières y compris les PFNL dans le bassin du Congo.
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CHAPITRE I : LES DIFFICULTES D'ENCADREMENT DE
L'EXPLOITATION DES PFNL AU CAMEROUN ET EN RDC
L'encadrement juridique de la durabilité des produits
forestiers non ligneux dans les pays du bassin du Congo demeure encore
complexe. «les textes de la troisième génération
portant régime des forêts en Afrique centrale s'inscrivent dans la
continuité des législations antérieures, dont elles
conservent les principaux éléments du socle normatif, qu'elles
complètent par une introduction prudente de mécanismes novateurs,
exprimant une quête de modernisation du cadre juridique, et d'adaptation
aux principes de gestion admis par la communauté internationale tels
qu'énoncés, par exemple, dans les documents finaux de la
conférence de Rio»69. Cette avancée timide
des pays de la sous-région d'Afrique centrale impacte sur la
capacité de ces derniers à pouvoir gérer de manière
efficace et responsable leurs ressources naturelles. L'utilisation rationnelle
et la conservation des produits forestiers non ligneux sont tributaires du
relèvement du niveau de vie des peuples forestiers autochtones et
locaux. Le développement des communautés rurales reste faible et
les populations continuent de prélever les PFNL sans réelles
mesures d'accompagnement. Ces pratiques dues aux insuffisances d'encadrement
des PFNL rendent ainsi problématique la durabilité de leur
exploitation (Section I). Les défaillances politiques sur la
valorisation de ces ressources (Section II) constituent également une
faiblesse pour leur conservation.
Section I : La problématique de la
durabilité de l'exploitation des PFNL
Le problème de la gestion durable et de la conservation
des produits forestiers non ligneux est récurrent en Afrique centrale.
Il se pose dans le milieu rural où vivent les populations en
perpétuel contact avec la forêt d'où ils tirent directement
ou indirectement leurs moyens de subsistance. Les mouvements de transaction des
PFNL opérés par ces populations existent depuis la nuit des
temps. Le Cameroun et la RDC ont concentré leur regard sur les atouts du
bois au détriment des autres produits. Ainsi, l'encadrement de
l'utilisation des PFNL fait l'objet, dans la majorité des
69 NGIFFO (S.), Les difficultés de
l'encadrement juridique de la durabilité: le nouveau régime des
forêts en Afrique centrale, in Aspects contemporains du droit de
l'environnement en Afrique de l'Ouest et Centrale, UICN Gland, 2008, p 76
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dispositions législatives d'un renvoi dans les textes
d'application qui elles-mêmes sont d'accès difficile70.
L'importance des PFNL avérée à l'échelle nationale
et internationale, ces produits restent encore de nos jours très
insuffisamment encadrés (§1), d'où l'intervention des
institutions et organismes environnementaux (§2) qui continuent de mener
des actions de conservation et de valorisation de la ressource non ligneuse.
Paragraphe I : Les limites à l'exploitation durables
PFNL au Cameroun et en RDC
Les régimes des forêts des pays du bassin du
Congo s'illustrent par de nombreux vides juridiques sur des questions
liées à la protection des PFNL. L'analyse des textes en vigueur
fait constater que présentement, ni au Cameroun ni en RDC aucune loi ne
vise directement les problèmes de protection des PFNL Lorsqu'elles
existent, les dispositions applicables à ces ressources de la
forêt se limitent à leur prélèvement et utilisation.
Ce qui rend plus complexe l'application des normes juridiques
édictées en la matière. Au vu de ces constatations, l'on
pourrait pointer un doigt accusateur sur les lois forestières qui
gardent toujours un caractère incomplet (A) et de l'absence de
véritables mesures de précaution (B) pouvant garantir une
utilisation viable les produits forestiers non ligneux.
A. Des incomplétudes normatives sur la
protection des PFNL
Les lois forestières du Cameroun et de la RDC
contiennent des normes qui créent des droits et obligations difficiles
d'application. Parmi ces dispositions, celles qui se rapportent à la
réglementation sur l'accès aux PFNL ne tiennent pas toujours
compte des pratiques locales, telles que recommandées par la norme
internationale. Or, la gestion du patrimoine naturelle ne saurait se concevoir
dans la simple politique de conservation et de préservation contre les
dégradations, sans une considération des réalités
sociales.
Dans le cas du Cameroun, le flou juridique est perceptible de
prime abord quant à l'absence de définition formelle de la
terminologie « produits forestier non ligneux ».
70 La plupart des dispositions relatives aux PFNL
contenues dans les textes d'application des lois forestières du Cameroun
et de la RDC souffrent d'une absence de prise en compte des
spécificités desdits produits. Ils deviennent de ce fait
difficiles d'appréhension par la grande majorité de la
population.
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Cette limite de la législation camerounaise constitue
un véritable vide prêtant à confusion71. Une
cacophonie juridique qui alourdit davantage la régulation sur
l'exploitation de la ressource. « L'absence de spécification de
la terminologie produit forestier non ligneux a pour conséquence la
difficulté de qualifier un fait de droit se référant
à l'utilisation d'une des ressources forestières, et
l'identification de l'organe étatique chargé de sa gestion. C'est
le cas lorsque le juriste camerounais est confronté à la
qualification des ressources comme les crevettes et les escargots que l'on
retrouve également dans les forêts et qui sont
considérés par une partie de la doctrine comme produits
forestiers non ligneux »72. De ce fait, l'absence de
qualification légale des PFNL limite l'application de la loi sur
certaines ressources non ligneuses non catégorisées. Cela
implique le non-respect intégral de l'engagement international pris par
l'Etat du Cameroun sur le plan international de tenir compte des textes
juridiques en facilitant leur application à l'échelle nationale.
De plus, il n'existe pas de voie de recours efficace pour les
communautés forestières en cas d'aliénation ou de
destruction des zones forestières de production. L'on constate un
renvoie vers les textes d'application, la plupart des dispositions liées
à la protection des PFNL. Cette constatation est plus perceptible dans
le cas congolais.
En RDC, il ressort de l'analyse de la loi forestière du
29 août 2002 que les ressources forestières, y compris les PFNL,
constituent une propriété de l'Etat. L'exploitation et
l'utilisation de ces produits par les personnes physiques ou morales, de droit
privé ou de droit public, sont régies par les dispositions du
code forestier et celles de ses mesures d'exécution. Mais jusqu'à
présent la matérialisation effective des mesures d'application de
la loi forestière reste encore attendue. Cette insuffisance de textes
portant réglementation de l'exploitation des PFNL en favorise
l'exploitation de la ressource sans mesure de précaution.
71 Il y a comme un désaccord entre les
auteurs de la définition des PFNL au sens de la législation
camerounaise. Certains chercheurs précisent que la loi N°94-01 du
20 janvier 1994 portant régime des forêts de la faune et de la
pêche et ses décrets d'application, entre autres font allusion aux
produits spéciaux, d'autres en revanche associent au concept «
produits spéciaux » la notion de « produits secondaires »
contenu dans le décret d'application N°95/531/PM du 23 août
1995 fixant les modalités d'application du régime des
forêts.
72 ABANDA NGONO (F.), Exploitation des produits
forestiers non Ligneux et développement durable des localités
riveraines des forêts camerounaises, Revue Internationale des Sciences
Humaines (RISH), Vol N° 5, Presses de l'UCAC-Cameroun, mai 2013, p 11.
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