III.2. Pré-diagnostic
Le pré-diagnostic a pour objectif de confirmer ou
d'infirmer les hypothèses émises lors des premières
observations. Les résultats que nous allons présenter sont issues
de l'entretien d'autoconfrontation et de la technique du "Pourquoi ", "Comment
". Par ces résultats, nous tâcherons de répondre aux
hypothèses formulées.
Hypothèse 1 : Une actualisation de la
représentation via la répétition
- Nous présumons que le rider expert va s'appuyer sur
ses représentations occurrentes dans la situation où il fera un
premier « essai-test», c'est à dire qu'il prendra la
décision de sauter pour Slider une première fois sur le muret,
permettant d'actualiser l'information en situation, pour immédiatement
garder en mémoire les caractéristiques de l'environnement. Nous
présumons que le rider apprend par la répétition et des
phases de test dans cet environnement nouveau. Nous faisons ainsi
l'hypothèse que les Riders en situation de protocole expérimental
ne se satisferont pas d'un seul essai.
- L'expérimentation en situation, la
répétition des mouvements permettent l'apprentissage en
situation, et ainsi répondre à l'exigence de la tâche au
regard des ressources cognitives du rider.
- La mise en place de stratégies opératoires
lors de la préparation permettent une plus grande maitrise dans l'action
et sont un préalable de la prise de décisions.
Hypothèse 2 : Une actualisation de la
représentation pour atteindre la performance
- Nous présumons que le rider expert s'appuiera dans un
premier temps sur ses représentations externes (en
référence aux connaissances mémorisées de pratique
sur ce « type » de mobiliers urbains et à l'action de slider),
ses représentations internes (en référence à la
synthèse des informations de l'environnement externe et à ses
connaissances), puis évaluera le risque inhérent à
l'environnement selon la réactualisation des représentations pour
enfin prendre la décision d'exécuter la tâche et rechercher
le modèle de décision optimal pour répondre à
l'objectif de la performance.
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Hypothèse 3 : Un temps préparation dans
l'atteinte d'un but
- Nous présumons que le temps de préparation
conditionne la qualité de la figure. - Les moments qui
précèdent l'exécution de la tâche nécessitent
une préparation
qui lui permet d'optimiser ses performances. Ce moment est
opportun pour
coordonner ses actions.
Hypothèse 4 : Gestion des risques lors de la prise de
décision
- Nous présumons que le rider évalue les risques
à chaque fois que ses représentations de l'environnement sont
actualisées, de l'arrivée sur le spot à la prise de
décision.
- La bibliothèque de connaissances du Rider lui permet
d'actualiser ses représentations afin d'évaluer les risques.
- La capacité à se préserver du risque
par l'adaptation à l'environnement sont des indicateurs du niveau
d'expertise d'un Rider
III.2.1. Résultats de l'hypothèse 1 : Une
actualisation de la représentation via la répétition
III.2.1.1. Exigences de la tâche et l'enjeu de
performance
La performance est l'atteinte des objectifs
préalablement fixés. Selon Bechara et al. en 1994, « une
performance optimale nécessite un apprentissage et donc une adaptation
progressive ». Performer c'est donc s'adapter et se mettre en
situation d'apprentissage. Le Rider doit se préparer à la
réalisation de la figure, préparer son matériel ou encore
évaluer le milieu. La notion de " performer" renvoie à
l'apprentissage de lecture du terrain. Le rider emmagasine les
caractéristiques de son parcours (distance, virage, angle mort), mais
aussi à la figure à réaliser.
De ce fait, la préparation permet de favoriser la bonne
réalisation d'une figure dans un contexte spatio-temporel et social afin
de préserver les acteurs d'un risque potentiel.
Nous avons vu que les Riders de notre protocole
expérimental procèdent de manière semblable, signe de leur
niveau d'expertise élevé. Leur préparation est minutieuse
et s'appuie sur des indices récoltés sur le terrain. Comme
beaucoup de pratique artistique, après la réalisation d'une
figure, la performance nait de l'évaluation par le collectif ou bien de
l'évaluation personnelle souvent avec support.
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Exigences de la tâche - performance
|
Sujets
|
Hypothèses validées
|
Autoconfrontation-TPC
|
Rider1
|
-Au vu des observables (sourire,
crie, lever les bras), rider1 a
atteint ses objectifs de performance
-Riders1 s'est appuyé sur ses connaissances,
et sa représentation occurrente
-Formalisation du langage opératoire : "spot ", "propre
", " slide ".
|
Rider1 « Je suis content, j'ai
réussi à la rentrer du premier
coup.»
|
Pourquoi ?
« J'ai bien réussi le Slide, j'ai
glissé tout du long puis ma réception est
propre. »
|
Comment ?
« Je n'ai pas pris beaucoup de vitesse, je savais que
une fois que j'étais calé dessus, il suffisait d'être droit
pour descendre en
bas rapidement ». Je me suis bien calé, le
spot a réagis comme je le pensais »
|
|
Note : la satisfaction ressentie pour chaque Rider peut
être différente pour une tâche identique. Rider1 est
satisfait de la tâche réalisé : « C'est bon, j'ai
tapé la figure. Je vais maintenant pouvoir attaquer autre chose ».
Pour lui, c'est synonyme de réussite. Il verbalise donc le
désir d'« attaquer autre chose », c'est-à-dire de
réaliser une nouvelle figure, sur ce nouveau spot. Il n'exprime pas la
volonté de perfectionner la figure. Il semblerait que cette
réussite suffise à le satisfaire.
|
Rider2
|
-Rider2 n'a pas atteint les
objectifs de performance.
-Rider2 est confronté à son échec via la
vidéo.
-Activité d'apprentissage :
répétition de la tâche,
actualisation de la représentation occurrente
|
Que penses-tu de ta figure?
: « Je suis passé complètement à
côté »
|
Pourquoi ?
« Je n'avais pas calculé qu'il était
aussi penché, je n'étais pas dans l'axe. Quand j'ai sauté,
je me suis retrouvé beaucoup trop bas sur le muret, presque au X
(incertitude temporelle). J'ai eu un peu peur.»
|
Comment ?
« J'ai pris de front le muret et il me l'a fait
comprendre. J'ai pris trop de vitesse, j'ai pensé qu'il était
plus facile que ça. J'ai donc braqué mes jambes pour pouvoir
glisser sur les fesses sur le muret.
|
42
|
|
Le prochain, je prendrais moins
de vitesse et je tenterais d'appuyer mon Tricks (figure en
anglais).
|
|
Note : Rider2 apprend à partir de sa première
tentative « Rater le premier Slide est très fréquent.
Comme j'ai envie de faire quelque chose de stylé, il faut du temps,
c'est normal ».
Son expertise lui permet d'affirmer que rater un premier essai
est très courant, et pas du tout synonyme d'échec. Il met en
avant le besoin d'entrainement, de répéter le geste afin de le
maitriser, qu'il soit « stylé ». Il verbalise le fait que
vivre l'expérience sensoriel et motrice de l'action en situation est
essentiel pour réussir celle-ci, que la phase de repérage qu'il a
accompli doit être complétée par une
expérimentation. La réussite d'une figure passe également
par son esthétisme selon Rider2. C'est son niveau d'exigence.
|
Rider3
|
-Rider3 a atteint les objectifs
préétablis par le protocole exploratoire. En
revanche, il ne
répond pas à ses propres exigences de la
tâche.
-Activité d'apprentissage :
répétition de la tâche,
actualisation de la représentation occurrente
|
Que penses-tu de ta figure?
« Je ne la valide pas du tout, j'étais affreux.
»
|
Pourquoi ?
« J'ai été surpris par la descente,
puis je n'ai pas eu le sentiment d'être bien calé sur le muret.
Mes jambes ont tremblé. Puis quand j'ai atterri sur le sol
après mon Slide, je me suis retrouvé écrasé au sol
car le muret est très incliné. Je ne m'y attendais pas
».
|
Comment ?
« Je me suis retrouvé dans le vide, au milieu du
muret, j'ai pris trop de vitesse »
|
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Notes : Rider3 n'est pas entièrement
|
satisfait, il veut réaliser sa mentales se
tâche :
je me suis fait une frayeur. fond. Je vais le retenter,
j'ai
Lui aussi évoque l'idée de du besoin de se
confronter aux « première approche », du besoin
le truc » de manière empirique.
|
figure une seconde fois. Ses représentations
construisent via la répétition de la « Cette
première approche est passée, Par contre, je n'étais pas
du tout à compris le truc. »
Son exigence le pousse à recommencer. l'entrainement,
de la répétition, et ressentis physiques en parlant de
d'être « à fond », de «
comprendre
|
Les verbatim ci-dessus présentent l'environnement comme
incertain, malgré le niveau d'expertise de chacun, reconnu par le
collectif. En effet, malgré une phase de repérage
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conséquente pour tous, nous pouvons constater que deux
Riders sur trois ne sont pas satisfaits de leur prestation. Afin de
réussir la figure imposée sur ce spot inconnu, ceux-ci
verbalisent le besoin de procéder à un deuxième essai afin
de réussir la figure. Cela confirme la nécessité de de
répéter la tâche afin d'en réaliser une qui
réponde aux exigences esthétique. Les Riders interviewés
nous ont explicité durant l'autoconfrontation, le besoin d'avoir un
regard extérieur du collectif sur leur propre tâche, tout comme de
l'importance d'avoir « des modèles » pour
s'améliorer, ce qui leur a « manqué » durant
notre protocole exploratoire du fait de l'impossibilité d'assister au
test des autres (Cf Annexe 3 : étude exploratoire, apprentissage par
observation).
Nous avons emprunté le schéma
présenté dans l'annexe ci-dessus :
Spot
1
Nous pouvons observer que la représentation occurrente
permet au Rider expert de recueillir les informations du Spot en dynamique, au
vu de sa propre posture dans l'espace, pour ensuite ajuster ses membres lors du
calage des rollers sur le muret, plateforme qui évaluée moins
inclinée. Le Rider expert actualise alors l'information donnée
par le milieu et tend à adapter ses actions en dynamique : il se penche
en avant pour compenser l'inclinaison. La mémoire à court terme
utilisée implique simultanément les opérations de stockage
et les opérations de traitement. En effet, le rider expert actualise la
posture de son corps dans l'espace et garde à l'esprit les informations
nécessaires pour raisonner, du type préparer la réception
au sol en rotation de 180°, par une rotation des épaules pour
assurer l'atterrissage en roulant en arrière.
44
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