2.1.2- L'influence de la religion sur la scolarisation
des filles
Si certaines pratiques religieuses des
chrétiens tels que le catéchisme et la lecture de la bible sont
favorables à l'école formelle française, il n'en est pas
de même pour celles de la religion musulmane pratiquée par la
majorité de la population de Sinendé (58% selon l'Atlas
Monographique des Communes du Bénin). Dans cette religion, tous les
enseignements sont donnés en langue arabe et en langue locale dans des
cadres restreints non formels. Dans ces écoles coraniques, la
différenciation sociale de la fille et sa subordination au sexe
masculin sont claires et rigoureuses. L'objectif visé pour les filles
dans ces écoles à emploi du temps nocturne (entre 19h-30' et
21h-30'), c'est d'amener celles-ci à devenir de bonnes épouses,
fidèles, serviables et dignes de leur religion. Etre une bonne
épouse suppose, selon la déclaration de la plupart des 200
personnes enquêtées (83%), être sous le toit d'un mari
dès l'âge de la puberté sans avoir commis un acte sexuel
avant le mariage et rendre heureux son mari en lui restant fidèle, en
lui donnant des enfants et en lui accordant une soumission totale.
2.1.3- Le phénomène du mariage
forcé
Le phénomène du mariage forcé,
bien que progressivement délaissé par les parents dans les chefs-
lieux d'arrondissement, est toujours en vigueur dans les villages environnants
et dans toutes les petites agglomérations. Le fait social qui le
justifie est le mariage coutumier appelé `' Kuro
kparu `' par les `'baatombu''. Le processus qui conduit
au `'Kuro kparu'' comporte généralement quatre
(04) étapes, à savoir : le "kuro
damaru", le "kuro kanabu", le "dokiriru" et le "kuro kparu".
a- Le "kuro damaru" : Il
consiste, pour les parents du futur mari, à identifier une fille qui
répond à leur convenance (bien éduquée et de bonne
famille) et à déléguer une tante pour aller vers les
parents de la jeune fille afin de leur faire la cour. `'kuro damaru'' qui
signifie faire la cour à une fille est adressé aux futurs beaux
parents et dans la plupart des cas à l'insu des deux futurs conjoints.
C'est l'une des tantes du futur mari accompagnée d'une ou deux autres
femmes qui forment la délégation chargée d'aller faire
cette avance en posant leur problème à une tante de la fille
convoitée. Les courtisanes présentent à la tante de cette
fille, une petite somme d'argent variant entre 500F et 2000F au plus.
Après leur départ, leur hôte informe les autres parents en
conseil de famille restreint. Elle rend compte ensuite à ses courtisanes
de l'avis du conseil restreint de famille. Si l'avis est favorable, les
courtisanes peuvent passer à la seconde étape du
processus.
b- Le `'kuro kanabu'' : c'est la
seconde étape qui consiste à toujours responsabiliser la
délégation de la tante du jeune garçon pour aller
officiellement demander la main de la jeune fille auprès de ses parents
en passant par la même personne intermédiaire de l'étape
précédente. A cet effet, la délégation des
courtisanes présente aux futurs beaux parents au moins une quarantaine
de noix de cola et une somme d'argent variant entre 2000F et 5000F au plus. Une
fois ce présent accepté, il est distribué partout,
même hors du village à toute personne ressource de la famille
à titre d'information pour `'KURO KINRU'' qui
signifie `'don de femme `'.
Signalons que c'est à l'issue de cette
étape que si l'avis est favorable, qu'on informe les deux futurs
conjoints qui peuvent ne pas être préalablement mis au courant des
tractations. Leur avis est sans importance surtout celui de la fille dont
l'âge est souvent bas (entre 10 et 18 ans) pour pouvoir susciter une
quelconque objection à ce processus qui suivra son cours normal par
l'étape suivante (Le `'Dokiriru'').
C'est particulièrement au niveau du`'kuro
kanabu'' que réside le caractère forcé
de ce type de mariage.
c- Le `'Dokiriru'' :
c'est l'étape capitale à laquelle le jeune garçon,
aidé de sa famille ainsi que de ses amis, se montre correcte et
inconditionnellement serviable envers ses beaux-parents. Il leur garantit son
assistance en toute circonstance et leur offre ses faveurs à chaque
occasion par des cadeaux en nature et en espèce. Signalons que ce devoir
du jeune garçon envers ses beaux-parents, même s'il continue
après le mariage, est plus prononcé pour la période
d'avant mariage.
d- Le `'Kuro kparu'' : c'est le
mariage coutumier proprement dit qui est amorcé par la
présentation du trousseau de mariage aux beaux-parents. Ce trousseau qui
tient lieu de dot et constitué d'objets de parures, de vivres et
d'argent, est variable selon les moyens des demandeurs. Mais, avec toutefois
une présence de façon invariable de certains constituants tels
que : la cola, le sac de sel, l'argent, les pagnes etc.
C'est donc la rigueur sociale dans l'aboutissement de
ce processus qui explique la nature forcée du mariage coutumier en
milieu paysan baatonu. C'est un processus qui implique toute la
communauté. Ce n'est souvent pas aisé à une petite fille
de s'en dérober à un âge donné même si elle
est scolarisée, surtout que bon nombre d'entre-elles ne sont souvent pas
gardées par leurs parents géniteurs .
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