4.4.3. Déficience dans le
contrôle des changes
En général, le change peut être
défini comme la conversion d'une monnaie contre une autre. Il peut avoir
pour objet une monnaie métallique ou fiduciaire ou des valeurs
mobilières. En principe, il s'agit d'une activité très
contrôlée pour des raisons de stabilité monétaire. Le change est techniquement très important dans un
processus de blanchiment, car, l'une des grandes opérations ou
étapes du blanchiment est celle consistant en la dissimulation de
l'origine de l'argent.
Le souci peut être de rendre le butin moins suspect en
changeant les petites coupures - trop encombrantes quand la somme est
importante - en grosses coupures. Le change est ainsi utilisé
régulièrement par les blanchisseurs.
Cependant, le change est aussi une opération importante
pour l'économie. En effet, il permet aux ressortissants de tous les
Etats de pouvoir commercer entre eux, en convertissant leurs monnaies
respectives grâce au taux de change, d'ailleurs la fonction principale
des marchés des changes est supposée être de faciliter le
règlement des échanges commerciaux.
C'est aussi l'expression de la liberté de se
déplacer, car permettant par exemple au touriste - à la sortie de
son Etat ou alors une fois dans l'Etat d'accueil - de convertir sa monnaie
d'origine en celle en cours dans le pays d'accueil.
Le secteur des changes dans le cadre de la lutte
anti-blanchiment doit être sérieusement contrôlé, en
commençant par l'accès à la profession. En effet, comme le
constate le GAFI, « toute entreprise peut dans le cadre de ses
activités principales, effectuer certaines opérations
financières. L'offre des services de change par les agences de voyage en
constitue un exemple, l'absence des mesures dans ce domaine constituerait dans
le dispositif de lutte anti-blanchiment de capitaux un vide qui pourrait
être exploité par les criminels».
Il est ainsi à noter que les plus anciennes et les plus
banales des institutions non bancaires intervenant dans le processus de
blanchiment sont les bureaux de change qui convertissent les devises. Dans la pratique, l'opération de conversion des
devises ne résout pas le problème de l'argent liquide, mais, une
première transformation a eu lieu, rendant la détection de
l'origine des fonds déjà plus difficile. La conversion
opérée par voie de change pose ainsi un problème analogue
à celui de la détection de l'origine des fonds dans une zone
monétaire. Ainsi, l'accès à cette profession doit
être suffisamment contrôlé. Si les îles et paradis
fiscaux tels Aruba et Liechtenstein attirent le plus des capitaux à
blanchir c'est aussi et surtout parce que les opérations de changes y
sont libres comme le vent. Le plus souvent même,
ces bureaux de changes ne sont pas seulement utilisés au passage par les
blanchisseurs, ils en font partie, ils en constituent souvent un maillon
essentiel.
Ne pas contrôler les changes, c'est accepter du moins,
passivement de tricher avec le blanchiment, pour un Etat. Le rôle des
bureaux de change dans le processus de blanchiment dans les paradis fiscaux et
ailleurs est dû à la déréglementation et à la
libéralisation financières, lesquelles ont également
permis à d'autres institutions non bancaires d'effectuer des
opérations de banques sans pour autant être soumises à une
réglementation dont la rigueur équivaut à celle des
standards d'une réglementation bancaire.
Ainsi, il devient difficile de maîtriser
l'activité de blanchiment, quand on ne maîtrise pas tous ceux qui
peuvent intervenir dans son processus, et pourtant le GAFI constate que
« les changeurs manuels jouent un rôle significatif au
stade du placement ».
L'argent converti en monnaie nationale peut facilement
être réceptionné en banque sans trop de questions. Il est
à préciser que ces changeurs, du fait qu'ils ne sont pas
regardant sur les opérations qu'ils réalisent, contribuent
à renforcer les obstacles à la lutte anti-blanchiment, aux
cotés d'un secret bancaire déjà sacralisé dans
certains Etats.
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