B) Les piliers de la stratégie de marque
muséale
L'Agence du patrimoine immatériel de l'Etat (APIE) pose
les fondements d'une stratégie de marque publique pérenne dans un
document intitulé : « Marques - Développer une
stratégie de marque au service de la modernisation de l'action publique
» (APIE, 2011). Cette entité se propose d'accompagner les
administrations dans l'élaboration de leur stratégie de marque
sans se fourvoyer, et ce, en les faisant bénéficier de son
expertise marketing et juridique.
Selon l'APIE, les composantes de la marque publique sont les
suivantes :
Des valeurs et une promesse : cela recoupe le
concept de proposition de valeur que l'on retrouve dans le privé.
Cependant, à la différence des marques du privé, les
marques publiques ont des valeurs communes qui doivent refléter celles
de l'Etat. Elles sont généralement « gage de
sérieux, de qualité, de savoir-faire, de fiabilité et de
neutralité » (APIE, 2011). La marque sous-tend en effet un
contrat implicite passé avec le public. L'institution s'engage à
fournir une certaine qualité de service et
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à défendre des valeurs auxquelles le public peut
s'identifier dans une logique de confiance et de fidélisation. Si cette
promesse est rompue, l'identité de marque du musée peut en
être ébranlée. La politique expansionniste de la Fondation
Guggenheim, rebaptisée par certaines voix discordantes « Mc
Guggenheim », a entaché l'image du musée. La
stratégie de diversification géographique et le choix
d'expositions jugées trop commerciales semblent porter préjudice
à la proposition de valeur de la Fondation Guggenheim selon le public
(Leclerc, 2015).
Une mémoire : la marque s'inscrit dans
une perspective de long terme. Chaque action de l'institution qui se cache
derrière la marque est ainsi enregistrée dans la mémoire
collective et vient enrichir son historique. On voit ainsi l'importance de
mener des actions cohérentes avec la promesse de marque pour
préserver son image au fil du temps.
Un positionnement, une différence : la
marque doit être différenciante et attractive pour émerger
au sein d'un environnement concurrentiel et caractérisé par une
révision générale des politiques publiques comme nous
l'avons déjà expliqué dans la première partie de
cette revue de littérature.
A noter que le positionnement est une stratégie de long
terme qui précède bien souvent le dépôt de la marque
muséale. Il s'agit simplement d'entériner l'identification et la
différenciation via une marque déposée afin d'en tirer des
bénéfices en termes de financement et de rayonnement. Le Louvre
était déjà auréolé de tout son prestige et
son histoire dans l'esprit des visiteurs avant de devenir une marque
déposée.
Des signes de reconnaissance : il s'agit de
l'identité visuelle propre à la marque, sa charte graphique. Ces
signes permettent d'identifier rapidement la marque et ses actions. Il s'agit
d'un outil de communication essentiel dans un environnement visuel
saturé par les marques et où les consommateurs sont
sur-sollicités. L'étape de la création de
l'identité visuelle est généralement accompagnée
d'une étude des publics, dans le privé, afin d'apprécier
l'accueil et l'interprétation du logo créé. Cependant, les
organisations publiques n'ont pas encore formalisé cette démarche
d'étude des publics au moment de créer leur identité
visuelle ce qui peut potentiellement nuire à sa reconnaissance. Pour
minimiser les risques et assurer une association directe entre le musée
et l'identité visuelle qui la représente, de nombreux
musées optent pour un logo synthétisant leur nom et/ou une
caractéristique architecturale du lieu. C'est le cas du logo du Centre
Pompidou par exemple qui condense le nom du musée et une
représentation stylisée de sa façade pour permettre
l'identification du lieu (Gwenaëlle de Kerret, 2015).
Pour résumer, l'identité de marque devrait donc
se fonder sur les valeurs du musée afin de proposer du sens à un
public de plus en plus exigeant et sollicité. La marque muséale
doit permettre aux visiteurs et aux non-visiteurs d'identifier le musée
voire de s'identifier à l'institution si cette dernière
véhicule des valeurs qui lui correspondent. Comme nous l'avons vu plus
haut, la symbolique joue un rôle de premier ordre dans le secteur
muséal et les institutions gagneraient à capitaliser sur la force
de l'imaginaire propre au lieu et à ses collections afin de construire
un territoire de marque qui fasse sens. Les marques du privé, notamment
les marques de luxe, ont bien conscience que les musées font
autorité en matière de consécration symbolique,
d'où la multiplication des expositions de marques
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de luxe (Jean Paul Gaultier ou Vuitton au Grand Palais par
exemple) afin de sceller leur caractère atemporel et
esthétique.
Le musée doit également veiller à mettre
en avant ses caractéristiques différenciantes,
c'est-à-dire à revendiquer son positionnement, pour assurer son
attractivité (Tobelem, 2011). Dans un monde dominé par les
images, une identité visuelle intelligente est indispensable. Il s'agit
enfin pour le musée de faire preuve d'une grande prudence quant aux
partenariats noués, aux produits dérivés
commercialisés sous la marque du musée, à la
manière de communiquer sur ses actions. Chacune des actions de
l'institution vient s'ajouter à la mémoire de l'identité
du musée et la notoriété n'est pas forcément le
gage d'une bonne réputation comme nous avons pu l'évoquer avec
l'exemple de la Fondation Guggenheim.
Pour mener une politique de marque cohérente, le
musée pourra toujours se reporter à son Projet Scientifique et
Culturel afin de maintenir le cap de son positionnement dans ses
éventuels projets de déploiement. Ce document officialise les
axes stratégiques d'un musée sur cinq ans et constitue donc un
outil de décision important pour toutes les problématiques
liées à la gestion de l'image du musée notamment (Joly,
2009).
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