III) Conclusions et recommandations
A) Bilan de la déclinaison du positionnement
stratégique sur Facebook
Nous avons vu dans la revue de littérature qu'il
existait souvent un décalage entre le positionnement voulu par un
musée et celui réellement perçu par les publics. Nous
avons souligné, dans le cadre de l'étude de cas sur le MNHN, que
ce décalage était dû à la méconnaissance par
les publics de tout l'écosystème des musées du MNHN et
à l'image parfois réductrice des collections du Muséum. En
entreprenant l'analysé sémiologique de la page Facebook du MNHN
lors de quatre périodes distinctes, nous posions comme hypothèse
que ce décalage était provoqué par le discours-même
du musée. En effet, ce dernier est responsable de son image et la
modèle au gré des messages véhiculés sur ses
différents canaux de communication. Notre hypothèse était
que le message de l'institution en lui-même ne traduit peut-être
pas assez clairement le positionnement souhaité, impactant par
conséquent le positionnement perçu. A la lumière de
l'analyse sémiologique, cette hypothèse nous semble en partie
vérifiée. En effet, la non perception du fonctionnement en
réseau du MNHN, est relayée par la ligne éditoriale
adoptée sur les réseaux sociaux. Alors que le MNHN est
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constitué d'une douzaine de sites différents,
rares sont les allusions aux institutions affiliées au Muséum. On
note une surexposition de certains sites, comme le Musée de l'Homme, et
une quasi-absence de mention d'autres sites, notamment tous les musées
et réserves en province. Via la page Facebook du MNHN, on comprend que,
par métonymie, les sites parisiens (Jardin des Plantes,
Ménagerie, Galeries et Parc Zoologique) résument à
eux-seuls le Muséum. Il s'agit là de la plus grosse faille dans
le positionnement véhiculé sur la page Facebook du MNHN.
Plutôt que de dupliquer les posts du Jardin des Plantes,
dont la page a davantage d'abonnés que celle du MNHN et ne souffre pas
d'un déficit de visibilité, la page officielle du MNHN pourrait
être mise à profit pour fédérer le réseau et
mettre en valeur de manière équitable l'ensemble des sites du
Muséum, pas seulement les sites parisiens.
A titre de comparaison, la Smithsonian Institution fait
référence de manière plus équitable et
régulière aux différents musées qui composent son
réseau. Il s'agit d'une référence mentionnée lors
de l'entretien avec la Community manager du MNHN pour son organisation
éclatée, similaire à celle du MNHN. En effet, la
Smithsonian Institution comporte 19 musées, 9 centres de recherche et un
zoo. Le compte Facebook de la Smithsonian Institution est alimenté sur
le schéma « un jour, un musée », c'est-à-dire
que le community manager alterne quotidiennement le musée mis en avant,
permettant une redistribution équitable de la visibilité des
différents sites sur la page Facebook. Dans ce cas précis, le
compte Facebook officiel a bien un rôle fédérateur qui sert
le positionnement en réseau de l'institution et assure
l'équilibre de son identité globale.
En revanche, les composantes du positionnement du MNHN, autres
que le fonctionnement en réseau, sont bien reflétées :
l'expertise scientifique, le respect de la biodiversité et la
défense de la cause animale sont des thèmes évoqués
de manière régulière sur le mur du Muséum. Le
premier axe, celui de l'expertise scientifique est bien transmis sur le compte
Facebook officiel, notamment grâce à des contenus de
qualité, documentés et illustrés par une iconographie
émanant, dans la grande majorité des publications, directement du
MNHN. En effet, Eva Venancio a rappelé lors de notre entretien que le
MNHN disposait de sa propre photothèque et d'une équipe
dédiée à la conception vidéo. Ces contenus
audiovisuels sont un gage d'indépendance pour l'institution, ce qui
vient renforcer son positionnement d'expert. Les deux derniers axes, le respect
de la biodiversité et la défense de la cause animale, sont
particulièrement intéressants à valoriser car ils
suscitent souvent le débat et dynamisent les indicateurs
d'interactivité. Le community manager a dans ce cas un rôle
d'éducateur, visant à montrer les bonnes pratiques en termes de
ton et de codes à adopter en commentaires, sans automatiquement censurer
les internautes. La défense de la cause animale, par exemple, est un
thème qui génère de nombreux commentaires d'internautes
impliqués dans le sujet. Le post du 16 février, relatif à
un partenariat entre la douane française et le Muséum dans un cas
de trafic d'animaux empaillés qui viendront finalement enrichir les
collections du MNHN, a donné lieu à des commentaires critiques
(« Comment peut-on accepter même dans un musée de
récupérer ces animaux empaillés alors qu'ils sont
protégés ; pour ma part j'aurais refusé ces bêtes
car c'est encore inciter au commerce » ou encore : « Et bien
apparemment ça arrange quand même le Museum... Il y a quelque
chose qui me gêne dans cette histoire...») qui auraient pu
faire l'objet d'une réponse de la part du
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Muséum afin de clarifier sa position sur le sujet. Car
une interactivité accrue suppose davantage de vigilance dans la
modération des échanges, notamment pour une institution telle que
le MNHN, gage d'expertise scientifique. Lors de l'analyse, nous avons
relevé un exemple flagrant de commentaires qui auraient dû
être tout bonnement supprimés pour leur caractère
malhonnête et hors sujet. Hormis ce cas exceptionnel, une intervention du
MNHN aurait été souhaitable dans plusieurs cas isolés
où les commentaires, sans appeler une réponse péremptoire
du Muséum, constituaient une occasion pour l'institution d'ouvrir le
dialogue, voire de jouer la carte de l'humour et de l'autodérision. Un
post annonçant la publication d'une édition scientifique du MNHN
sur les mollusques a par exemple inspiré à un internaute le
commentaire suivant : « Au Muséum il n'y a que des mollusques
... » qui aurait pu faire l'objet d'une réponse du même
registre de la part du Muséum. De manière générale
le MNHN répond rarement aux commentaires des internautes. Il s'agit
là d'un choix éditorial qui laisse une grande marge de manoeuvre
aux commentateurs et qui peut se justifier étant donnée
l'importance de la notion de participation dans les projets scientifiques du
Muséum. Toutefois une modération et une animation un peu plus
actives de la communauté pourraient accompagner cette participation sans
forcément la museler.
Un autre élément constitutif du positionnement
souhaité, celui de la diversité des activités et des
collections du MNHN, est bien reflété sur le compte Facebook. On
note une alternance dans les actualités du Muséum
évoquées : les publications scientifiques, les expéditions
d'experts, les expositions ou événements à venir, la
présentation des différents métiers du MNHN, etc. Autant
de posts qui permettent de donner une vision englobante et assez
complète des missions du Muséum. Il est donné à
comprendre que ce dernier ne se contente pas d'exposer des « squelettes de
dinosaures » comme le voudrait l'imaginaire collectif.
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