Section II : Une Cour à compétence
personnelle relativement libérale
La compétence rationae personae de la Cour
africaine est relativement libérale par rapport à celle des Cours
européenne et interaméricaine. Afin d'appréhender cette
compétence personnelle de la Cour africaine, les développements
suivants concerneront successivement la compétence personnelle de la
Cour au regard du demandeur (Paragraphe I) et la compétence personnelle
de la Cour au regard du défendeur (II).
66 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 237.
67 Ibid., p. 237.
68 Ibid., p. 237.
69 Ibid., p. 238.
![](La-cour-africaine-des-droits-de-l-homme-et-des-peuples-entre-originalites-et-incertitudes30.png)
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Paragraphe I : Une compétence personnelle au regard
du demandeur
Aux termes de l'article 5 du Protocole, « 1. Ont
qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ; b) l'Etat partie qui a
saisie la Commission ; c) l'Etat partie contre lequel une plainte a
été introduite ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est
victime d'une violation des droits de l'homme ; e) les organisations
inter-gouvernementales africaines. »
A la lecture de ce paragraphe on s'aperçoit que le
Protocole a libéralisé l'accès à la Cour même
s'il faut relativiser ce caractère libéral quand on sait qu'aux
termes de cette même disposition les individus et les organisations non
gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la
Commission ne peuvent y accéder que sous certaines
conditions70.
A titre de comparaison, dans le système
européen, avant l'adoption des Protocoles n° 9 et n° 11, seuls
la Commission européenne des droits de l'homme et les Etats parties
à la Convention européenne avaient le droit de saisir la Cour.
Désormais, depuis l'entrée en vigueur du Protocole71
n° 11 modifiant fondamentalement le système institutionnel de
contrôle du respect des droits de l'homme garantis par la Convention,
tant les Etats parties que les individus, groupes d'individus ou ONG peuvent
saisir la Cour sans qu'il ne soit nécessaire que l'Etat ou les Etats
parties concernés n'acceptent au préalable la compétence
de la Cour72 qui est désormais obligatoire.
Dans le système interaméricain, seuls la
Commission interaméricaine des droits de l'homme et les Etats parties
à la Convention américaine des droits de l'homme ont le droit de
saisir la Cour interaméricaine des droits de l'homme73.
Le Protocole de Ouagadougou prévoit donc d'une part,
une compétence personnelle obligatoire de la Cour africaine
pour toutes les affaires portées devant elle par la Commission et une
certaine catégorie d'Etats parties à savoir l'Etat partie qui a
saisie la Commission, l'Etat partie contre lequel une plainte a
été introduite, l'Etat partie dont le ressortissant est victime
d'une violation des droits de l'homme et aussi une organisation
intergouvernementale africaine. D'autre part, il prévoit une
compétence personnelle facultative de la Cour en ce qui
concerne les affaires émanant des individus et des ONG.
70 Ce point ferra l'objet d'un développement
particulier et plus approfondi plus loin.
71 Le Protocole n° 11 de la Convention
européenne des droits de l'homme est entré en vigueur le 01
novembre 1998.
72 Voir à ce sujet les articles 33 et 34 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
73 Article 62 de la Convention américaine :
« 1. Seuls les Etats parties à la présente Convention et
la Commission ont qualité pour saisir la Cour. 2. [...] ».
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En effet, une interprétation de l'article 5 du
Protocole, nous permet d'identifier et de distinguer trois catégories
d'affaires pouvant être portées devant la Cour en fonction de la
qualité des demandeurs et auxquelles s'étend sa compétence
personnelle en matière contentieuse.
La première catégorie est relative aux affaires
ayant déjà fait l'objet d'un traitement devant la Commission et
ensuite portées devant la Cour soit par la Commission elle-même
soit par l'Etat partie qui a saisie la Commission, soit par l'Etat partie
contre lequel la plainte a été introduite devant la Commission ou
soit par l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des
droits de l'homme et portée devant la Commission74.
La deuxième catégorie d'affaires recouvre celles
portées directement à la Cour par un Etat ou par une organisation
« intergouvernementale africaine » sans saisine préalable de
la Commission. OUGUERGOUZ fatsah affirme à cet effet que « le
libellé de l'article 5. 1 (d) est suffisamment vague pour autoriser la
saisine de la Cour par un Etat dont un ressortissant est victime d'une
violation d'un droit, que la Commission ait été ou non
préalablement saisie de cette violation »75.
La troisième catégorie d'affaires concerne
celles soumises directement à la Cour par un individu ou une
organisation non gouvernementale sans que la Commission n'ait été
saisie. C'est ce qui ressort explicitement du paragraphe 3 de l'article 5 du
Protocole qui dispose que :
« La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux
organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement
devant elle, conformément à l'article 34(6) du Protocole
»76.
Il faut donc relever que le Protocole n'exige pas de
l'individu et de l'ONG qu'ils soient la victime de la violation
invoquée. Et ils peuvent tout aussi invoquer les dispositions de «
tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par
les Etats concernés ». Il suffit qu'ils aient un
intérêt direct pour saisir la Cour.
74 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 229.
75 Ibid., p. 229.
76 L'article 34(6) se lit comme suit : « A
tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole,
l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la
Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article
5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête
en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait une telle déclaration ».
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Au regard de ce qui précède, on se rend compte
que la Cour africaine dispose d'un pouvoir d'appréciation de sa
compétence personnelle à l'égard du demandeur par
référence à l'article 3 relatif à sa
compétence du Protocole.
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