Paragraphe II : Une succession relativement
assurée
Ainsi qu'il a été précédemment
exposé, lorsque le Protocole de Sharm el-Sheikh amendé par le
Protocole de Malabo entrera en vigueur et sera mise en oeuvre, l'actuelle Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples cessera d'exister et sera
remplacée par la Section des droits de l'homme et des peuples.
Cependant, cette Section aura le pouvoir de connaitre de toutes les questions
relatives aux droits de l'homme dont elle sera saisie. C'est ce qui
résulte de l'article 17 (2) du Statut de la Cour, annexé au
Protocole de Sharm el-Sheikh : « La Section des droits de l'homme et
des peuples est saisie de toute affaire relative aux droits de l'homme et/ou
des peuples ». Cette position est retenue par le Statut annexé
au Protocole de Malabo en ces mêmes termes. Il ressort de cette
disposition que la compétence de la Section des droits de l'homme de la
future Cour unique est à l'instar de celle de l'actuelle Cour africaine,
extensive et libérale. C'est ce que vient d'ailleurs confirmer l'article
28 (c) du Statut annexé au Protocole de la Cour unique, qui
précise que : « La compétence de la Cour s'étend
à toutes les affaires et à tous les différends d'ordre
juridique qui lui seront soumis conformément au présent Statut et
ayant pour objet : [...],
c) l'interprétation et l'application de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme
ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels
sont parties les Etats concernés, [...] ». Au vu de ce qui
précède et à la lecture de cette disposition, on se rend
compte que la compétence rationae materiae de la Section des
droits de l'homme et des peuples de la future Cour est identique à celle
de l'actuelle Cour. La succession est donc sur ce point garantie.
Concernant la question de la saisine directe de la Section par
les individus et les organisations non gouvernementales ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission, il n'y pas eu d'évolution.
En effet, le Protocole de Sharm el-Sheikh retient la même exigence que le
Protocole de Ouagadougou. Selon l'article 8(3) du Protocole de la Cour unique :
« Tout Etat partie au moment de la signature ou du dépôt
de son instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre
période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire
une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir
les requêtes énoncées à l'article 30 (f) [...]
». Et cet article 30 (f) du statut de la Cour annexé au
Protocole dispose que : « Les entités suivantes ont
également qualité à saisir la Cour de toute violation d'un
droit garantie par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
[...] ou par tout autre instrument
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juridique pertinent relatif aux droits de l'homme,
auxquels sont parties les Etats concernés : [...]
f) les personnes physiques et les organisations non
gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de ses
organes ou institutions, sous réserve des dispositions de l'article 8 du
Protocole ». Ces deux articles s'inscrivent donc dans la logique des
articles 5 (3) et 34 (6) du Protocole de Ouagadougou précités. A
ce niveau également, la Section héritera de la pratique de
l'actuelle Cour même s'il est remarquable et regrettable qu'il n'ya
aucune évolution sur la question malgré les reformes.
Il est donc frappant de constater qu'il ya une
compétence matérielle extensive reconnue à la Section des
droits de l'homme et des peuples de la future Cour. Et qu'il y a
également une limitation de l'accès à ladite Section aux
principaux bénéficiaires des droits garantis comme c'est le cas
de l'actuelle Cour. Cela constitue donc une limite majeure et une restriction
considérable à la protection des droits de l'homme sur le
continent africain.
Enfin, la période de transition de la Cour Africaine
des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice, des
droits de l'homme et des peuples s'avère bien encadrée par le
Protocole de Sharm el-Sheikh tel qu'amendé par celui de Malabo. En
effet, s'agissant de la question de la validité du Protocole de
Ouagadougou, l'article 7 du Protocole de Sharm er-Sheikh précise qu'il
« [...] reste en vigueur pendant une période transitoire
n'excédant pas un (1) an ou toute autre période
déterminée par la Conférence, après l'entrée
en vigueur du présent Protocole, pour permettre à la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples de prendre les mesures
appropriées pour le transfert de ses prérogatives, de ses biens
et de ses obligations à la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme ». Concernant le mandat des juges de l'actuelle Cour,
l'article 5 du Protocole de Malabo qui a modifié l'article 4 du
Protocole de Sharm el-Sheikh indique : « 1. A l'entrée en
vigueur du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des
droits de l'homme, le mandat et la nomination des juges de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples prennent fin ». Cependant
l'alinéa 2 du même article poursuit que « [...] les juges
de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples demeurent en poste
jusqu'à ce que les juges de la Cour africaine de justice, des droits de
l'homme et des peuples prêtent serment ». Pour ce qui est des
affaires pendantes devant la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples au moment de l'entrée en vigueur du Protocole de la Cour unique,
l'article 6 dudit Protocole stipule qu' « au moment de la
rentrée en vigueur du présent Protocole, toute affaire touchant
tout pays qui avait déjà été
entamée, [...], se poursuit devant la Section
appropriée de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des
peuples ». Le Greffier de l'actuelle Cour restera également en
fonction jusqu'à la nomination d'un nouveau greffier140 et le
personnel de la Cour sera incorporé dans le greffe de la nouvelle Cour
pour le reste de leur contrat de travail141.
Dès lors, tous ces éléments nous
permettent d'affirmer que la succession est assurée. Reste donc à
espérer que la mise en place de la future Cour africaine de justice, des
droits de l'homme et des peuples ne sera pas un outil restrictif des droits de
l'homme sur le continent africain. Au contraire on espère que la
prochaine reforme permettra aux individus, aux groupes d'individus et aux ONG,
à l'image de la Cour européenne des droits de l'homme de saisir
cette Cour pour une meilleur protection des droits de l'homme en Afrique.
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140 Voir Protocole de Sharm el-Sheikh préc., art. 7
141 Idem.
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