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La cour africaine des droits de l'homme et des peuples entre originalités et incertitudes.

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par Mamadou Alpha Kokouma DIALLO
Angers  - Master 1 Droit international et européen 2015
  

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Paragraphe II : Une succession relativement assurée

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, lorsque le Protocole de Sharm el-Sheikh amendé par le Protocole de Malabo entrera en vigueur et sera mise en oeuvre, l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples cessera d'exister et sera remplacée par la Section des droits de l'homme et des peuples. Cependant, cette Section aura le pouvoir de connaitre de toutes les questions relatives aux droits de l'homme dont elle sera saisie. C'est ce qui résulte de l'article 17 (2) du Statut de la Cour, annexé au Protocole de Sharm el-Sheikh : « La Section des droits de l'homme et des peuples est saisie de toute affaire relative aux droits de l'homme et/ou des peuples ». Cette position est retenue par le Statut annexé au Protocole de Malabo en ces mêmes termes. Il ressort de cette disposition que la compétence de la Section des droits de l'homme de la future Cour unique est à l'instar de celle de l'actuelle Cour africaine, extensive et libérale. C'est ce que vient d'ailleurs confirmer l'article 28 (c) du Statut annexé au Protocole de la Cour unique, qui précise que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires et à tous les différends d'ordre juridique qui lui seront soumis conformément au présent Statut et ayant pour objet : [...],

c) l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats concernés, [...] ». Au vu de ce qui précède et à la lecture de cette disposition, on se rend compte que la compétence rationae materiae de la Section des droits de l'homme et des peuples de la future Cour est identique à celle de l'actuelle Cour. La succession est donc sur ce point garantie.

Concernant la question de la saisine directe de la Section par les individus et les organisations non gouvernementales ayant le statut d'observateur auprès de la Commission, il n'y pas eu d'évolution. En effet, le Protocole de Sharm el-Sheikh retient la même exigence que le Protocole de Ouagadougou. Selon l'article 8(3) du Protocole de la Cour unique : « Tout Etat partie au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 30 (f) [...] ». Et cet article 30 (f) du statut de la Cour annexé au Protocole dispose que : « Les entités suivantes ont également qualité à saisir la Cour de toute violation d'un droit garantie par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples [...] ou par tout autre instrument

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juridique pertinent relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats concernés : [...]

f) les personnes physiques et les organisations non gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de ses organes ou institutions, sous réserve des dispositions de l'article 8 du Protocole ». Ces deux articles s'inscrivent donc dans la logique des articles 5 (3) et 34 (6) du Protocole de Ouagadougou précités. A ce niveau également, la Section héritera de la pratique de l'actuelle Cour même s'il est remarquable et regrettable qu'il n'ya aucune évolution sur la question malgré les reformes.

Il est donc frappant de constater qu'il ya une compétence matérielle extensive reconnue à la Section des droits de l'homme et des peuples de la future Cour. Et qu'il y a également une limitation de l'accès à ladite Section aux principaux bénéficiaires des droits garantis comme c'est le cas de l'actuelle Cour. Cela constitue donc une limite majeure et une restriction considérable à la protection des droits de l'homme sur le continent africain.

Enfin, la période de transition de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples s'avère bien encadrée par le Protocole de Sharm el-Sheikh tel qu'amendé par celui de Malabo. En effet, s'agissant de la question de la validité du Protocole de Ouagadougou, l'article 7 du Protocole de Sharm er-Sheikh précise qu'il « [...] reste en vigueur pendant une période transitoire n'excédant pas un (1) an ou toute autre période déterminée par la Conférence, après l'entrée en vigueur du présent Protocole, pour permettre à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de prendre les mesures appropriées pour le transfert de ses prérogatives, de ses biens et de ses obligations à la Cour africaine de justice et des droits de l'homme ». Concernant le mandat des juges de l'actuelle Cour, l'article 5 du Protocole de Malabo qui a modifié l'article 4 du Protocole de Sharm el-Sheikh indique : « 1. A l'entrée en vigueur du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, le mandat et la nomination des juges de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples prennent fin ». Cependant l'alinéa 2 du même article poursuit que « [...] les juges de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples demeurent en poste jusqu'à ce que les juges de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples prêtent serment ». Pour ce qui est des affaires pendantes devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples au moment de l'entrée en vigueur du Protocole de la Cour unique, l'article 6 dudit Protocole stipule qu' « au moment de la rentrée en vigueur du présent Protocole, toute affaire touchant tout pays qui avait déjà été

entamée, [...], se poursuit devant la Section appropriée de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples ». Le Greffier de l'actuelle Cour restera également en fonction jusqu'à la nomination d'un nouveau greffier140 et le personnel de la Cour sera incorporé dans le greffe de la nouvelle Cour pour le reste de leur contrat de travail141.

Dès lors, tous ces éléments nous permettent d'affirmer que la succession est assurée. Reste donc à espérer que la mise en place de la future Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples ne sera pas un outil restrictif des droits de l'homme sur le continent africain. Au contraire on espère que la prochaine reforme permettra aux individus, aux groupes d'individus et aux ONG, à l'image de la Cour européenne des droits de l'homme de saisir cette Cour pour une meilleur protection des droits de l'homme en Afrique.

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140 Voir Protocole de Sharm el-Sheikh préc., art. 7

141 Idem.

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