Section IV : La responsabilité disciplinaire
:
La loi réglementant la profession d'expert-comptable,
donne compétence aux conseils régionaux de l'ordre et au conseil
national, par voie d'appel, pour exercer à l'égard des
experts-comptables et de leurs sociétés, le pouvoir disciplinaire
ordinal pour toutes fautes professionnelles ou toute contravention aux
dispositions légales et réglementaires, auxquelles l'expert
comptable est soumis dans l'exercice de sa profession31. Ainsi, la
responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes peut être
engagée dans trois situations :
1. Violation des règles professionnelles qui
résulte du manquement du professionnel à ses obligations, telles
que édictées par le code des devoirs professionnels, et de toute
atteinte aux règles de l'honneur, de la probité et de la
dignité dans l'exercice de la profession ;
2. Non respect des lois et règlements applicables au
commissaire aux comptes dans l'exercice de sa profession et prévus par
les différents textes qui lui sont applicables ;
3. Atteinte aux règles et règlements
édictés par l'ordre, à la considération ou au
respect dus institutions ordinales ;
31 Article 66 de ladite Loi.
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
Les peines disciplinaires prévues par l'article 68 de
la même loi consistent dans :
- L'avertissement ;
- Le blâme ;
- La suspension pour une durée de 6 mois au maximum ; - La
radiation du tableau ;
Le conseil peut également décider que l'expert
comptable fautif ne pourra se présenter à des fonctions
électives au sein de l'ordre pour une durée de 10 ans.
Les peines du blâme et de l'avertissement peuvent
être assorties selon l'article 70 d'une amende de 10.000 DH perçue
au profit des oeuvres de prévoyances de l'ordre.
Les organes disciplinaires sont en première instance le
conseil régional de l'ordre et en appel le conseil national. De
même, cette action disciplinaire ne fait pas obstacle à l'action
du ministère public ni à celle des particuliers devant les
tribunaux. L'action disciplinaire vise ainsi à assurer l'ordre interne
au sein du groupe des experts comptables, et à protéger les tiers
en rapport avec les membres de l'ordre dans l'accomplissement de la mission
confiée à ce dernier.
En conséquence, les dispositions légales
régissant le champ juridique du contrôle légal ainsi que le
statut professionnel du commissaire aux comptes et de son organisation
professionnelles, se situent, à bien des égards, aux niveaux des
législations internationales.
Cependant, certaines adaptations et compléments
s'avèrent utiles pour une meilleure adéquation avec le contexte
local et clarification du cadre juridique.
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
Cas n°1 :
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Analyse et Jurisprudence
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« Commissaire aux comptes : Exercice de la profession
malgré une incompatibilité légale. »
Crim, 16 juin 2010, bull. Crim. 2010, n° 110, pourvoi
n° 09-81.813 France.
La loi de la sécurité financière
distingue les incompatibilités dites générales, des
incompatibilités dites spéciales.
Les fonctions du commissaire aux comptes sont incompatibles :
1° avec toute activité ou tout acte de nature à porter
atteinte à son indépendance ; 2°avec tout emploi
salarié ; 3° avec toute activité commerciale, qu'elle soit
exercée directement ou par personne interposée.
Les incompatibilités spéciales sont
désormais l'objet de l'article L.822-11 du code de commerce qui,
notamment en son I, prohibe la prise d'intérêts par un commissaire
aux comptes dans les termes suivants : « le commissaire aux comptes ne
peut prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un
intérêt auprès de la personne ou de l'entité dont il
est chargé de certifier les comptes, ou auprès d'une personne qui
la contrôle ou qui est contrôlée par elle »
Dans cet arrêt, la chambre criminelle précise
pour la première fois, au regard de la loi précitée de
2003, les éléments constitutifs du délit d'exercice des
fonctions de commissaire aux comptes malgré une incompatibilité
légale prévu à l'article L.820-6 du code de commerce.
Aux terme de cet article : « est puni d'un emprisonnement
de six mois et d'une amende de 7 500 euros le fait pour toute personne
d'accepter, d'exercer ou de conserver les fonctions de commissaire aux comptes,
nonobstant les incompatibilités légales, soit en son nom
personnel, soit au titre d'associé dans une société de
commissaire aux comptes ».
Dans les faits de l'espèce, un commissaire aux comptes
était poursuivi sur le fondement des articles L.820-6 et L.822-10
précités pour avoir bénéficié gracieusement
de séjours de thalassothérapie dans un hôtel
exploité par une filiale de la société dont il certifiait
les comptes. Pour le déclarer coupable de ces chefs, l'arrêt
relevait que le prévenu soit profité, en connaissance de cause,
d'un avantage financier « le plaçant nécessairement dans une
situation susceptible
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
d'altérer son indépendance à
l'égard de la société qu'il avait pour mission de
contrôler ».
Par cette motivation, la cour d'appel reconnaissait
implicitement que l'article L.822-10 était suffisamment précis
pour fonder une condamnation pénale et qu'il appartenait aux juges du
fond d'apprécier souverainement les situations ou activités de
nature à porter atteinte à l'indépendance du commissaire
aux comptes.
Cette analyse rejoignait celle du conseil d'Etat qui a
jugé, dans une espèce où le requérant soutenait que
le principe de légalité des infractions et des peines s'opposait
à ce que le haut conseil du commissariat aux comptes pût lui
infliger une sanction fondée sur la méconnaissance de l'article
L.225-222 du code de commerce, que pour ce qui concerne les sanctions
susceptibles d'être infligées aux membres des professions
réglementées, y compris celles revêtant un caractère
disciplinaire, le principe de la légalité des délits est
satisfait, dès lors que les textes applicables font
référence à des obligations auxquelles les
intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils
exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de
l'institution dont ils relèvent.
Adoptant une conception rigoureuse du principe de la
légalité des infractions, la chambre criminelle censure
l'arrêt de la cour d'appel : dès lors que les juges du fond
caractérisaient une situation de prise d'intérêt par le
commissaire aux comptes, ils ne pouvaient qualifier cette situation
d'incompatibilité légale sans rechercher si cette prise
d'intérêt état prohibée par l'article L.822-11 du
code de commerce.
La chambre juge ainsi que le texte pénal ne peut
s'appliquer que pour autant que le comportement du commissaire aux comptes
enfreint les règles définies par l'article L.822-11 qui
détermine les conditions dans lesquelles le commissaire aux comptes ne
peut « prendre, recevoir ou conserver un intérêt
auprès d'une personne qui est contrôlée par celle dont il
est chargé de certifier les comptes ».
Or, l'article L.822-11 ne prohibe la prise
d'intérêt par un commissaire aux comptes dans une
société filiale de la société dont il certifie les
comptes que si les liens de contrôle existant entre ces deux
sociétés sont ceux prévus à l'article L.233-3 du
code de commerce.
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
Cas n° 2 :
« Responsabilité des commissaires aux comptes :
divergence de vue et de méthode au sein de la commission des sanctions
de l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) Décision B du
29 juin 2012 et C du 19 juillet 2012 »
Les commissaires aux comptes de sociétés
cotées, dans la mesure où ils délivrent
régulièrement des informations au marché (rapport de
certification sur les comptes annuels, attestation sur les comptes semestriels,
avis sur des notes d'opération), sont soumis à l'autorité
du régulateur boursier pour le respect des règles qu'il
édicte à cet égard.
A ce titre, la commission des opérations de bourse a pu
prononcer des sanctions à leur encontre au titre de la communication au
public d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses, qui ont
été confirmées tant par la cour d'appel de Paris en
200032 que par la cour de cassation en 200633.
Il pèse ainsi sur eux une responsabilité
administrative depuis une quinzaine d'années qui est venue s'ajouter aux
responsabilités civile, pénale et disciplinaire qu'ils assumaient
déjà.
C'est désormais sur le fondement de l'article 632-1 du
RGAMF (Règlement général de l'AMF) que la Commission des
sanctions de l'AMF sanctionne les commissaires aux comptes, personnes physiques
(associés signataires) comme personnes morales, pour manquement à
bonne information du public dans l'exercice de leur fonction : « Toute
personne doit s'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des
informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont
susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou
trompeuses sur des instruments financiers, y compris en répandant des
rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que
cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations
étaient inexactes ou trompeuses f...] ».
A cet égard, la Commission des sanctions a rendu
récemment deux décisions singulières en la matière
en ce qu'elles révèlent une divergence d'analyse entre ses deux
sections, et par là, une ambiguïté certaine concernant
l'appréciation de
32 CA Paris, 1ère ch, sect. H, 7
mars 2000.
33 Cass, com, 11 juillet 2006, n°05-18.528.
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
la responsabilité des commissaires aux comptes au
regard de l'article 632-1 du RGAMF34.
Le 29 juin 2012, la première section de la Commission
des sanctions a rendu une décision relative à l'information
financière de la société B35 : cette
dernière et son dirigeant ont été sanctionnés au
titre de la publication des comptes arrêtés pour les exercices
2006 à 2008, sur le fondement de la violation des normes JAS 17 relative
aux engagements au titre des contrats de location, et JAS 24 sur les
informations relatives aux parties liées qui avaient été
omises, ainsi que sur l'absence de publication du rapport des commissaires aux
comptes sur les comptes consolidés de l'exercice 2007.
En revanche, les commissaires aux comptes, qui avaient
été renvoyés devant la Commission des sanctions pour avoir
certifié sans réserve les comptes 2006, 2007 et 2008 comportant
pourtant les erreurs et omissions comptables sus évoquées, n'ont
pas été sanctionnés, la première section n'ayant
relevé aucune anomalie significative dans ces comptes susceptible de les
alerter sur la régularité et la sincérité de
l'information financière délivrée par la
société B.
Les commissaires aux comptes de la société C
n'ont pas bénéficié d'une telle mansuétude de la
part de la deuxième section de la Commission des sanctions36.
Par la décision rendue le 19 juillet 2012, la société C,
le président du Directoire et celui du Conseil de surveillance ont
été sanctionnés notamment au titre de leur obligation
d'information, d'une part, pour être restés muets sur les
conséquences du non-respect par la société de ses
engagements bancaires, et, d'autre part, pour avoir violé les normes IAS
10, en surévaluant de cinq millions d'euros le chiffre d'affaires de la
société, et IAS 36, en valorisant son catalogue d'oeuvres
audiovisuelles sur la base d'hypothèses non raisonnables.
C'est en substance pour avoir omis d'alerter dans leur rapport
sur le caractère volontariste des hypothèses retenues par
l'émetteur pour valoriser son principal actif incorporel que la
deuxième section de la Commission a également sanctionné
les deux commissaires aux comptes de la société C, à
hauteur de 50.000 euros pour les associés signataires, 50.000 et 150.000
euros pour leurs cabinets, sur le fondement des NEP (Normes d'Exercices
Professionnels) 2-420
34 V. notamment L'AMF traque l'information
financière inexacte, Option Finance, 3 septembre. 2012, P 18.
35 AMF CDS, 29 juin 2012, Société B,
36 AMF CDS, 19 juillet 2012 Note Jean Philipe
Pons-henry et Gildas Robert.
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
et 540, qui leur imposaient de vérifier le
caractère documenté et raisonnable desdites hypothèses.
Force est de constater qu'une ambiguïté manifeste
transparaît de la motivation de la décision C rendue par la
deuxième section de la Commission des sanctions, éclairée
par celle de la décision B rendue par la première section.
En effet, dans la décision C, la deuxième
section justifie sa position en affirmant que les commissaires aux comptes ont
commis un manquement en ce qu'ils « n'ont pas agi avec toute la
diligence requise afin de s'assurer, conformément à leur mission
légale, que l'émetteur avait rempli ses propres obligations
».
Une telle motivation, que le H3C aurait certes pu s'approprier
à l'occasion d'une action disciplinaire, reste cependant sans rapport
apparent avec le manquement qu'il s'agissait -ou non- de caractériser,
c'est-à-dire la diffusion personnelle par les commissaires aux comptes
d'une information fausse ou trompeuse. La Commission des sanctions
procède ce faisant à une interprétation excessivement
extensive de l'article 632-1 du RGAMF, ce qui la conduit en substance à
juger le manquement comme caractérisé à l'égard des
commissaires aux comptes, par une forme de complicité du manquement
commis par l'émetteur.
Pourtant, dans la décision B, la première
section de la Commission des sanctions suit un raisonnement différent
qui devrait selon nous présider à la recherche de la
responsabilité d'un commissaire aux comptes sur le fondement de
l'article 632-1 du RGAMF, c'est-à-dire qui doit s'attacher à
examiner la qualité de l'information qu'il a lui-même
communiquée en délivrant son opinion sur la
sincérité des comptes de l'émetteur.
En effet, pour déterminer l'étendue de la
mission des commissaires aux comptes, la première section de la
Commission s'est d'abord reportée à l'article L.823-9 du code de
commerce, selon lequel ces derniers « certifient, en justifiant de
leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et
sincères et donnent une image fidèle » de la
société. Puis elle en a apprécié la portée
au regard de la NEP 320, en vertu de laquelle les commissaires aux comptes
doivent s'assurer que « les comptes pris dans leur ensemble ne
comportent pas d'anomalies significatives par leur montant ou par leur nature
».
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
En d'autres termes, c'est bien la teneur du rapport du
commissaire aux comptes qui doit être appréciée, en
évaluant la pertinence de la certification accordée et des
observations éventuellement formulées à l'aune des NEP
pertinentes. Ce n'est en revanche que dans un second temps et si l'information
délivrée dans le rapport apparaît fausse ou à toute
la moins trompeuse, qu'il convient d'examiner si sur la base d'un niveau de
diligences conforme à ses obligations professionnelles, le commissaire
aux comptes aurait dû prendre conscience du caractère faux ou
trompeur de la teneur de son rapport.
A l'inverse, dans la décision C, pour motiver la
sanction des commissaires aux comptes, la deuxième section de la
Commission des sanctions se limite au deuxième temps du raisonnement, en
se bornant pour l'essentiel à constater qu'ils n'avaient pas entrepris
les diligences appropriées pour s'assurer du caractère
raisonnable des hypothèses retenues par la société dans le
cadre du test de dépréciation de son catalogue de droits
audiovisuel. La Commission ne semble donc pas avoir apprécié si
la teneur de l'observation formulée à cet égard dans leur
rapport suffisait ou non à écarter le risque que leur opinion sur
les comptes puisse être considérée comme trompeuse.
Il n'est pas dit pour le coup qu'un examen plus rigoureux
aurait conduit la deuxième section de la Commission des sanctions
à modifier son opinion sur la responsabilité des commissaires aux
comptes de C. Mais il aurait eu le mérite de confirmer la portée
de la clarification salutaire que l'on avait cru déceler
antérieurement dans la décision B quant au régime de la
responsabilité des commissaires aux comptes au regard des dispositions
de l'article 632-1 du RGAMF.
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