Conclusion
Le commissariat aux comptes représente une
réflexion continue et renouvelée qui doit être constamment
modelée en fonction du développement des exigences des
entreprises et des pouvoirs publics.
De nouvelles interrogations ne cessent d'agiter la
matière ; les quelques questions qu'avec beaucoup de prudence,
nécessitent que des personnalités compétentes puissent
leur donner au moins une substance, sinon une réponse.
Prenons donc acte des axes essentiels de ce
développement récent du commissariat aux comptes. Ils permettent
d'identifier la problématique du futur à propos duquel il faut
s'interroger.
Nous retiendrons d'abord les progrès de la mission de
base du contrôleur légal des comptes, la certification. D'abord
son approfondissement : il a fallu attendre 1993 pour voir introduire dans
l'ordre juridique les principes comptables au moins certains d'entre eux. C'est
une consécration bien nécessaire pour le droit comptable.
Ensuite l'extension de la mission : depuis que la taille
économique, et non plus la forme juridique, constitue le critère
de l'intervention du commissaire aux comptes, à la notable exception des
sociétés par action, il était évident que cette
exception serait un jour ou l'autre remise en cause. La question est devenue
brûlante, et elle fera certainement l'objet de large d'ébats entre
les groupes possédant le pouvoir législatif.
Le deuxième trait que nous relevons dans cette
dynamique du commissariat aux comptes : est la prolifération, dans la
législation, des missions particulières, c'est-à-dire
celles qui s'ajoutent à la certification des comptes annuels. Le
développement de l'institution a suivi les errements traditionnels du
droit, ceux d'un légalisme sans doute excessif, au service d'une
tendance permanente à verser dans l'interventionnisme administratif.
A partir de l'abondant -justifié- de l'ancienne
conception, selon laquelle le commissaire aux comptes était le
mandataire des actionnaires, chargé de
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protéger leurs seuls intérêts, il
était peut être inévitable que la finalité du
contrôle légal soit poussé à l'extrême
opposé, de façon aussi critiquable : c'est la tentation de «
la mission d'intérêt public », accepté par les
professionnels par ce que gratifiante. Mais cette conception est grosse du
risque de voir leur image se dégrader à l'égard des
assujettis ne serait-ce parce qu'au Maroc, l'intérêt public, c'est
celui de l'État, autrement dit, c'est la politique du moment. De plus,
le contrôle légal des comptes risque alors de s'éparpiller
et même de se dissoudre dans un contrôle légal
généralisé. En dernier lieu, nous retiendrons de cette
évolution d'une dizaine d'années la construction d'un corps
professionnel suffisamment structuré pour bénéficier d'une
consistante délégation des pouvoirs de l'État. Que la
spécificité de la mission de contrôle légal impose
de toute façon des règles propres pour la mission et pour le
statut de celui qui l'exerce, nous somme tous persuadés.
Ce principe posé, il importe finalement peu qu'il y ait
ou non double appartenance des même professionnels à deux
organisations distinctes. L'autonomie conceptuelle, du contrôle
légal ne fait aucun doute, quelles que soient ses modalités. Du
point de vue de la simplification et de la cohérence du droit, nous
voyons un double avantage au raffermissement d'une autorité
professionnelle spécifique au contrôle légal. D'abord,
l'édiction des normes professionnelles devrait libérer le
législateur des contingences techniques, et modifier l'approche
actuellement encore trop réglementaire de la matière,
l'État se consacrant - enfin !- aux seules dispositions de portée
générale.
Ensuite, en assurant la police de la profession, et notamment
celle du principe cardinale d'indépendance, les instances disciplinaires
devraient finir par alléger la loi de tout l'appareil des règles
d'incompatibilités préventives, à notre sens aussi vaines
dans leurs effets qu'elles sont complexes dans leurs modalités.
Mais ceci ne résoudrait pas pour autant
l'épineuse question du cumul du contrôle légal et du
conseil, dont la seule évocation nous projette dans les interrogations
du futur. Comment, à partir de ce récent passé si bien
rempli, cerner l'avenir ?
Il faut d'abord veiller à faire encore progresser
l'essentiel, c'est-à-dire la certification des comptes annuels. La
prolifération des textes imposant des missions particulières a
aboutit à obscurcir, pour le juriste en tout cas, l'unité de la
mise en oeuvre du contrôle légal. La loi devrait traduire mieux
qu'elle ne le
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Le commissaire aux comptes 2012-2013
fait actuellement la globalité de l'audit annuel. Cette
modernisation devrait se faire en y intégrant trois paramètres
essentiels.
D'abord les progrès - internationaux - de la science
comptable ; ils auront pour effet de compléter et même renouveler
les principes de la matière et imposeront corrélativement de
nouveaux devoirs aux contrôleurs.
Ensuite les progrès de la technique professionnels, eux
aussi internationaux, ne serait-ce qu'en raison de leur diffusion à
l'échelle du monde par les grands réseaux internationaux d'audit
; ceux-ci en sont les acteurs, parce qu'ils ont l'expérience et les
moyens de l'innovation : cet aspect opératoire, de toute première
importance, devra être pris tout particulièrement en compte pour
améliorer la compétence des acteurs et renforcer
l'homogénéité des techniques utilisées.
Enfin, troisième paramètre, et ce n'est pas le
moindre, cette évidence que le contrôle légal doit
répondre aux besoins des entités contrôlées. Dans la
compétition mondiale des plus grande entreprises, on sait le rôle
de l'information financière, où le contrôle légal
doit apporter une garantie indispensable de sécurité.
Le second axe de développement de la mission, que nous
avons déjà évoqué, est celui du control
légal non comptable. Celui-ci se développant, le commissaire aux
comptes devrait-il changer son titre en un autre plus large, celui du
commissaire à la légalité, ou à la
régularité, ou à la continuité de la vie de
l'entreprise ? C'est une spécificité inspirée de la
législation française qui nous place à l'avant-garde des
législations du reste des pays.
Cependant, le commissaire aux comptes demeure le seul capable
à en faire usage et à déterminer la nature des travaux
qu'il sera tenu de réaliser compte tenu des particularités de
chaque mission.
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