Section II- L'examen des recours contentieux au
Cameroun et la portée des décisions de justice
En droit administratif camerounais, l'examen des recours
introduits par le requérant n'est pas en soi conditionné par des
délais. L'examen des requêtes est une procédure qui est
destinée à déboucher sur des mesures définitives et
portant ainsi autorité de la chose jugée (paragraphe 2) .
L'examen des recours contentieux au Cameroun par le juge administratif est
ainsi l'expression profonde de la particularité du procès
administratif par rapport aux autres types de procès, et met ainsi en
exergue de manière assez significative, les pouvoirs du juge
administratif camerounais (paragraphe 1).
115Claude Giverdon, La qualité, condition
de recevabilité de l'action en justice, D.I, 1952, p.85.
116Ibidem
117Maurice Kamto, op.cit., p.21
118Voir dans cette direction, les affaires CS/CA,
Jugement n°75/8283 du 26 mai 1983, Syndicat National des Producteurs
Agricoles et Paysans camerounais contre Etat du Cameroun ; T.E, 8 mars
1963, Sieurs Olle Mathieu et Engamba Emile contre Etat du Cameroun et
Société Forestière du Dja et Lobo
119Voir dans cette direction l'affaire CCA,
Arrêt n°662 du 25 octobre 1957, Kamdem Ninyim Pierre contre Etat
du Cameroun
120Voir dans cette veine, CS/CA, Jugement n°51
du 29 mars 1979, Baba Youssoufa contre Etat du Cameroun
121T.E, Arrêt n°216 du 12 avril 1962, Syndicat
National des Administrateurs civils contre Etat du Cameroun.
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Paragraphe 1- L'examen des recours en contentieux
administratif Camerounais
L'introduction des recours contentieux auprès de la
juridiction administrative camerounaise fait l'objet d'une instruction par le
juge administratif. En effet, l'exploration de l'examen des requêtes
contentieuses nous permet de voir en filigrane, les pouvoirs du juge
relativement dans ses rapports avec l'administration et dans ses rapports avec
les administrés (B). Toutefois, l'instruction a pour objet de
réparer la décision du juge administratif, en l'éclairant
sur l'ensemble des données de fait ainsi que de droit du litige (A).
A- L'instruction des requêtes contentieuses par
le juge administratif au Cameroun
De manière générale, l'instruction des
recours contentieux se caractérise et se traduit par l'examen des
mémoires produits par chacune des parties au procès, dans
lesquels elles développent les moyens destinés à justifier
les conclusions par elle émises, ainsi que par le prononcé des
moyens d'instruction (2). L'instruction des recours en contentieux
administratif camerounais a ainsi un caractère particulier, parce
qu'elle présente des caractéristiques singulières (1).
1- La particularité de l'instruction des
recours en contentieux administratif camerounais
L'instruction des recours en droit administratif camerounais
est assez particulière, car elle présente des
caractéristiques qui se démarquent considérablement de
l'instruction des recours en matière judiciaire. Cette
particularité qui s'articule autour des caractéristiques de
l'instruction des recours contentieux, révèle qu'elle est d'abord
principalement écrite, c'est-à-dire qu'elle se fait à
partir de la rédaction et de l'échange des mémoires des
parties au procès ainsi qu'à partir de l'élaboration des
procès-verbaux des mesures d'instruction. Le caractère
principalement écrit de la procédure administrative a toujours
constitué un trait spécifique du contentieux
administratif122. Cette procédure principalement
écrite n'est entachée d'aucun formalisme, les requêtes
pouvant être rédigées comme toute lettre de
réclamation.
La procédure administrative est également
inquisitoriale, c'est-à-dire exclusivement rédigée par le
juge qui organise les échanges de mémoires et prescrit les
délais. Et enfin elle est contradictoire, et impose donc que tous les
éléments de l'affaire soient connus du juge et
122Rémy Schwartz et Myriam Kacmarek, La
procédure contentieuse devant les juridictions administratives, La
Gazette, avril 2004, p. 211.
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discutées par les parties. Le principe du
contradictoire est un principe général de droit qui oblige
l'information d'une partie sur l'existence d'une procédure contentieuse
la concernant par une communication de la requête et une invitation
à produire des réponses et des observations relatives à
l'objet de la requête. Toutefois, ces caractéristiques sont ainsi
remplies au niveau des mesures d'instruction.
2- Les mesures d'instruction en contentieux administratif
camerounais
La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs prévoit six
mesures d'instruction dans la procédure administrative contentieuse au
Cameroun : les enquêtes, la descente sur les lieux ; l'audition des
parties, la vérification des écritures et les expertises.
Les enquêtes sont ordonnées soit d'office, soit
à la demande des parties, et la décision qui ordonne
l'enquête, indique les traits sur lesquels elle doit
porter.123Toutefois, la décision qui ordonne l'enquête
est notifiée aux parties, mais elle devient sans objet si les parties
sont présentes au moment du prononcé de la
décision124.
La descente sur les lieux relève de la
compétence du tribunal administratif qui peut directement de transporter
sur les lieux ou commettre un juge pour effectuer toutes les
vérifications et constatations essentielles à l'avancée du
procès125. De plus, la décision qui ordonne le
transport précise les points à constater ou à
vérifier et fixe l'heure et le jour du transport126. Les
frais de transport liés à la descente sur les lieux sont
fixés par la même décision, et font l'objet d'une avance de
la part du demandeur, laquelle avance est ainsi consignée au greffe du
Tribunal Administratif compétent127.
Selon l'article 77 de la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de Tribunaux
Administratifs, « le tribunal peut d'office ou sur demande, ordonner
l'audition des parties », laquelle audition a lieu devant le
tribunal128. Mais si une
123Voir dans cette direction, l'article 65,
alinéas 1 et 2 de loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
124Idem, article 66 alinéas 1
et 2
125Idem, article 72
126Idem, article 73 alinéa
1
127Ibidem, alinéa 2
128Idem, article 78 alinéa
1
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partie est dans l'impossibilité de comparaitre, le
tribunal peur commettre un de ses juges qui se déporte auprès
d'elle accompagné d'un greffier129.
En ce qui concerne la vérification des
écritures, « si une partie allègue la fausseté
d'un acte sous seing privé, public ou authentique, elle doit en
rapporter la preuve conformément au droit commun
»130.
En définitive, pour ce qui est des expertises, le
tribunal peut, même d'office, ordonner qu'il soit procédé
à une expertise qui est confiée à un ou plusieurs experts,
suivant la nature et les circonstances de laffaire. De plus, Les
parties peuvent s'entendre sur le choix des experts. En cas de désaccord
entre les parties, la juridiction en désigne d'office.
Toutefois, La décision qui ordonne l'expertise fixe les
points sur lesquels elle doit porter et la date à laquelle les experts
doivent prêter serment devant le Président ou devant le magistrat
délégué ainsi que le délai qui leur est imparti
pour accomplir leur mission. Les experts peuvent être dispensés de
la prestation de serment, d'accords entre les parties131. De ce
point de vue, peuvent être récusé les experts commis
d'office, qui sont parents ou alliés de l'une des parties jusqu'au
quatrième degré inclusivement ou qui ont été
condamnés pour crime ou délit contre la
probité132.
Somme toute, l'instruction des recours contentieux par le juge
administratif lui confère des pouvoirs important, en lui
conférant le statut de pierre angulaire de la procédure
administrative contentieuse.
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