B- Les conditions temporelles et personnelles de
recevabilité des recours contentieux
La saisine du juge administratif camerounais est
également conditionnée par des pesanteurs liées au temps
et à la personne du requérant. En effet, la procédure
administrative contentieuse au Cameroun est coextensive à
l'aménagement des délais (1), sous peine de forclusion, qui font
en sorte que la justice administrative respecte les droits des
requérants. De
1°8Voir Maurice Kamto et Bernard Raymond
Guimdo, « Le silence de l'administration en droit administratif
camerounais », Lex lata n°5, 1994, p.10 et suivants,
notamment sur la notion de silence de refus ou silence normateur de sens
négatif.
1°9Jean Marie Auby, Les modes alternatifs
de règlement des litiges. Les recours administratifs préalables,
AJDA, 1997, p.11
11°M. Courtin, Les recours
précontentieux : une voie de désengorgement des tribunaux
administratifs, Gaz. Pal, 1987, p. 467.
111Il en est ainsi du contentieux de la dissolution
ou de la suspension des associations et des organisations non gouvernementales
; du contentieux de la législation, de la dissolution et de la
suspension des partis politiques, et du contentieux des élections
municipales.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
plus, le justiciable doit également remplir certaines
conditions, directement liées à sa personne pour ainsi justifier
de l'opportunité de sa requête (2).
1- Le temps dans le déclenchement de la
procédure administrative contentieuse au Cameroun
De manière générale, le requérant
doit préalablement obtenir de la part de l'administration, une
décision contraire à l'objet de sa requête avant d'intenter
un recours contentieux devant le juge administratif.
Ainsi, d'après la législation en vigueur au
Cameroun, le demandeur dispose d'un délai de 60 jours sous peine de
forclusion pour saisir le juge administratif, s'il n'a pas obtenu satisfaction
ou gain de cause auprès de l'autorité compétente, saisie
d'un recours gracieux112. Ce délai court à compter du
lendemain du jour de la notification à personne ou à domicile
élu113, et est prorogé seulement si le
requérant a saisi une juridiction incompétente ou a
déposé une demande d'assistance judiciaire114.
A l'analyse, ces délais de prescription peuvent
être perçus comme étant un garde four pour la saisine du
juge administratif camerounais. Ce « légicentrisme »
poussé du droit administratif processuel camerounais en
matière de délais, pourrait être perçu comme un
obstacle à l'accès à la justice administrative et par
là, anéantirait les prétentions contentieuses des
requérants, lorsque un acte posé par l'administration puissance
publique leur fait grief. Mais, ces délais ne sont opposable qu'aux
justiciables remplissant certaines conditions liées à la personne
du recourant.
2- Les conditions tenant à la personne du
requérant
De manière générale, pour intenter une
action en justice, notamment dans le domaine de la justice administrative au
Cameroun, le requérant doit remplir certaines conditions pour que sa
requête soit recevable. L'effort de qualification de ces conditions
liées à la personne du recourant nous permet de les subsumer en
trois en trois catégories.
112Article 18 alinéa 1 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
113Idem, article 18 alinéa 2
114Idem, article 19 alinéa 1
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
De ce point de vue, le recourant doit avoir la qualité
pour agir car la qualité est en soi, une condition de
recevabilité de l'action en justice115. La notion de
qualité doit ainsi être entendue comme « le titre qui
permet au plaideur d'exiger du juge qu'il statue sur le fond du litige
»116. Cela signifie en clair que, « l'on puisse
se prévaloir d'un titre qui justifie que l'on engage le procès
»117car le défaut de qualité est un motif
d'irrecevabilité du recours introduit par le
requérant118.
De plus, le requérant doit avoir la capacité
à agir, c'est-à-dire qu'il doit avoir l'aptitude légale
pour ester en justice, et le juge administratif camerounais est regardant sur
cette clause car il en exige le respect119. La capacité
suppose une majorité, un équilibre mental et une
personnalité juridique pour les personnes morales.
En définitive, le recourant doit avoir un
intérêt à agir, c'est-à-dire qu'il doit justifier
d'un intérêt à demander l'annulation d'un acte
administratif lui ayant causé grief de manière
individuelle120 et parfois de manière
collective121. L'intérêt à agir peut être
soit matériel, c'est-à-dire quand la décision
attaquée concerne l'atteinte du patrimoine du recourant, il peut
également être moral. L'inobservation ou l'irrespect de ces
conditions plombe directement l'examen des recours et partant le jugement de
l'affaire.
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