Paragraphe 2- L'introduction des requêtes
contentieuses auprès des Tribunaux Administratifs : les conditions de
recevabilité
Au Cameroun, les règles qui gouvernent la
procédure administrative contentieuse ont formulées par les
textes et par les principes généraux de droit
énoncés par le juge administratif. Cette procédure a deux
caractéristiques essentielles ; elle est inquisitoire,
c'est-à-dire que c'est le juge administratif qui dirige la
procédure ; et elle est écrite.
Outre ces caractéristiques, la requête du
recourant doit remplir certaines conditions liées à la
recevabilité de celle-ci. Au Cameroun en l'occurrence l'exercice d'un
recours contentieux devant le juge administratif est conditionné par
l'introduction auprès de l'autorité administrative, auteur de
l'acte administratif querellé, d'un recours gracieux préalable
(A). En dehors de cette condition, l'introduction de la requête doit se
faire dans le strict respect des délais, et la personne du recourant
n'étant pas également exempte de toute conditionnalités
(B).
105Jean Rivéro, Le juge administratif :
gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de
la légalité ?, Mélanges Waline, Tome 2, Paris, LGDJ ?
1974.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
A- L'exigence de l'introduction d'un recours gracieux
préalable
De manière générale, pour que la
requête du justiciable soit recevable, il faut d'abord que celui-ci ait
introduit un recours gracieux préalable auprès de
l'autorité auteur de l'acte administratif lui faisant grief. Le recours
gracieux préalable, qui relève d'une formalité relative
à la procédure administrative non contentieuse permet de
régler autrement les conflits et a une substance important au Cameroun
(1). Toutefois, l'exigence de l'introduction préalable d'un recours
gracieux permet à l'administration elle-même, de réparer le
tort qu'elle a causé au particulier ; c'est la toute la
problématique de la portée du recours gracieux préalable
au Cameroun.
1- La substance du recours gracieux préalable
en contentieux administratif camerounais.
D'après l'article 17 alinéa 1 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs, « le recours devant le
tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours
gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte
attaqué ou à celle statutairement habilitée à
représenter la collectivité publique ou l'établissement
public en cause ».
En tant que conditions sine qua non du déclenchement du
procès administratif, le recours gracieux est cloisonné dans les
délais. De ce point de vue, il doit à peine de forclusion,
être formé dans les trois mois de la notification ou de la
publication de l'acte administratif querellé, et en cas de demande en
indemnisation, il doit être formulé dans les six mois suivant la
réalisation du dommage ou sa connaissance, et en cas d'abstention d'une
autorité ayant compétence liée, il doit être
formulé dans les quatre ans à compter de la date à
laquelle ladite autorité était défaillante106.
Le non-respect de ces délais donne systématiquement lieu au rejet
du recours par le juge107 car ils ont un caractère
impératif.
En cas de silence de l'autorité administrative à
qui le recours gracieux a été adressé pendant une
durée de trois mois, le demandeur doit ainsi considérer que le
recours a été
'°6Voir sur l'ensemble de la question,
l'article 17 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre
2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
'°7Voir dans cette veine, CS/CA jugement
n°34/82-83, du 24 février 1983, Beng Elouga Jean louis c/ Etat
du Cameroun ou encore CS/CA, jugement n°8 du 25 novembre 1976,
Libam Kouang Melchaide contre Etat du Cameroun.
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à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
rejeté108. En cas de demande en
indemnisation, l'autorité dispose d'un délai de trois mois pour
proposer le montant de l'indemnisation, après s'être
prononcé favorablement sur le principe de ladite demande en
indemnisation du demandeur. En contentieux administratif camerounais, le
recours gracieux peut avoir plusieurs inférences, parce qu'il a une
portée assez importante.
2- La portée de l'introduction préalable
d'un recours gracieux
Le recours gracieux préalable peut être saisi
comme un instrument au service du bon accomplissement de la gestion de la chose
publique par l'administration. Dans cette direction, il serait ainsi
considéré comme une instance de reconsidération de la
position administrative initiale. En effet, le recours gracieux repose sur le
principe selon lequel, l'administration étant censée garantir
l'intérêt général, peut elle-même
réparer le tort qu'elle a causé à l'administré. Le
recours gracieux serait donc un mode alternatif109 de
règlement des litiges entre l'administration et l'administré et
permettrait de désengorger les Tribunaux
Administratifs110.
Le recours gracieux préalable est en principe une
règle d'application générale. De ce point de vue et sauf
dispositions textuelles contraires111, le requérant à
l'obligation de s'adresser préalablement à l'administration avant
de saisir le juge, quel que soit la forme du contentieux en cause. En tout
état de cause, l'introduction préalable d'un recours gracieux par
le justiciable n'est pas la seule condition à laquelle il fait face pour
que sa requête soit recevable par le juge administratif.
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