Paragraphe 2- Le partage des compétences entre la
Chambre Administrative et les Tribunaux Administratifs
L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité au Cameroun a induit une mutation de son contentieux
administratif. En effet, avec l'adoption des lois sur
81A. Faure, G. Pollet, Ph. Warin, Construction
du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de
référentiel, Paris, L'Harmattan, 1995.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'organisation judiciaire, notamment la loi n°2006/016 du
27 décembre 2006 fixant l'organisation de la Cour Suprême, et la
loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs, les compétences
dévolues aux Tribunaux Administratifs (A), diffèrent
considérablement des compétences reconnues à la Chambre
Administrative de la Cour Suprême (B).
A- La dévolution des compétences des
Tribunaux Administratifs de proximité
La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs condense
brillamment, les compétences reconnues aux Tribunaux Administratifs.
En effet, l'exploration de cette loi amène à
adopter une double qualification des compétences reconnues à ces
Tribunaux Administratifs. Ainsi, la substance de leurs compétences
s'articule autour des attributions ordinaires, qui sont les compétences
reconnues et dévolues de manière principale et directe au
Tribunaux Administratifs, lesquelles portent sur le contentieux pour
excès de pouvoir et le contentieux de pleine juridiction ou en
indemnisation (1). En outre il est reconnu aux Tribunaux Administratifs, des
compétences dites accessoires ou additionnelles, qui consistent
substantiellement en le traitement des cas d'urgence en matière de
contentieux administratif (2).
1- L'étendue des attributions principales des
Tribunaux Administratifs au Cameroun
L'étendue de la compétence de la juridiction
administrative renvoie au principe de la séparation des fonctions
administratives et des fonctions judiciaires. Cette séparation de
fonctions permet à la juridiction administrative de connaitre de la
responsabilité pouvant incomber à l'Etat par le fait des
personnes qu'il emploie dans le service public. Au Cameroun, le
constituant82 et le législateur ont précisé le
champ de compétence de la juridiction administrative.
Ainsi, au sens de l'article 40 de loi constitutionnelle du 18
janvier 1996, les Tribunaux administratifs sont des juridictions
inférieures en matière de contentieux administratifs. Ils sont
compétents pour connaitre « en premier ressort, du contentieux
des élections régionales et municipales et, en dernier ressort,
de l'ensemble du contentieux administratif concernant
82Voir article 38 et 40 de la constitution du 18
janvier 1996
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l'Etat, les collectivités publiques territoriales
décentralisées et les établissements publics
administratifs »83. De ce point de vue, relève de
la compétence des Tribunaux Administratifs les recours en annulation
pour excès de pouvoir84 et, en matière non
répressive, les recours incidents en appréciation de la
légalité. Aussi, les Tribunaux Administratifs sont
compétents pour connaitre les actions en indemnisation du
préjudice causé par un acte administratif. De plus, les Tribunaux
Administratifs sont compétents pour connaitre les litiges concernant les
contrats ou les concessions de services publics, les litiges intéressant
l'ordre public et enfin, les liges concernant les opérations de maintien
de la paix85.
Les Tribunaux Administratifs jouissent en effet, d'une
compétence rationae loci, qui leur confère la
compétence contentieuse exclusive dans le ressort territorial duquel,
l'autorité ayant pris la décision querellée a
légalement son siège, de la résidence du demandeur, du
lieu d'exécution du contrat, du fait dommageable si ledit fait est
imputable à une décision. De plus, le Tribunal territorialement
compétent pour statuer sur une demande principale l'est également
pour toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle relevant de la
compétence des Tribunaux Administratifs86. En outre, le
Tribunal Administratif du siège de l'autorité ayant pris la
décision attaquée est compétent pour connaitre de l'action
en indemnisation, imputable à la décision querellée, ainsi
que des recours en interprétation et en appréciation de la
légalité de l'acte administratif litigieux intervenant sur
renvoie de l'autorité judiciaire87. En dehors de ses
compétences principales, les Tribunaux Administratifs remplissent
également des attributions dites additionnelles qui consistent pour
l'essentiel, en le traitement de l'urgence.
2- Les Tribunaux Administratifs et l'urgence au Cameroun
: les compétences additionnelles
Du fait de la lenteur avérée de la justice
administrative au Cameroun, certaines décisions peuvent n'avoir qu'une
portée symbolique s'ils interviennent de manière tardive. Par
ailleurs, l'exécution de certaines décisions de justice peut
entrainer des dommages irréparables. C'est
83Article 2 alinéas 1 et 2
de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs
84Est constitutif d'excès
de pouvoir : le vice de forme ; l'incompétence, la violation d'une
disposition légale ou règlementaire et le détournement de
pouvoir.
85Article 2 alinéa 3 de la
loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
86Idem, article 16
87Idem, article 15 alinéa 2
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dans cette logique que le législateur camerounais a
organisé deux procédures d'urgence88 pour solutionner
ce constat ; il s'agit du référé administratif et du
sursis à exécution.
Le référé administratif est une
procédure permettant au juge, de prendre des mesures urgentes afin de
préserver les intérêts des parties, mais sans
préjuger du fond de l'affaire. En effet pour employer le
référé administratif, il faut qu'il y'ait urgence, et
qu'il ne fasse pas obstacle à l'exécution de la décision
administrative. Ainsi, le président du Tribunal ou le magistrat qu'il
aura délégué, peut sur requête, et si le demandeur
justifie de l'introduction d'un recours gracieux, convoquer les parties et
après conclusions du ministère public, ordonner en
référé, toutes mesures utiles89.
Le sursis à exécution quant-à lui, permet
au juge d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision
litigieuse. En principe, le recours gracieux introduit contre un acte
administratif n'en suspend pas l'exécution90. Mais, si
l'exécution dudit acte « est de nature à causer un
préjudice irréparable et [qu'il] n'intéresse ni l'ordre
public ni la sécurité publique ou la tranquillité
publique, le président du tribunal administratif peut, saisi d'une
requête, après communication à la partie adverse et
conclusions du ministère public ordonner le sursis à
exécution »91 . Ainsi, le
président du Tribunal Administratif compétent statue sur la
demande de sursis à exécution par ordonnance, laquelle est dans
les vingt-quatre heures notifiée aux parties en causes. L'effet de
l'acte attaqué est alors suspendu à compter du jour de cette
notification. Ce champ compétentiel des Tribunaux Administratifs,
autrefois dévolu à la Chambre Administrative de la Cour
Suprême a ainsi induit un recadrage des compétences de ladite
chambre.
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