B- Les institutions d'accès à la justice
administrative dans l'Etat unitaire
Le changement institutionnel d'accès à la
justice administrative saisi par la conjoncture permet de relever une
réorganisation organique et procédurale de la justice
administrative au Cameroun. En effet, si la loi du 2 juin 1972 consacre la
création d'une nouvelle Cour Suprême (1), celle-ci n'a
véritablement pas gagné en qualité et en
légitimité, ceci en raison de la composition et de la formation
des magistrats qui devaient y instruire les affaires (2).
70Joseph Owona, Droit administratif spécial
de la République du Cameroun, Paris, EDICEF, 1985.
71Maurice Kamto, Droit administratif processuel de
la République du Cameroun, op. Cit, p. 11.
72Loi n°65/LF/29 du 29 novembre 1965 portant
réforme du contentieux administratif. Journal officiel du
République Fédérale du Cameroun, 1er
décembre 1965.
73Loi n°69/LF/1 du 14 juin 1969 fixant la
composition, les conditions de saisine et la procédure devant la Cour
Fédérale de Justice.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- La Constitution du 2 juin 1972 et la création
d'une nouvelle Cour Suprême
Avec l'avènement de l'Etat unitaire en 1972, les
choses allaient encore changer. La loi du 2 juin 1972 entraina ainsi la
réorganisation organique et procédurale de la justice
administrative au Cameroun, tout en gardant et en conservant son statut
constitutionnel et ses compétences. L'article 32 qui crée une
nouvelle Cour Suprême, rénove complètement sa structure.
Désormais, la nouvelle Cour Suprême regroupe en son sein, tout
l'ordre juridictionnel administratif. Elle est ainsi composée d'une
juridiction de premier niveau ou de premier ressort et d'une juridiction
d'appel.
L'ordonnance n°72/06 du 26 Août 1972 fixait ainsi
l'organisation et le fonctionnement de cette juridiction. L'étendue des
compétences de cette nouvelle juridiction administrative camerounaise
était fixée par l'article 32 alinéa 3 de la loi du 2 juin
197274. Elle était de ce fait constituée d'une Chambre
Administrative et d'une Assemblée Plénière. Toutefois, la
nouvelle Cour Suprême ne faisait pas l'unanimité au sein de
l'opinion publique car elle ne semblait pas avoir beaucoup gagné en
qualité.
2- La Nouvelle Cour Suprême face au défi de
l'ingénierie institutionnelle
La Nouvelle Cour Suprême instituée grâce
à l'avènement de l'Etat unitaire ne s'est pas
véritablement émancipée de la Cour Fédérale
de Justice, car elle y avait reconduit la presque totalité de la
jurisprudence. De plus, comme la Cour Fédérale de Justice, la
Nouvelle Cour Suprême emprunte tous ses magistrats à l'ordre
judiciaire. De ce point de vue, « la non spécialisation de ces
magistrats formés à d'autres types de contentieux serait à
l'origine du caractère incertain de la jurisprudence administrative
camerounaise »75. En outre, les décisions rendues
par la Nouvelle Cour Suprême étaient entachées d'une
incertitude juridique dont les causes se trouveraient dans une explication
plausible. En effet,
L'inclination originaire du juge administratif camerounais
à se penser principalement comme le protecteur de l'Etat contre les
particuliers [...], s'inscrit en droite ligne dans la conception des rapports
entre l'Etat et l'individu qui prévaut dans la société :
l'Etat est tout, l'individu n'est rien
74Cet article disposait que la Cours Suprême
devait « statuer souverainement sur les recours en indemnité ou
en excès de pouvoir dirigés contre les actes administratifs
».
75Maurice Kamto, op.cit. p.11.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
f...].[de plus], La justice camerounaise souffre de
la plupart des maux qui corrompent la
société76.
De ce point de vue et compte tenu de cet état des
choses, une réforme de la justice administrative au Cameroun
relativement à son accès s'est posée en s'imposant comme
impérieuse nécessité. Une réforme des politiques
publiques institutionnelles de l'accès à la justice
administrative s'est imposée, ce qui a été consacré
par la Constitution du 18 janvier 1996.
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