Paragraphe 2- La consécration institutionnelle de
l'accès à la justice administrative dans l'Etat
indépendant
Les logiques du changement institutionnel sont très
souvent saisies par la conjoncture et l'avènement des
évènements, qui viennent parfois justifier le pourquoi du
changement institutionnel. Les développements
institutionnels65 posent en effet la question des relations entre
les politiques publiques et le changement institutionnel, tout en appelant
à la prudence sur les conditions d'acceptabilité et de
recevabilité de l'ingénierie institutionnelle.
Les théories institutionnelles qui permettent
d'appréhender le changement institutionnel66, rendent compte
des effets de l'institutionnalisation67 sur la modification des
comportements sociétaux. La trajectoire de l'institutionnalisation de la
juridiction
65Colin Crouch et Henry Farell, «Breaking the
path institutional development? Alternatives to a new determinism»
Working paper, Institut Européen de Florence, 2002.
66T. Dacin et al, « Institutional theory and
institutional change: Introduction to the Special Research Forum »,
Academy of Management Journal, Vol 45, n°1, p. 45-57.
67R.L. Jepperson, « Institution, institutional
effects and institutionalism », in W.W. Powel and P.J. DiMaggio (Eds),
The new Institutionalism in Organizational Analysis, University of
Chicago Press, p. 143- 163.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
administrative dans l'Etat indépendant n'a pas
fondamentalement changé, quoiqu'il faut tout de moins distinguer les
institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat
fédéral (A) des institutions d'accès à la justice
administrative dans l'Etat unitaire (B).
A- L'accès à la justice administrative
dans l'Etat fédéral
L'évolution institutionnelle de l'accès à
la justice administrative au Cameroun a connu une mutation consécutive
à l'accession de l'Etat camerounais-oriental notamment- à
l'indépendance. Cette donnée conjoncturelle a ainsi abouti
à la création d'une Cour Suprême qui malheureusement n'a
pas fait long feu (1), car quelques mois plus tard, le Cameroun Oriental et le
Cameroun Occidental devaient se réunir pour former l'Etat
Fédéral du Cameroun, induisant ainsi l'institutionnalisation
d'une nouvelle juridiction administrative appelée Cour
Fédérale de Justice (2).
1- L'existence éphémère de la Cours
Suprême
Après l'accession du Cameroun -oriental notamment-
à l'indépendance le 1er Janvier 1960, la loi n°
60-12 du 20 Juin 1961 créa la Cour Suprême qui devait être
juge de cassation et juge de conflit. En effet, comme le note si bien Maurice
Kamto,
La création de la Cour Suprême,
consécutive à l'accession du pays à la souveraineté
internationale allait régler cette imperfection juridictionnelle [...]
Elle sera juridiction d'appel du Tribunal d'Etat qui est maintenu, en
même temps qu'elle jouera le rôle de Tribunal de Conflits en cas de
conflits de compétences entre le Tribunal d'Etat et les juridictions
judiciaires68.
L'institutionnalisation de cette nouvelle juridiction
administrative ne venait pas remettre en question le principe du double
degré de juridiction institué par les juridictions qui l'ont
précédée. En effet, en remplissant les compétences
de juge de cassation et juge de conflit, la Cour Suprême étoffait
considérablement le contentieux administratif camerounais et
garantissait la pérennité d'un principe juridictionnel fort.
Toutefois, la Cour Suprême instituée en 1960 n'allait pas faire
long feu, car quelques mois plus tard, elle fut remplacée par la Cour
Fédérale de Justice69.
68Idem, p 11.
69Créée par l'article 33 de la
constitution du 1er septembre 1961.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- L'institutionnalisation d'une Cour
Fédérale de Justice
L'existence de la Cour Suprême n'aura été
qu'éphémère car un an plus tard, elle fut remplacée
par la Cour Fédérale de Justice (C.F.J).Cette nouvelle
juridiction administrative devait alors être une juridiction à
compétence pleinement nationale70, car elle devait connaitre
l'ensemble des litiges administratifs de la République
Fédérale, des Etats Fédérés, des
collectivités publiques et des établissements publics
administratifs. Ainsi, avec la Cour Fédérale de Justice, «
le contentieux administratif camerounais s'étoffe substantiellement et
la justice administrative prend vraiment racine dans les moeurs juridiques de
l'élite administrative camerounaise
»71.
La Cour Fédérale de Justice exerce les fonctions
de juridiction administrative, constitutionnelle et de régulation des
conflits nés de la compétence entre les juridictions les plus
élevées de l'ordre de juridiction des Etats
fédérés. L'organisation de la Cour Fédérale
de Justice est fixée par une ordonnance du 4 octobre 1961. Les lois du
29 novembre 196572 et du 14 juin 196973 viendront
bouleverser sa conception initiale, en la rendant en une juridiction
administrative de pleine compétence. Cependant, une autre donnée
conjoncturelle allait encore bouleverser l'aménagement institutionnel
d'accès à la justice administrative au Cameroun, car
l'avènement de l'Etat unitaire fera disparaitre la Cour
Fédérale de Justice au profit d'une nouvelle juridiction
administrative.
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