Chapitre 1 : État des lieux des projets ERP
Ce premier chapitre consiste à mettre en exergue les
risques des projets ERP ainsi que les facteurs clés de succès et
d'échec de ces derniers. Il nous permettra notamment de saisir les
raisons pour lesquelles certaines organisations et entreprises ne sont pas
parvenues à profiter pleinement des opportunités offertes par le
système et nous tenterons d'illustrer nos propos par des exemples
concrets d'entreprises.
A/ Risque des projets ERP
Si les bénéfices potentiels des progiciels ERP
sont nombreux, les risques le sont tout autant. Un projet ERP est par
définition « long, coûteux et incertain ». Il peut
être source de nombreux problèmes pour les entreprises qui les
implantent.
Tout d'abord, la difficulté à travailler
ensemble, à bâtir une vision commune et à repenser les
différents processus en amont de son implémentation fut à
l'origine d'un grand nombre d'échecs. L'une des critiques phares d'un
projet ERP est qu'il nécessite de rendre formels les processus. Mais,
puisqu'il est impossible de tout formaliser, sa standardisation échappe
à certaines pratiques, et ceci vient compromettre l'efficacité du
système.
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Dans une même logique, il est difficile et long à
mettre en oeuvre car il requière la participation et la mobilisation de
l'ensemble des acteurs de l'entreprise. Il est également relativement
rigide puisque son degré d'intégration est important.
Parmi les projets SI, l'ERP a connu le plus d'échec. La
littérature montre que beaucoup d'entreprises éprouvent des
difficultés à maîtriser leur budget et
l'échéancier du projet tant il s'avère complexe. Dans leur
livre, Management des systèmes d'information, Laudon et Laudon (2014)
s'appuient sur une étude du groupe Standish International qui
énonce que « seuls 32% des investissements en technologie ont
respecté les échéanciers, le budget et les
spécifications fonctionnelles ». Cette même étude
montre qu'un « projet sur six dépassait les coûts
prévus de 200% et les délais prévus de 70% ».
Laudon et Laudon tendent à justifier ces échecs par deux raisons
: d'une part, les entreprises ne parviennent pas à aligner leur
stratégie aux projets SI et dans ce sens, de nombreuses
incohérences et difficultés émergent. D'autre part, les
entreprises ont généralement une mauvaise maîtrise du
changement organisationnel. Elles minimisent la nécessité d'une
refonte des processus et ceci peut s'avérer crucial pour la bonne marche
de l'entreprise. C'est par exemple le cas de Dell Computer, qui
après avoir investi massivement dans un ERP, a du abandonner le projet
car celui-ci n'était pas adapté à sa nouvelle organisation
décentralisée. Mobil Europe a également abandonné
son projet suite à une fusion.
Aussi, il est souvent difficile de s'assurer de l'apport du
projet ERP et de mesurer concrètement le retour sur investissement.
Enfin, inutile de préciser que les projets ERP contribuent à
renforcer les enjeux liés à la gouvernance des projets et des
données. Des enjeux extrêmement importants et pourtant souvent peu
maîtrisés par les organisations.
Illustrons nos propos à travers un cas d'entreprise qui
a échoué dans son implémentation de l'ERP.
Le cas de l'entreprise Hersey
Hershey est le plus grand fabricant de chocolat en
Amérique du Nord. L'entreprise a été crée en 1894
et les produits de la marque sont vendus dans une soixantaine de pays dans le
monde entier.
En 1996, l'entreprise souhaite gagner en
compétitivité notamment en améliorant son service clients.
Elle décide alors d'implémenter un ERP pour gérer
l'intégration entre ces trois
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systèmes existants à savoir : le logiciel SCM,
le logiciel CRM et IBM global service. Le but était d'harmoniser les
systèmes et de rendre plus fluide les processus.
Le coût global du projet était de 10 millions de
dollars et le temps d'implémentation recommandé du système
était de quatre ans. La direction souhaite finalement rendre le
système opérationnel dans un délai de deux ans et demi
environ, et l'entreprise choisi d'adopter une approche rapide de mise en place
de l'ERP nommée Big Bang approach.
Impacts de l'échec de l'implémentation
L'entreprise n'est pas parvenue à réduire ses
délais, au contraire. Elle a subit des problèmes relatifs
à l'exécution des commandes ; le temps de traitement et
l'expédition ont largement augmenté pendant et suite à la
mise en place de l'ERP. Ceci a conduit à des retards de livraison et les
distributeurs se sont retrouvés dans l'impossibilité d'envoyer
à temps les produits aux détaillants. Et ceci a compromis leur
crédibilité sur le marché.
Les stocks de l'entreprise ont commencé à
s'accumuler jusqu'à augmenter de 25% par rapport à l'année
précédente et le cours des actions de l'entreprise a brusquement
chuté la même année. Hershey a du justifié cet
échec et a annoncé que ces problèmes étaient dus
à une mauvaise gestion et un mauvais fonctionnement du système
informatique, à savoir l'ERP. L'échec du projet ERP a, au total,
conduit à une perte de 150 millions de dollars de chiffre d'affaires.
Raisons de l'échec
Hershey n'a pas respecté les délais
conseillés pour la mise en place de l'ERP et a précipité
son implémentation. Elle aurait dû respecter toutes les
étapes d'implémentation que nous expliciterons lors de la
prochaine sous-partie. Or, l'entreprise a opté pour un calendrier
déraisonnable en souhaitant réduire le temps
d'implémentation de près d'un an et demi.
En réalité, elle avait des impératifs car
a choisi de débuter le projet pendant une période où les
demandes des distributeurs étaient fortes en raison de la saison. Elle
aurait dû opter pour un moment plus opportun et implémenter l'ERP
dans une démarche progressive et concise.
En effet, au cours d'une période d'activité plus
lente, l'entreprise peut davantage se donner le temps pour explorer le
système. Il est d'ailleurs recommandé de réduire la
production pendant la période la plus critique de
l'implémentation. Cette démarche vise à éviter
autant que
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possible une exposition aux dommages causés par des
erreurs qui sont difficilement détectables.
Sa stratégie a été de réduire les
délais et d'améliorer le service client. Or,
l'implémentation de l'ERP n'a pas été correctement
alignée avec la stratégie et les préalables
nécessaires à la réussite d'un tel projet n'ont pas
été respectés.
Au final, l'entreprise n'a pas procédé aux tests
nécessaires pour s'assurer que l'ERP était en adéquation
avec la stratégie globale mais également celle des
métiers. Les phases de tests sont extrêmement importantes pour
assurer une sécurité au système, et dans ce sens, elles ne
doivent jamais être négligées.
La figure 7 résume les principales causes d'échec
de la mise en oeuvre d'un ERP
Utilisateurs peu impliqués
Objectifs mal définis
Mauvaise définition de la
dimension stratégique du projet
Mauvaise implication du management
Fonctionnalités inadaptées
Causes d'échec
Ressources humaines et/ou
financières insuffisantes
Technologie insuffisamment maîtrisée
Projet mal préparé
Figure 7 : Causes principales d'échec de mise en
oeuvre d'un ERP.
Ces différents éléments nous permettent de
mettre en lumière la nature complexe de cet outil ainsi que les
différents risques inhérents aux projets ERP.
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