2.2- Principaux
déterminants des hausses de prix des denrées alimentaires
2.2.1-
Déséquilibre entre l'offre et la demande
Les fluctuations permanentes de prix des denrées
alimentaires enregistrées ces dix (10) dernières années,
sont le reflet d'un déséquilibre entre l'offre et la demande
dû à une «crise de la production» conjuguée avec
une augmentation de la demande et du pouvoir d'achat tendanciels ces
dernières années, d'une part ; et à une «crise
des prix» à cause du dysfonctionnement et de la manipulation des
marchés, d'autre part. Parmi les facteurs décisifs plus
spécifiquement mis en cause, on peut mentionner la réduction des
stocks alimentaires, les changements climatiques et les sécheresses
récentes dans des pays fournisseurs de premier plan, et la demande
accrue pour certains produits alimentaires liée à la croissance
démographique, à l'augmentation du revenu, à
l'urbanisation et à la modification des habitudes alimentaires dans les
centres urbains. Il est d'ailleurs observé qu'au moment même
où les pressions démographiques s'accentuaient, les
récoltes étaient en recul.
Du côté de la demande, les principaux facteurs de
volatilité des prix alimentaires, se concentre essentiellement sur la
croissance démographique, la demande sans cesse croissante des
biocarburants, la croissance continue de la demande de denrées
alimentaires dans les pays émergents, et sur les transactions
opérées sur les marchés financiers.
S'agissant de la croissance démographique mondiale qui
est d'environ 78.5 millions d'individus par an, son évolution est telle
que nous passerons de 6.6 milliards d'habitants actuellement à 9.3
milliards en 2050. Et pour pouvoir satisfaire ces besoins
supplémentaires, le milieu rural ou agricole devra produire un (1)
milliard de tonnes de céréales de plus par an, tout en essayant
de préserver et d'améliorer les ressources naturelles dont
dépend le bien - être des générations
présentes et futures. A cela, il faut ajouter la demande croissante dans
le secteur des biocarburants. En effet, celle - ci a tout simplement
détourné de la consommation alimentaire approximativement cent
(100) millions de tonnes de céréales (près de 4.7% de la
production mondiale de céréales), dont environ quatre - vingt
(80) millions de tonnes de maïs aux Etats-Unis, rien que pour produire de
l'éthanol.
Un autre élément important est la demande en
denrées alimentaires des pays émergents, laquelle a
augmenté en quantité et en qualité, suite aux performances
économiques enregistrées (avec des taux de croissance
économique du PIB de plus de 8%). Ainsi, au cours des vingt
dernières années, la consommation de viande a plus que
doublé en Chine ; tandis qu'elle a augmenté de 70% au
Brésil, et de 20% en Inde. Et sachant qu'il faut près de sept
(7)kg de céréales pour produire un (1) kg de viande, ces
changements de goûtsont ainsi contribué à accroître
les besoins en céréales sur les marchés ; provoquant
non seulement une augmentation de leur prix, mais aussi un accroissement de la
pression sur les ressources en eau de la planète. En effet, s'il faut 1
000 à 2 000 litres d'eau pour produire un (1) kg de
céréales, ce sont 10 000 à 13 000 litres qui sont
nécessaires pour obtenir un (1) kg de viande !
Enfin, on peut mentionner d'autres facteurs tels que les
transactions effectuées sur les marchés financiers, plus
particulièrement la spéculation sur les prix des denrées
alimentaires de base ; l'inquiétude des marchés liée
à la faiblesse des stocks de sécurité ; les
fluctuations des taux de change ; et les mesures de court terme prises par
certains pays pour, à la fois, limiter l'incidence de la flambée
des cours mondiaux sur les marchés intérieurs, et
préserver la sécurité alimentaire de leurs populations.
Ces mesures, qui vont de l'interdiction à l'exportation, et au
relèvement pur et simple des taxes à l'exportation, ont eu pour
effet d'exacerber la volatilité à court terme des cours mondiaux
de ces denrées et substituts, et d'accentuer une hausse
générale des prix des denrées alimentaires.
Du côté de l'offre, on l'explique souvent par les
déficits de production résultant de l'impact négatif des
sécheresses et inondations liées aux changements climatiques sur
les récoltes. Mais, est - ce la seule explication ? Non sans doute,
car il y a également la réduction progressive, depuis le milieu
des années 1990, du niveau des réserves mondiales de
céréales, lequel a fortement influencé les marchés,
et accentué davantage l'impact du déficit actuel de production.
Enfin, pour bien cerner la question, il faut tenir compte du déclin
progressif des prix réels des denrées agricoles depuis les
années 1980 ; notamment suite aux subventions à
l'exportation accordées par les pays industrialisés à
leurs producteurs. Celui - cia constitué un frein à la production
et à l'investissement agricoles dans les PED, et n'a pas permis aux
petits agriculteurs d'améliorer leur productivité. C'est
également la raison pour laquelle en Afrique, il y a un dumping agricole
incroyable, qui a amené de nombreux pays à revenus faibles
à devenir de plus en plus tributaires des importations pour satisfaire
efficacement leurs besoins alimentaires.
Une étude de 2009 de la commission de l'UE sur les
causes des flambées des prix des produits agricoles de base de
2007/2008, a montré que l'augmentation des prix alimentaires
découlait de divers facteurs structurels et temporaires. Ces facteurs
portent essentiellement sur la croissance de la population mondiale,
l'augmentation des revenus dans les économies émergentes (Jeffery
Frankel, 2008), l'apparition de nouveaux débouchés sur les
marchés, le renchérissement des coûts de production, les
conditions météorologiques, et les restrictions à
l'exportation imposées par certains pays exportateurs.
L'évolution des taux de change, le développement de
l'activité spéculative sur les marchés
dérivés des produits agricoles de base, et la relation
étroite entre les marchés agricoles et les autres marchés
des produits de base tels que le marché pétrolier, ont
également porté un coup dur à l'évolution des prix
des produits agricoles de base. Toutefois, l'incidence de ces différents
facteurs varie selon les secteurs. De même, un rapport de la FAO (2011),
l'attribue à une demande en hausse ainsi qu'aux inquiétudes
à propos des stocks. L'organisme humanitaireOxfam l'attribue à
une production réduite en raison des aléas climatiques, à
la hausse des prix du pétrole renchérissant les fertilisants et
les transports ; ainsi qu'à une demande croissante pour les
biocarburants, aux restrictions à l'exportation, et à la
spéculation financière.
Chen Qiu et al (2011) dans une étude sur les
indicateurs macroéconomiques relative aux flambées de prix de
2007 - 2008 en considérant les produits alimentaires et le fuel
essayèrent de montrer l'impact des chocs d'offre et de demande sur les
prix des alimentaires et du fuel. Aux termes des travaux en se basant sur le
modèle SVAR, les résultats indiquent que les deux chocs agissent
de manière différente dans la variation des prix des
céréales en particulier. De plus, l'hypothèse selon
laquelle la hausse des prix des céréales est une
conséquence logique d'un choc de demande a été
confirmée uniquement dans le court terme. En outre dans le long terme,
l'ajustement de l'offre par rapport à la demande, restore le niveau de
prix d'équilibre.Kappel et al (2010) quant à eux, estiment
fondamentalement que les actions de l'offre et de la demande sur le
marché des produits, ont été les vrais précurseurs
de la crise alimentaire de 2008, car la baisse de l'offre globale des produits
alimentaires laissaient présager un déséquilibre du
système. Dans leur analyse, ils pensent que tout accroissement de la
production des denrées agricoles, est tributaire soit d'une hausse de la
demande des biocarburants, ou soit d'une hausse de la demande globale des
denrées alimentaires (Jeffery Frankel, 2008). Par conséquent,
dans le court terme le prix augmente ; et le niveau de cette variation de
prix dépendra de la nature de l'offre et de la demande. Mais dans le
long terme, l'entrée de nouveaux producteurs (accroissement de l'offre)
potentiels restaurera le prix du marché à son niveau initial ou
bas (ceteris paribus).
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